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pressement. Il insiste auprès du Roi de Naples pour qu'il accepte cette mission. Il presse le Roi de Sardaigne d'adhérer, et le Roi de Sardaigne adhère; mais c'est le Roi de Naples qui refuse. Dernière combinaison proposée par l'Empereur un contingent de troupes fournies au Pape par toutes les puissances catholiques, et nouveau refus de la part du Saint-Siége : il préfère le recrutement volontaire, et que donne ce recrutement? « quelques hommes, braves sans doute, c'étaient des Français; mais impuissants par leur petit nombre. » Qu'espérait donc le SaintSiége? rien de sérieux : c'était un parti pris de ne rien concéder. Et M. Billault citait en preuve les conversations du cardinal Antonelli avec l'ambassadeur de France; « à chaque phrase un refus absolu. » Résumant ensuite la situation, le discours du Ministre établissant que l'Empereur désespérait de faire accepter au Saint-Père l'idée de consentir à quelques concessions, l'Empereur ne songea plus qu'à maintenir la sécurité du chef de la catholicité.

Tout avait échoué, et quand le Saint-Père songea à se créer par lui-même une armée, et qu'il se donna un général français pour la commander, l'Empereur n'y mit point d'obstacle; mais alors nous n'avions plus à rester à Rome défenseurs indéfinis d'une situation de plus en plus embarrassante, rendue telle par l'attitude du Gouvernement pontifical. L'Empereur demanda alors au Pape si, une fois rendu à la sécurité par l'organisation militaire nouvelle, il ne jugerait pas à propos de se laisser retirer les troupes de la France. Sur ce, acceptation immédiate de la proposition de la part du Gouvernement pontifical. « Si l'évacuation s'était réalisée alors, faisait observer M. Billault, si le drapeau français ne fût pas resté à Rome, il est probable que le Souverain Pontife n'y serait plus lui-même depuis longtemps. » Lorsque, enfin, entre l'insurrection garibaldienne victorieuse et les Etats de l'Eglise, il n'y avait plus que le détroit du Phare, l'Empereur proposa à l'Angleterre de l'arrêter à cet endroit; il faisait remarquer à cette puissance qu'il n'était pas digne des grandes nations de l'Europe qu'une pareille violation du droit des gens se consommât en présence de leurs flottes et de leurs drapeaux. Réponse de l'Angleterre il était désirable que le

Gouvernement napolitain consentit à la proposition qui lui était faite, (à ce moment l'Angleterre ne songeait pas encore à l'unité italienne). Que faire alors? l'Empereur a pour principe de s'entendre le plus possible avec les autres grandes puissances, de ne rien faire à lui seul quand il s'agit d'intérêts communs, d'écarter soigneusement les ombrages, les embarras, les difficultés... C'est là, Messieurs, remarquait le Ministre, une grande et sage politique depuis dix ans, l'Empereur, par sa prudence aussi bien que par l'ascendant de ses armes, par son habileté si persévérante, a conquis en Europe une grande situation; mais ces succès ne s'obtiennent pas sans exciter des jalousies, des défiances contre lesquelles il n'est qu'une conduite efficace. C'est de n'agir, autant que possible, qu'avec l'assentiment de tous et de ne chercher, quand il le peut, à trancher les grandes affaires qu'avec le concours des autres puissances : c'est là le bon, le vrai moyen, de ne pas mettre en péril la paix du monde, et ce moyen lui a réussi. Donc, en cette circonstance, il ne crut pas devoir agir seul. Il est vrai qu'il ne s'attendait pas à cette rapidité de défection totale qui, sur la terre ferme, renversa si rapidement le Roi de Naples. Dernier événement. L'invasion des Etats de l'Eglise par les troupes piémontaises. Là encore, effort de l'Empereur pour l'empêcher. « Lisez les dépêches, vous y verrez son insistance, ses efforts, ses conseils, ses menaces d'abandonner la Sardaigne; ses menaces de mécontentement de la part des autres puissances; la menace du rappel de notre ambassadeur, et enfin,... la rupture de nos relations. »

A la suite de cette impuissance constatée, soit de ses conseils à Rome, soit de ses conseils à Turin, fallait-il que l'Empereur recourut à la force ? » Qu'eussions-nous donc fait ? se demandait l'organe du Gouvernement. Et le rappel des faits l'amenait à conclure qu'après tant d'essais infructueux, tant de tentations restées inutiles, il n'y avait plus qu'à attendre du temps les changements que tant d'efforts n'avaient pu amener. Un changement de ce genre avait failli se produire : « des conseillers insensés poussaient le Saint-Père à quitter Rome, à abandonner la chaire de Saint-Pierre. » L'occasion était belle, si les sentiments odieux prêtés au Gouvernement francais eussent été fondés. Mais rien

de pareil. « En restant à Rome pour protéger le Pape et sauvegarder son autorité, écrivait le Ministre des affaires étrangères à notre ambassadeur (24 septembre 1860), nous sommes dans un rôle que nous nous sommes tracé, et que l'Europe a accepté depuis dix ans. En intervenant militairement dans les Marches et l'Ombrie, il nous serait impossible de ne pas toucher à toutes les questions brûlantes qui s'agitent en Italie, et nous assumerions des obligations qui ne découleraient plus seulement de notre intérêt pour la cause du Saint-Père... >>

Conclusion, selon l'orateur : le Pape peut attendre à Rome, en toute sérénité et en toute liberté, l'issue d'une crise qui n'est pas moins douloureuse pour l'Empereur que pour Sa Sainteté. En dehors des stipulations de Villafranca et de Zurich, nul engagement pris par l'Empereur, et c'était dans un Congrès qu'il pourrait donner une nouvelle preuve de ses bonnes dispositions pour le Saint-Siége.

Le vicomte de Suleau qui prit la parole après M. Billault, fit quelques observations judicieuses; il dit avec raison que l'Empereur, qui voulait sauver la Papauté, mais qui ne voulait ni ne pouvait recommencer l'Autriche en Italie, avait demandé des réformes, comme point de départ de la réconciliation qu'il voulait obtenir en Italie entre la Religion et la Liberté. Et le Pape, selon lui, ne se serait point refusé aux vues conciliantes de l'Empereur, si les événements, et notamment le soulèvement des Romagnes, lui en avaient laissé le temps; puis M. de Suleau se demandait si c'était bien de Rome seule, qu'étaient venus les obstacles que la politique de l'Empereur en Italie avait rencontrés. Nous avions pu ne pas être compris à Rome; mais nous avons à nous plaindre à plus juste titre encore de n'avoir pas été compris à Turin. « Le Pape a remplacé à Rome, dit en terminant l'honorable sénateur, les derniers empereurs. d'Occident, et nulle autre royauté ne saurait y remplacer la sienne, ni même y siéger à côté de la sienne. >>

Un éminent prélat, le cardinal Donnet, voulut répondre, lui aussi, au discours du Prince Napoléon. Il ne méconnaissait pas plus que par le passé, ce que l'Eglise devait depuis douze ans à l'Empereur, mais il constatait en même temps que toute mobile

SÉNAT.

qu'était la nation française, elle était persévérante dans « son amour pour le vicaire de Jésus-Christ. » Quant au principe des nationalités sur lequel on s'appuyait, c'était là un droit nouveau qui n'était pas plus sorti de la conscience des nations que du cabinet des rois; sans cela l'idée qu'il représente aurait été partout spontanée, et elle n'aurait pas eu besoin des invasions à main armée, ni du bombardement de Gaëte et d'Ancône, ni des exécutions des Abruzzes. Cela seulement était vrai, que cette idée éinanait de l'esprit révolutionnaire. L'Italie une, concluait Mer Donnet, c'est le levier imaginé pour renverser cette pierre vénérée des peuples, la plus forte assise des temps modernes. Fallait-il se jeter dans ce mouvement, comme le demandait S. A. I.? Rome se trouvait encore gardée par la France. Mais que ferait-elle jusqu'au moment où la chrétienté pourrait fournir au Pape un contingent suffisant de troupes pour le garder? On conseillait les réformes au Souverain Pontife; mais s'il ne les opérait pas, c'était la faute au Piémont qui, depuis Villafranca, ne suivait aucun des avis de l'Empereur. La France voulait l'autonomie de la Toscane, le Piémont l'a détruite.

Quant à la présidence d'une confédération italienne offerte au Saint-Père, elle n'avait jamais rien eu de sérieux. Revenant au prétendu refus du Pape, d'accueillir les réformes proposées par la France, l'éminent orateur répondait, avec le comte Walewski, que « déjà le Gouvernement de l'Empereur, avait l'assurance que le Saint-Père n'attendait que le moment opportun pour faire connaître les réformes dont il était décidé à doter ses Etats, et qui auraient pour effet, en assurant au pays une administration généralement laïque, de lui donner les garanties d'une meilleure distribution de la justice et d'un contrôle de la gestion des finances au moyen d'une assemblée élective » (Dépêche du 29 février 1860). Constatation des mêmes faits dans l'article 20 du traité de Zurich, où il est parlé de l'adoption, pour les Etats de l'Eglise, d'un système approprié aux besoins des populations et conforme aux généreuses intentions déjà manifestées du Souverain Pontife, le tout sous le contre-seing du ministre de France, M. de Bourqueney.

Le prélat terminait ses observations en donnant un souvenir

au Roi de Naples, à la Reine et à leur infortune « noblement supportée. »

A la suite de ce discours et de quelques mots de M. Baroche, le

Sénat prononca la clôture de la discussion générale.

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Séance du 4 mars. Le marquis de Boissy prit la parole sur le 1er paragraphe qui félicitait l'Empereur au sujet du décret du 24 novembre 1860. L'honorable sénateur se plaignit à cette occasion de ce que l'Adresse n'était qu'une paraphrase; il expliquait cela par le nombre des membres de la commission. Puis il signalait les lacunes on aurait oublié de parler de la marine << sur laquelle on devait fonder de si grandes espérances quand nous aurions la guerre avec l'Angleterre. » Ce que disait M. de Boissy, il le souhaitait de tout son cœur. Et il ajoutait, que ce vœu là était celui de tout le pays. Puis, revenant à l'Adresse, il la trouvait à la fois trop longue et trop courte, en ce qu'elle disait << immensément de choses sans rien dire du tout. » Finalement, l'honorable orateur remarquait que le décret du 24 novembre enlevait au Sénat l'examen des lois. En conséquence il demandait le renvoi à la Commission du paragraphe 1er en discussion.

Aux yeux de M. Ferdinand Barrot, qui prit la parole après M. de Boissy, le décret du 24 novembre, en appelant les grands corps de l'Etat à exprimer leur opinion sur la politique extérieure ou intérieure, avait créé dans la Constitution un droit nouveau, moins considérable peut-être par sa portée actuelle que par ses inévitables conséquences. Si inattendue que fût cette grande innovation, M. Barrot remarquait qu'il était dans la nature du génie qui gouverne la France « d'être toujours en avant dans le courant de l'opinion publique, c'est ce qui expliquait, « ces soudaines résolutions » qui avaient paru spontanées ; vérifiées et éclairées par les événements accomplis, elles étaient restées marquées du signe éclatant de la prévoyance et de la sagesse. Tous les dangers qui pouvaient résulter de l'innovation introduite dans la Constitution paraissaient devoir être conjurés, selon l'honorable sénateur, qui s'appuyait ici, à bondroit, sur l'histoire, par l'alliance, « le serrement de main >> de la prérogative souveraine et de la liberté nationale. » M. Barrot remar

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