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dépense antérieurement adoptées. Cette différence représentait en recette une diminution de 90,000,000 de francs. Diverses mesures compensatoires furent adoptées durant la dernière session législative 1° la disposition facultative des ressources non employées de l'amortissement (loi du 5 mai 1860); 2° la surtaxe de 25 fr. sur le droit perçu par hectolitre d'alcool (loi des finances du 26 juillet, même année); 3o l'élévation de 8 à 10 fr. du prix du kilog. de tabac (décret du 19 octobre 1860); 4° enfin des accroissements de revenus publics, en sus des évaluations budgétaires. Le tout s'élevant à environ 99,298,507 fr.

L'Exposé distribué aux Chambres portait également sur les budgets de 1861 et de 1862. Le premier avait été voté avec un excédant de recette de 653,812 francs. Mais à la suite des négociations, en vue de régler par des conventions complémentaires les divers tarifs et tous les détails d'exécution du traité avec l'Angleterre, on dut accorder de nouveaux dégrèvements sur les lins, les graines oléagineuses et diverses autres matières premières. Delà une perte d'environ 5 millions pour le Trésor. D'autre part, irréalisation d'accroissement de recettes, devant résulter du développement de la consommation des sucres, irréalisation provenant de l'insuffisance de la récolte des betteraves, par suite nécessité d'aviser au moyen de rétablir l'équilibre du budget de 1861. Delà le décret du 19 octobre 1860, portant de 8 à 10 francs le prix du kilogramme de tabac ce qui procurerait au Trésor 30 millions au delà des prévisions habituelles.

Quant au budget de 1862, que le Corps législatif avait à examiner, il réaliserait sans doute un excédant de recette de plusieurs millions. (Voir plus loin, le compte-rendu des travaux du Corps législatif.) « Une année s'est déjà écoulée, portait l'Exposé de la situation, depuis que l'Empereur a pris l'initiative de la réforme économique, et dès à présent il est satisfaisant de pouvoir constater que cette réforme a pu s'accomplir sans compromettre l'équilibre des budgets et sans qu'il ait été nécessaire, soit de recourir au crédit public, soit de ralentir le développement des grands travaux d'utilité générale. Peut-être serait-il difficile de trouver dans le passé une preuve plus manifeste

de la puissance et de l'élasticité des ressources financières du pays. L'Exposé passe ensuite en revue les diverses branches du revenu public. Nous suivrons et analyserons plus loin, au chapitre spécial des faits économiques et financiers, les détails et les chiffres sur lesquels porte ce document important soumis à l'étude et à l'appréciation de la législature.

CHAPITRE II.

Autre

Ouverture, au sein du Sénat, des débats de l'Adresse à présenter à l'Empereur et autorisée par le décret du 24 novembre 1860. Projet d'Adresse lu au nom de la Commission spéciale nommée à cet effet. Incident soulevé par le marquis de Boissy : le Président du Sénat peut-il être en même temps membre d'une Commission? Curieux débat à ce sujet. Discussion générale ouverte par le marquis de La Rochejaquelein. Elle est continuée par MM. de Heeckeren, Piétri, de Gabriac. Discours du Prince Napoléon: son opinion au sujet de la question de Rome et de l'unification de l'Italie. Réplique incidente du marquis de La Rochejaquelein. Réponse du Prince. discours le cardinal Mathieu. Le prélat trouve, dans le discours du Prince Napoléon, le renversement de tous les principes reconnus. M. Billault prend part au débat. Observations de M. de Suleau. Le cardinal Donnet répond, lui aussi, au Prince Napoléon. Discussion des paragraphes: M. de Boissy parle le premier, puis le marquis de La Grange et M. Magne. - Remarquable discours de M. Dupin. Part que prennent au débat sur les paragraphes, encore M. de Boissy, le prince Poniatowski, M. Mérimée, M. Dumas, le comte de La Riboissière, M. Fould. M. Chapuys-Montlaville et le roman-feuilleton. MM. de Ladoucette, Billault et Mague interviennent. La Savoie et le comté de Nice: observations échangées à ce sujet. Les événements de Syrie. Encore l'Italie: long débat; discours des cardinaux Morlot, Gousset, du sénateur de Royer, de M. de Castelbajac, du maréchal Canrobert et encore du cardinal Mathieu, puis d'une autre Éminence, M. de Bonald. Le général Gemeau. Vote de l'Adresse.

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C'est dans les circonstances que faisait connaître l'Exposé présenté par le Gouvernement que s'ouvrirent, pour la première fois depuis l'avènement de l'empereur Napoléon III, les débats publics d'une Adresse à présenter par les deux Chambres au chef du Gouvernement. Naturellement c'est le Sénat qui, le premier, inaugura cet intéressant sujet de délibération. Ainsi que cela se pratiquait dans les anciennes assemblées, un projet d'Adresse fut rédigé par une Commission. Ce projet fut lu pendant la séance du 25 février. Après avoir rendu hommage aux libérales innovations introduites par le décret du 24 novembre 1860 (V. Ann.) et constaté « la permanente sollicitude » de l'Empereur « pour la prospérité et la

1861.

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grandeur » du pays, l'Adresse projetée passait en revue cette situation même à l'intérieur comme au dehors. « Au dedans, c'est l'Adresse qui parle : » l'ordre est uni à la sécurité, et chacun se sent vivre de cette liberté raisonnable dont la France ne saurait se passer..... Puis les finances : l'Adresse, sur ce point, concordait avec les organes du Gouvernement. « Les capitaux abondent, disait-elle, et ne demandent qu'à se mouvoir. Il tarde à leur impatience que la situation extérieure achève de se rasseoir, afin de convier les intérêts matériels dans la carrière de la richesse publique et privée. Cette carrière est désormais une des voies nécessaires de l'activité nationale. La France ne craint pas de l'avouer, puisqu'en y entrant elle n'entend rien diminuer de son culte pour les gloires de l'esprit et du courage, ni affaiblir le patrimoine moral qui rehausse la civilisation ». Ce coup d'œil jeté sur le dedans était suivi de considérations sur le dehors. Et d'abord l'action de la France en Syrie, puis dans l'extrême Orient. L'Adresse applaudissait ensuite à la politique du Gouvernement dans la Péninsule italique : « Votre Majesté n'a pas oublié d'ailleurs, disait la Commission à propos des efforts de conciliation qui résumaient cette politique, qu'en d'autres temps, la faute de la France fut de prétendre régir l'Italie après l'avoir délivrée; et vous avez voulu dégager la politique française de ce qui avait fait son embarras, ne pensant pas que, parce qu'il avait fallu intervenir en faveur de l'Italie opprimée par l'étranger, il fallait intervenir pour contraindre les volontés de l'Italie affranchie. »> Une allusion à la Papauté suivait naturellement cette considération. Ici encore le Sénat adhérait à la politique impériale. « Pour l'avenir, portait le projet d'Adresse, nous continuerons à placer notre confiance dans le monarque qui couvre la Papauté du drapeau français; qui l'a assistée dans ses épreuves et s'est constitué, pour Rome et le trône pontifical, la sentinelle la plus vigilante et la plus fidèle. »><

La discussion s'ouvrit le 28 février par une observation incidente du marquis de Boissy, qui pensait qu'il y avait incompatibilité entre les fonctions dirigeantes du Président du Sénat, et sa qualité de membre de la Commission de l'Adresse, Ce fut M. Dupin qui répondit à cette observation, en rappelant que, de

tout temps, les présidents avaient été membres de la Commission de l'Adresse, présidents-nés de cette Commission, et qu'on ne leur avait jamais contesté pour cela le droit de présider et de diriger les débats sans sortir de la dignité de leur caractère.

- Je ne sais pourquoi, dit à son tour M. le président Troplong, M. de Boissy vient à me donner une consultation sur ce que j'ai à faire; je ne prends conseil que du réglement et des conve

nances.

J'ai l'honneur d'être sénateur, répliqua M. de Boissy, et j'ai le droit de faire une question à M. le Président...

Je vous réponds, interrompit M. Troplong.

Je m'incline devant son autorité, continua l'orateur; mais je lui conteste le droit de présider le Sénat et en même temps de prendre part à la discussion de l'Adresse...

Après quelques paroles échangées encore entre le Président et l'orateur, auteur de l'incident, le marquis de La Rochejaquelein entra le premier dans la discussion générale. Il félicitat l'Empereur de la publicité donnée aux débats du Sénat et de la redoutable responsabilité qu'il imposait aux membres de cette assemblée. « Tandis, disait l'honorable sénateur, que le Sénat qui forme, avec l'Empereur et le Corps législatif, le Gouvernement, n'était pas entendu du pays, la presse élevait seule la voie, elle s'arrogeait successivement la dictature de l'opinion, et, chose triste à dire, c'était la presse révolutionnaire qui arrivait à ce pouvoir démesuré, soutenant les doctrines les plus subversives et les plus folles; ébranlant, au fond des consciences, les croyances les mieux établies et les plus consacrées, osant tout... » Après ce tableau quelque peu fantastique, l'honorable sénateur déclarait qu'il était temps que l'âme de la France ne fût plus à la merci des corrupteurs publics; que chacun fut remis à sa place : les grands corps de l'Etat d'abord, et au-dessous d'eux la presse... Rappelant ensuite une parole impériale : « que les bons se rassurent, disait M. de La Rochejaquelein, et que les méchants tremblent ». Après cette sorte d'excorde ex abrupto et un juste hommage rendu à la politique française dans la question de Syrie, l'honorable sénateur aborda la question italienne. Sur ce point il ne trouvait pas assez de netteté, dans le projet d'Adresse. Se reportant au traité de Villa

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