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demandées par l'Empereur, en vertu de l'article 1er du décret du 24 novembre 1860, n'apportent pas de modifications à la Constitution; il n'en serait autrement que si ce droit, déplaçant le gouvernement, le faisait passer aux mains des corps délibérants. Mais il n'en saurait être ainsi tant que les ministres ne seront responsables qu'envers l'Empereur, tant qu'ils resteront exclusivement ses représentants et non ceux d'une majorité passagère que renverse le souffle d'une autre majorité. » Analysant ensuite les dispositions du projet, l'éloquent organe de la Commission les commentait comme il suit: La publicité devenant un nouveau principe de la Constitution, elle devait avoir pour double conséquence l'exactitude et la célérité. Et c'est ce que réaliserait l'insertion sténographique dans les colonnes du Moniteur, obligatoire pour le Gouvernement. Libre ensuite aux autres journaux de la reproduire; mais alors l'insertion sera in extenso. Pourquoi? parce qu'il s'agira de présenter au public un miroir fidèle de la politique délibérante. Que si cette obligation peut devenir onéreuse, le projet ouvre aux journaux une faculté, celle d'user d'un compte-rendu de chaque séance rédigé chaque fois par les secrétaires placés sous l'autorité du Président. « Ce compterendu, disait M. le Rapporteur, pourra, dans bien des cas, remplacer la sténographie et dispenser de la reproduire. Mais alors ce compte-rendu seul, et non un autre, devra être inséré par les journaux. Il ne leur sera pas permis de donner la préférence à un compte-rendu différent, « ouvrage de leur rédaction. »> Autre allégement proposé en faveur des journaux. Ils seraient autorisés à choisir dans la sténographie officielle un sujet de délibération et à ne reproduire que celui-là. Dernière question, du plus grand intérêt pour la presse: Lessuppléments devenant néces saires par l'insertion de la sténographie, ou du compte-rendu : ne devraient-ils pas être dispensés du timbre et des droits de poste? Le Moniteur jouissant déjà de cette dispense, il était juste de l'étendre aux autres journaux. Mais comme il s'agissait ici d'une mesure fiscale de la compétence du Corps législatif, les commissaires du Gouvernement avaient pris l'engagement d'en faire l'objet d'une présentation de loi devant cette branche des pouvoirs de l'Etat. (Voir plus loin le projet.) Un amendement qui n'a

vait rien de nouveau dans les annales législatives, proposait d'autoriser le Sénat à décider, sur la propositioin de cinq membres, que les débats ne seraient pas publiés, si cette publicité présentait en effet des inconvénients. Un honorable sénateur, M. Bonjean, avait proposé de décider que tout discours reproduit intégralement dans un journal conformément à l'édition officielle du Moniteur, pourrait être, de la part de ce journal, un objet de critique, de discussion ou de réflexion. Cet amendement n'eut point de succès, parce que, en principe, il était contradictoire avec le projet, puisqu'il supposait que l'on pouvait choisir un discours isolé, quoique in extenso. En second lieu, la Commission voyait de la difficulté à tracer la limite séparative du compte-rendu et de la discussion.

Telle était, dans son ensemble, l'interprétation donnée par la Commission au projet de sénatus-consulte. Il serait « un progrès » et non pas «< une brèche. » On avait cru, à la suite de fausses interprétations, disait M. le président Troplong en termirant, que nous étions à la veille de changer de régime politique et de passer à des institutions dont le pays a connu à ses dépens la faiblesse et les dangers. C'étaient, Messieurs, de vaius fantômes et d'oublieuses illusions, le Gouvernement l'a formellement déclaré à votre Commission par l'organe de ses représentants. La Constitution de 1852, surtout avec les additions d'aujourd'hui, est plus libérale qu'on ne le dit, et sa force, au lieu d'étouffer la liberté, en est au contraire le plus ferme appui... Qu'on cesse de parler du césarisme et de Tibère, des flatteurs et de la plèbe... Il n'y a pas plus de Tibère qu'il n'y a de Tacite; mais il y a un prince populaire, qui porte haut le drapeau national, et fait respecter le nom français; il y a une démocratie qui, dans les premières ardeurs, avait brisé tous les cadres du Gouvernement, mais que l'Empereur trouve obéissante au pouvoir, parce que ce pouvoir n'est pas celui d'un maître... »

Dans les premiers jours de février, le Sénat délibéra sur le projet dont M. Troplong s'était fait l'éloquent commentateur. Après avoir entendu plusieurs orateurs, parmi lesquels MM. de La Rochejaquelein, Billault, Baroche, Ségur-d'Aguesseau, de Royer et Haussmann, il adopta (le 1er février) le sénatus-con

sulte modificatif de l'article 42 de la Constitution. En voici le texte :

« Les débats des séances du Sénat et du Corps législatif sont reproduits par la sténographie et insérés in extenso dans le journal officiel du lendemain.

>> En outre, les comptes-rendus de ces séances, rédigés par des secrétaires-rédacteurs placés sous l'autorité du Président de chaque assemblée, sont mis chaque jour à la disposition de tous les journaux.

» Le compte-rendu des séances du Sénat et du Corps législatif par les journaux ou tout autre moyen de publication ne consistera que dans la reproduction des débats insérés in extenso dans le journal officiel, ou du compte-rendu rédigé sous l'autorité du Président, conformément aux paragraphes précédents.

» Néanmoins, lorsque plusieurs projets ou pétitions auront été discutés dans une séance, il sera permis de ne reproduire que les débats relatifs à un seul de ces projets ou à une seule de ces pétitions. Dans ce cas, si la discussion se prolonge pendant plusieurs séances, la publication devra être continuée jusqu'au vote et y compris le vote.

» Le Sénat, sur la demande de cinq membres, pourra décider qu'il se forme en comité secret.

» L'article 13 du sénatus-consulte du 25 décembre 1852 est abrogé en ce qu'il a de contraire au présent sénatus-consulte. >> Presque simultanément avec l'adoption de cette importante innovation, paraissait (3 février) un décret réglementaire des attributions et des travaux des grands corps de l'Empire; le titre Ier du Conseil d'Etat disposait (article 1) que les projets de loi ou de sénatus-consulte, les réglements d'administration publique, seraient soumis à l'Empereur, qui les remettrait directement, ou les ferait adresser par le Ministre d'Etat, au Président du Conseil d'Etat. Un autre article (3) portait que les projets, après élaboration au Conseil d'Etat, conformément à l'article 50 de la Constitution, seraient remis à l'Empereur par le Président du Conseil d'Etat, qui y joindrait les noms des commissaires qu'il proposait pour en soutenir la discussion devant le Corps législatif, viendrait (article 4) le décret impérial ordonnant la pré

sentation au Sénat ou au Corps législatif, suivant la nature du projet (loi ou sénatus-consulte).

Ainsi, tout dans ce titre, faisait émaner de l'Empereur lui-même la série des actes destinés à faire corps avec la Constitution ou la législation.

Le titre II (du Sénat) règle le mode de réunion et la formation des bureaux de cette branche de la législature.

Le § 2 de l'article 6 porte que, pendant la clôture de la session, les réunions du Sénat ne peuvent avoir lieu qu'en vertu d'un décret impérial.

Le chapitre II intitulé les Projets de loi, dispose, qu'une fois adoptés par le Corps législatif, les projets de loi qui doivent être soumis au Sénat, en exécution de l'article 25 de la Constitution, sont transmis par le Ministre d'Etat au Président du Sénat qui en donne lecture en séance générale. Nulle admissibilité d'amendement dans ce cas (article 10), le Sénat n'ayant à statuer que sur la promulgation. Le vote à cet égard n'est point secret (article 12).

Dans le chapitre III ayant pour titre des Sénatus-consultes, il est dit (article 16) qu'à l'Empereur appartient la proposition des sénatus-consultes réglant les objets énumérés dans l'article 27 de la Constitution; toutefois, la même initiative peut être prise par un ou plusieurs sénateurs.

Les autres articles sont purement réglementaires de la délibération et du vote.

Une matière délicate est réglée par le chapitre IV : Des actes dénoncés au Sénat inconstitutionnels. L'acte déféré comme tel par le Gouvernement au Sénat, une fois transmis au Président de cette assemblée par le Ministre d'Etat, les bureaux examinent la demande, nomment une commission dont le rapport est suivi du vote; alors, proclamation du vote par le Sénat en ces termes le Sénat maintient ou annule...

Même mode de procéder dans le cas d'inconstitutionnalité dénoncée par voie de pétition.

Le chapitre V est relatif au Rapport que tout sénateur peut proposer de présenter à l'Empereur sur les bases des projets de loi d'un grand intérêt national. Si le projet rédigé par une

commission formée sur l'avis approbatif de trois bureaux, puis transmis à l'avance au Ministre d'Etat, est adopté, il est envoyé par le Président, et sous cette forme, à ce Ministre.

Autre sujet important: Les propositions de modification à la Constitution. Le chapitre VI qui s'y rapporte dispose qu'elles doivent être signées par dix sénateurs au moins; qu'il est procédé ensuite, conformément aux articles 17-19 du décret actuel, et qu'enfin le résultat de la délibération est porté par le Président du Sénat à l'Empereur, à qui est réservé le soin d'aviser, suivant l'article 31 de la Constitution.

Le chapitre VII a trait aux pétitions, l'une des attributions les plus considérables du Sénat. Il en détermine le mode d'examen et de compte-rendu. Le feuilleton des pétitions est toujours communiqué à l'avance au Ministre d'Etat, et le Rapport en est fait en séance générale.

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Le chapitre VIII: Des proclamations de l'Empereur au Sénat «portant ajournement, prorogation ou clôture de la session », y dispose qu'elles sont lues toute affaire cessante, « et que le Sénat se sépare à l'instant. »

Le chapitre suivant (IX) intitulé: Dispositions communes aux chapitres précédents, porte, entre autres choses, que « les Ministres sans portefeuille et les Commissaires du Gouvernement ne sont point assujettis au tour de parole. Ils obtiennent la parole quand ils le demandent.

Le chapitre X: Rédaction, discussion et vote de l'Adresse, trace la forme de procéder en cette occasion. Le projet est lu et discuté en séance générale. Les amendements sont communiqués aux Commissaires du Gouvernement. L'Adresse une fois adoptée est portée au Chef de l'Etat par une députation dont le Président fait partie. Ce dignitaire lit l'Adresse.

Le chapitre XI traite de l'administration du Sénat (V. l'Appendice). Le chapitre XII de son administration financière.

Vient le titre III: du Corps Législatif. Le chapitre Ier est relatif à la Réunion de ce grand corps de l'Etat. L'article 46 dispose en principe, que le Corps législatif se réunit au jour indiqué par le décret de convocation. Les articles suivants tracent le mode de formation des bureaux et de vérification des pouvoirs.

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