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de Rome. Dans la pensée de l'honorable membre, « la France, la France profondément catholique, se sentirait atteinte dans les intérêts les plus chers de sa conscience religieuse, si la première autorité morale de ce monde, celle devant laquelle s'inclinent toutes les âmes, était réduite à un état de subordination et de dépendance. » Cela voulait-il dire, que l'orateur et les autres auteurs de l'amendement voulussent demander à l'Empereur de rendre au Saint Siége, par la force, les provinces qu'il avait perdues? non. En même temps qu'ils demandaient à Napoléon III de maintenir le principe du pouvoir temporel, ils le remerciaient d'avoir accru la force de son armée à Rome, et ils souhaitaient qu'il y maintint son drapeau, «sans préjuger dans quelle mesure les faits violemment accomplis pourraient se concilier avec les stipulations des puissances européennes. » Ils demandaient enfin, d'après les assurances mêmes données par les organes du Gouvernement français, que l'on attendît à Rome, et que la France ne se dessaisît point du dépôt sacré qu'elle gardait pour le compte de la catholicité.

A son tour, M. le président de Morny dit quelques paroles déterminatives du sens du paragraphe de la Commission. Il ne signifiait autre chose que ceci : « Le passé garantit l'avenir; nous avons confiance en vous, et nous nous en remettons à vous, du soin de résoudre cette délicate question, » la question Romaine. Que ferait l'amendement? en précisant davantage, en liant le Gouvernement, il avait cet inconvénient, qu'en proposant de stipuler l'indépendance du Pape, il consacrerait la dépendance de notre Gouvernement. » En son nom, en conséquence, M. de Morny demandait à la Chambre un vote de confiance. « Est-ce, disait-il, cette majorité qui est devant moi, cette majorité qui a acclamé l'Empire, qui a aidé l'Empereur dans toutes ses phases, dans toutes ses épreuves politiques traversées depuis dix ans, est-ce cette majorité qui lui refuserait ce vote de confiance? » Et en quel moment, continuait M. le Président, celui où l'Empereur lui avait donné, de son côté, les plus grandes preuves de confiance. «Est-ce que l'Empereur ignorait que cette question de Rome était née ? est-ce qu'il ne savait pas qu'elle divisait profon dément le parti conservateur? Eh bien, c'est ce moment qu'il

avait choisi pour étendre nos institutions, pour nous donner un droit de contrôle, un droit d'examen, un droit de discussion et un droit de conseil. » M. le Président expliqua ensuite la portée de la fin du paragraphe où il était question de la résistance à de sages conseils, et cette explication mérite d'être soigneusement enregistrée. » L'opinion de la France, disait-il, « ressemble à ces lames d'acier que l'on courbe, et dont la pointe vient toucher la garde; mais qui, dès qu'on les lâche, redeviennent rigides et reprennent leur direction première. Eh bien la France a éprouvé bien des déboires, bien des déceptions; elle s'est jetée plus d'une fois sans réserve dans les bras de ceux qui la sauvaient, elle a applaudi souvent aux mesures réactionnaires, exceptionnelles, oppressives même; mais une fois le calme et l'ordre rétablis, une fois le pays remis de ses émotions et rendu à lui-même, l'opinion de la France, soyez-en sûrs, se révèle profondément libérale. » Après avoir ainsi pesé le sens du paragraphe proposé par la Conimission, M. de Morny le résumait ainsi : La Commission avait rendu hommage aux sentiments libéraux du pays, et avait voulu donner à l'Empereur « une marque de confiance absolue. »>

La discussion était épuisée. L'amendement ayant ensuite été retiré ainsi qu'un autre dans lequel, après une allusion « aux passions diverses, que l'on disait s'agiter, » on témoignait également toute confiance dans la politique de l'Empereur, certains membres demandèrent la suppression des derniers mots du paragraphe. Opposition de M. Baroche, président du Conseil d'Etat. « La suppression, disait-il, changerait complètement la pensée de la Commission. >>

M. de Flavigny, expliqua la pensée de ceux qui demandaient la suppression : « Nous désirons tous rendre hommage à l'Empereur, mais rous voulons que cet hommage ne soit pas un blâme pour le Pape. Remercier l'Empereur, ne pas blâmer le Pape, voilà notre pensée. »

Après ces paroles de l'orateur, le Ministre déclara însister pour l'adoption « des derniers mots du paragraphe. Etait il vrai, oui ou non, que de sages conseils « avaient été donnés, et que ces sages conseils n'avaient pas été suivis? »

« Quand même cela serait vrai, » répliqua M. de Flavigny, cela ne devrait pas être mis dans l'Adresse. L'Empereur n'a rien dit de pareil dans son discours. Pourquoi le Corps législatif serait-il moins observateur des hautes convenances, et montrerait-il moins de tact politique que le Souverain lui-même ? Selon M. de Latour, «< ce serait un acte injuste et impolitique à la fois, » et il protestait contre « de telles expressions. >> Rappel de M. de Latour à l'ordre par le Président.

Réplique de l'honorable membre: « J'accepte ce rappel à l'ordre, et je m'en honore dans cette circonstance. »>

Mis aux voix, l'amendement suppressif des expressions fut rejeté, et le paragraphe qui les contenait fut voté. De même les paragraphes suivants. Au scrutin, l'ensemble de l'Adresse fut adopté par 213 voix contre 13.

Ainsi se terminèrent ces débats mémorables, issus de la faculté donnée à la législature par l'acte du 20 novembre 1860. L'Adresse qui en surgit fut lue à l'Empereur, le 23, par M. le président de Morny, à la tête de la députation du Corps législatif. L'Empereur remercia la Chambre des sentiments qu'elle lui exprimait, «Si, disait-il, cette confiance m'honore et me flatte, je m'en crois digne par ma constante sollicitude à n'envisager les questions que sous les points de vue du véritable intérêt de

la France. >>

« Etre de son époque, conserver du passé tout ce qu'il avait de bon, préparer l'avenir en dégageant la marche de la civilisation des préjugés qui l'entravent ou des utopies qui la compromettent, voilà comment nous léguerons à nos enfants des jours calmes et prospères » - « Malgré la vivacité de la discussion, »> l'Empereur ne regrettait nullement de voir les grands corps de l'Etat aborder les questions si difficiles de la politique extérieure, » le pays en profitant, et ces débats l'instruisant sans pouvoir l'inquiéter. «Napoléon III terminait par l'assurance qu'il serait toujours heureux d'être d'accord avec les représentants du pays. » Issus du même suffrage, disait-il, guidés par les mêmes sentiments, aidons-nous mutuellement à concourir à la grandeur et à la prospérité de la France. »

CHAPITRE IV.

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Projets de loi en matière civile. Discussion du projet tendant à exempter du timbre et des droits de poste, les suppléments de journaux consacrés aux débats législatifs. Intéressant échange d'observations à ce sujet entre divers membres et les orateurs du Gouvernement, le Président du Conseil d'Etat, en particulier. Discussion d'un autre projet tendant à modifier l'article 32 du décret-loi du 27 février 1852. Remarquables débats sur ce projet. — Adoption. Incident à propos d'un projet d'intérêt local. Discussion du projet tendant à autoriser les juges de paix à légaliser les signatures des notaires et officiers de l'état civil. Discussion du projet tendant à modifier l'article 29 de la loi du 17 avril 1852 sur la contrainte par corps. Discussion du projet ayant pour objet de modifier la loi du 11 avril 1831 sur les pensions de l'armée de terre. Adoption après d'utiles débats. Autre projet relatif à une matière analogue: les pensions de l'armée de mer. Adoption. Projet de loi ayant pour objet d'accorder une pension de 6,000 francs à la mère du maréchal Bosquet. — Adoption, sans discussion, après un chaleureux discours de M. Belmontet.

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Rendu à ses travaux habituels, le Corps législatif eut à discuter d'importants projets de loi en matière civile ou financière. Parmi les premiers, nous placerons comme se rapportant aux débats qui venaient d'avoir lieu et aux actes politiques qui avaient ouvert l'année, le projet de loi tendant à exempter du timbre et des droits de poste les suppléments des journaux, lorsque ces suppléments se trouveraient exclusivement consacrés à la publication des débats législatifs. Cette discussion, engagée le 17 avril, fut close le même jour.

A M. Ravinel, qui venait de plaider la cause des journalistes et des imprimeurs des chefs-lieux d'arrondissement, M. Chauchard, au nom de la Commission, répondit qu'elle avait pensé que l'avantage qui résultait de l'adoption de cette mesure, ne serait pas en rapport avec les sacrifices qu'elle imposerait au Trésor. Le produit du timbre appliqué aux journaux en France

169 était d'environ six millions (chiffre de 1858, le dernier exercice réglé), sur lequel à peu près 4 millions pour les journaux de la Seine, il restait 2 millions pour les autres départements. Défalquait-on ensuite de ce chiffre de 2 millions le produit des journaux des chefs-lieux de département, il ne restait guère que 200,000 fr. pour les journaux d'arrondissement, le produit ne répondrait donc pas aux frais de surveillance qui en résulteraient pour ie Trésor.

Des observations de M. Paul Dupont suivirent cette réponse. Elles avaient trait à la reproduction des débats législatifs, et motivaient un amendement présenté par l'honorable membre à l'effet de faire adopter de préférence le compte-rendu sténographique. La Commission n'était pas de cet avis: « de quoi s'agit-il, en effet? disait le rapporteur, M. Chauchard? de reproduire les débats du Corps législatif sous la forme la plus propre à les faire lire par le public. On peut dire, que le compte-rendu des débats du Corps législatif par la sténographie est « iilisible, excessif, en ce sens..... qu'il ne peut convenir qu'a un très-petit nombre de lecteurs. » Bon pour les colonnes du Moniteur comme document officiel, et pour les bibliothèques, comme source de renseignements, il ne valait pas en définitive le compte-rendu analytique rédigé depuis l'ouverture de la session. Ce travail analytique avait pour lui l'épreuve de l'expérience, et il répondait à merveille au besoin de la publicité ordinaire

Un orateur, M. Emile Ollivier, porta la question sur le terrain du timbre « Vous dites aux journaux, faisait-il observer, que vous les autorisez à publier des suppléments exempts des droits de timbre et de poste; je dis moi, que cela est insuffisant, » et l'honorable membre faisait observer qu'il y aurait encore à supporter les frais de papier, d'impression et le traitement des personnes qui venaient copier le compte-rendu à mesure qu'il était fait par les secrétaires-rédacteurs. Aussi, qu'arrivait-il ? Il arrivait, que, à l'exception des débats de l'Adresse auxquels le pays portait un vif intérêt, les journaux s'abstenaient la plupart du temps de reproduire les discussions qui avaient lieu dans les Chambres. Au sens de M. Ollivier, si le Gouvernement voulait réellement la reproduction des débats de l'Assemblée

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