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M. Devinck faisait observer qu'il y avait 72 millions de dépenses ordinaires; sur les 32 millions d'excédant, 12 millions étaient affectés à l'amortissement de la dette. Mais il n'avait pas suffi à l'orateur de savoir cette situation: membre du conseil municipal, il savait qu'il y avait une situation extraordinaire; la Ville avait pris des engagements; des travaux devaient être exécutés en un certain nombre d'années. Compte fait de ces travaux, M. Devinck estimait que l'ensemble en était de 620 millions, sur lesquels il y en avait à peu près pour 300 d'exécutés; les autres 300 seraient couverts par les subventions de l'Etat, par l'emprunt conclu, enfin par les ressources ordinaires du budget. L'orateur expliqua ensuite les causes du renchérissement des loyers. On avait demandé à la ville de percer deux grandes voies, là où il y avait des maisons, des habitations dont un certain nombre avaient dû être démolies, et comme les nouvelles constructions n'avaient pu se produire qu'au fur et à mesure des besoins qui se manifestaient; comme les capitalistes ne faisaient des avances que lorsqu'il se présentait des locataires, il s'en était suivi une crise dans les locations. un renchérissement regrettable des loyers. De nouveaux travaux devenant nécessaires, on vota la loi des 180 millions qui assurait 50 millions à la ville de Paris, et l'on avait reconnu que pour exécuter ces masses de travaux il fallait autoriser la ville à acquérir jusqu'à concurrence de 300 millions, à revendre jusqu'à concurrence de 120 millions, qu'en résumé il y aurait un solde de 180 millions, et en fin de compte, par l'édification de maisons nouvelles, le ralentissement du renchérissement des loyers.

M. Picard avait parlé de la difficulté qui s'était élevée entre la Cour des comptes et la ville de Paris. En effet, la ville soutenait avec raison, selon M. Devinck, qu'on ne pouvait pas lui appliquer les règles de comptabilité d'une petite commune; elle soutenait qu'en donnant son budget à la Cour des comptes, alors que dans ce budget se trouvaient inscrites toutes les propriétés, les renseignements étaient suffisants. Le Gouvernement ayant été saisi de la question, il n'y avait plus qu'à attendre sa réponse.

Après une observation de M. le Président tendante à conseiller de poser les principes, mais à faire remarquer aussi que

la discussion se prolongeait, qu'il serait bon que l'on se bornât par exemple à demander le renouvellement du conseil municipal par voie d'élection sans introduire en outre, dans la discussion d'Adresse, un débat sur le budget de la ville, et après une réplique de M. Picard dont la conclusion était qu'il n'avait voulu qu'une chose, démontrer par l'opposition des chiffres qu'une gestion du conseil municipal était meilleure qu'une gestion de commission, M. Clary déclara qu'il n'admettait pas, avec M. Devinck, que dans les constructions nouvelles l'on n'avait édifié que là où il le fallait, pas plus qu'il ne pouvait admettre avec le préopinant que les terrains ne dussent rien coûter. « Demandez aux ouvriers qui habitaient les environs de la place du Châtelet si cela ne leur coûte rien d'aller habiter le boulevard du Prince Eugène. >>

Député du Rhône, M. Hénon s'occupa spécialement de ce qui concernait l'administration lyonnaise. Mais loin de se montrer optimiste à cet endroit, il traça le contraste que faisait avec les voies nouvelles l'élévation des loyers, des vivres, enfin le triste et persistant état des anciens quartiers. Ce discours, peut-être trop spécial, avait pour conclusion que « le Gouvernement, issu du suffrage universel,» ne devait pas tarder à supprimer les commissions municipales dont l'existence lui semblait incompatible avec l'exécution loyale du programme du 24 novembre.

M. Billault traita la question de l'amendement au point de vue politique; un de ses auteurs, M. Picard, avait dit pour en traduire la pensée Paris est aux Parisiens comme la France est aux Français; quand nous rendrez-vous Paris? » Eh bien, répondait le Ministre, nous ne vous le rendrons pas » C'est que, dans cette question, il y avait un intérêt politique prédominant: «Paris sait bien qu'il n'est pas une ville ordinaire, que ses intérêts ne sont pas seulement municipaux ; qu'ils ont au contraire, des liens intimes. avec l'action gouvernementale; que sa splendeur est celle de la France; que tous les ressorts de l'autorité centralé étant contenus dans son enceinte, sa tranquillité importe gravement à celle de tout l'Empire. » Ses conditions municipales intéressent à un haut degré la sûreté du Souverain, celle des grands corps de l'Etat. La

concentration de tous ces grands instruments de la puissance publique, comme les télégraphes et les chemins de fer, commande une police toute autre qu'une police municipale. « Il ne suffit donc pas des garanties d'une police locale, il faut une administration plus puissamment organisée et plus efficacement, sous la main de l'autorité centrale qui représente et défend de si grands intérêts. » M. Picard, se plaignait des mystères de l'administration municipale. « Jamais municipalité, répondait le Ministre, n'a donné des documents plus complets, des comptes-rendus imprimés plus clairs, plus détaillés et, je dirai, plus volumineux. >> On avait cherché aussi, faisait remarquer M. Billault, à émouvoir en parlant d'expropriations par masses, de maisons abattues par centaines, et on avait cherché à y rattacher la cherté des loyers et les souffrances de la population. - Réponse : Il s'était produit dans la population de Paris, un développement considérable; en dix ans, elle avait augmenté de près de 500,000 âmes, grand mouvement de concentration dû. en grande partie à la réunion de ces innombrables lignes de chemins de fer rayonnant sans relâche de Paris sur les départements et le reste de l'Europe, c'étaient 16,500 maisons qu'il avait fallu bâtir. En 1851, Paris comptait 1,268,904 habitants, et 40,723 maisons. Actuellement il y avait 1,737,983 habitants et 56,050 maisons. En regard de ces constructions nouvelles, on avait démoli 2,494 maisons. Le Ministre argumentant ensuite de l'état normal de Paris, établissait, que pour le bon équilibre du marché entre propriétaires et locataires, il fallait une moyenne constante de 20 à 25,000 logements vacants; il y en avait aujourd'hui 10,000 environ, au lieu de quelques centaines à peine, dont on disposait auparavant. Autre fait favorable : l'accroissement des petits loyers. Puis, on avait fait de la contribution mobilière une sorte d'impôt progressif; les loyers au-dessous de 250 fr. ne payaient rien; ceux de 250 à 500 fr. payaient un faible impôt; il y avait une légère atténuation en faveur des loyers de 500 à 1,500 fr.; enfin, les loyers plus élevés supportaient la charge entière. Il fallait tenir compte de toutes ces catégories de loyers. Le Ministre voyait, dans cette situation, un autre élément satisfaisant et surtout consolateur : l'assainissement produit par ces larges

percées avait donné ce résultat, qu'en 1851 et 1852, il y avait un décès sur 38 habitants; en 1856, 1 sur 39 1/2; en 1860, 1 sur 40 1/2: 6 pour 0/0 en 10 ans. On dépensait, disait M. Picard, des millions pour aérer le bois de Vincennes! C'est qu'on avait voulu aussi que les quartiers placés à l'autre extrémité de Paris, eussent leur bois de Boulogne.

Conclusion: pour tout cet immense mouvement de population de Paris, et de la population en général', il y avait des raisons décisives de nécessité, de sûreté publique, et de salubrité. Mais le budget de Paris? Réponse de M. Billault, puisée dans un fait, c'est que ce budget était non-seulement en équilibre, mais si l'on déduisait même 25 millions par an affectés aux intérêts et au rapide amortissement de la dette, il restait encore plus de 20 millions disponibles par an pour des travaux spéciaux qui avaient leur dotation spéciale et assurée Tel était d'ailleurs le crédit de la ville de Paris, qu'alors que presque tous les Etats européens empruntaient à 5 p. 0/0, elle empruntait, elle, à 4.- Autre pensée (à laquelle on ne pouvait croire, disait-on), mais attribuée à l'administration: elle voudrait un Paris inhabitable pour les pauvres, et forcément réservé aux riches. Le Ministre répondait, en rappelant tout ce qui se faisait pour la classe la moins aisée; les établissements de bienfaisance, la création de la caisse de la boulangerie, le prix du gaz diminué. Mais (changeant de terrain) le Gouvernement, dit-on, a violé la loi en étendant à la préfecture de la Seine le décret de décentralisation. En réalité, pour les milliers d'affaires qui, arrivant au ministère, étaient en réalité sous le contrôle moins du Ministre que de ses bureaux, on n'avait donné au préfet de la Seine que l'autorité qu'avaient déjà tous ses collègues des quatre-vingt-huit autres départements, quelle loi avait-on dès lors violée? Le décret de 1852 rendu avant la promulgation de la Constitution avait, en effet, force de loi, mais il s'y trouvait des dispositions administratives qu'un nouveau décret pouvait modifier. D'ailleurs y eût-il violation de la loi que c'est au Sénat qu'il faudrait s'adresser. Enfin on insistait la séparation du budget municipal et du budget des hôpitaux n'existait plus. C'était là une accusation sans base, selon M. Billault, puisque cela était impossible.

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Quant à la ville de Lyon au temps où son conseil était électif, elle avait des taxes d'octroi plus élevées. Elle avait voté 10 centimes extraordinaires pour deux ans, et 15 pour douze autres années; enfin, elle payait sa dette « fort iodique » sur ses excédants de recettes ordinaires. Parler dès lors d'un prétendu désordre des finances, c'était cesser d'être sérieux.

Selon M. Picard, qui fit une réplique au Ministre sans portefeuille, il s'agissait surtout d'une question de comptabilité. << Comment la ville fait-elle ses affaires, quels comptes nous rendelle? Et quelle confiance son administration mérite-t-elle ? Aucune; elle nous a toujours trompés. » C'est du moins ce que pensait l'orateur. Et il demandait le retour aux lois protectrices de la fortune publique et des intérêts des particuliers. « Je vous dénonce, avec la Cour des comptes, disait-il, une comptabilité complètement irrégulière. Je vous dénonce une. administration municipale, qui a entre les mains, de son propre aveu, pour 135 millions de terrains à vendre, qui les vend à qui elle veut à l'amiable, contrairement à la loi, sans les mettre aux enchères, qui fait passer les rues où elle veut, pour enrichir l'un, et pour appauvrir l'autre. » A cela un seul remède possible: un conseil municipal élu.

Réponse de M. Billault sur les 135 millions de propriétés foncières dont le préfet disposerait sans contrôle : l'honorable préopinant, mieux informé de l'accomplissement de longues et minutieuses formalités préalables, ne persisterait point dans de telles affirmations. En ce qui concernait le percement de rues nouvelles, que l'administration dirigerait arbitrairement << pour enrichir les uns et appauvrir les autres,» reproche auquel l'organe du Gouvernement avait déjà répondu, cette fois il rappela les règles suivies en cette matière : études par les ingénieurs, tracé soumis au conseil municipal après enquête, envoi au Conseil d'Etat; enfin, décret, après avis motivé dudit conseil. — Mais on insistait il y avait, au dire de la Cour des comptes, désordre dans la comptabilité municipale. La Cour des comptes avait, en effet, demandé deux ou trois états, sur la forme et l'utilité desquels il y avait contestation; mais elle n'avait point critiqué la comptabilité pécuniaire et proprement dite.

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