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CHAPITRE V.

Traité avec le Céleste-Empire.

RUSSIE.

- Note signifiée à la Porte au sujet des

Le Czar offre aux souverains réunis à Var-
Vote de la Société

griefs des chrétiens.
sovie, sa médiation. Affaires de Pologne.

par la population.

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agronomique au sujet des paysans. Accueil enthousiaste de ce vote Troubles sanglants du 24 février. - Pétition qui demande à l'Empereur le rétablissement de la Constitution de 1815. - Troubles du 9 mars. Curieuse correspondance télégraphique entre Saint-Pétersbourg et Varsovie. Lettre de l'Empereur au prince Gortschakoff. · Annonce de réformes. Manifeste d'émanciDispositions principales.

pation des paysans.

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Société agricole. Dissolution de cette Société. Pourquoi. Nouveaux troubles qui en sont la conséquence.

des prédications ecclésiastiques.

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Circulaire au sujet

Mort du prince-lieutenant GortsRapport du ministre Tymnowski au

sujet de la Pologne. Promulgation des réformes annoncées : les Conseils municipaux; le Conseil d'Etat. - Installation de ce corps. Discours du général Suchozanett.

Elections municipales. Mandat
Nouveaux troubles et

des électeurs. - Caractère de ce document. nouvelle mise en état de siége de Varsovie.

Au début de cette année, remplie ensuite par les scènes de terreur presque continue qui ensanglantèrent le royaume de Pologne, on trouve un traité additionnel conclu (14 novembre) par le général Ignatieff avec la Chine. Aux termes de cette convention, les Russes pourraient visiter les places de commerce intérieures de la Chine situées de Kiatchta à Pékin, les négociants moscovites auraient le droit de commercer avec les marchands de la capitale du Céleste-Empire, et ils participeraient à tous les avantages accordés aux alliés. Ils seraient libres de trafiquer sur tous les cours d'eau de la frontière, de visiter les foires d'Ourouga et de Kastchgar et d'établir des factoreries et des consulats aux endroits qui leur conviendraient. Un résultat international assez important de cette convention, c'est qu'alors que le traité de Tien-Tsin limitait à l'embouchure du fleuve Amou

(53° de latitude Nord), les possessions russes sur le rivage de la mer, elle les amenait au 42o, en d'autres termes, c'était 11 degrés ou 660 milles de côtes ajoutés aux possessions de l'Empire sur la mer Pacifique. Presque en même temps, on voit le prince Labanoff, ministre de la Cour de Saint-Pétersbourg à Constantinople, présenter une Note dans laquelle le Gouvernement se plaignait de nouveau et énergiquement des abus dont souffrirait la population chrétienne de l'Empire. Faisant allusion au Rapport rédigé par le grand-vizir à la suite d'une mission en Roumélie, le document russe s'inscrivait contre diverses assertions du ministre Ottoman. Réplique également aigre de la Porte. - Alors, proposition d'une conférence européenne, par le prince Labanoff. Voilà où en étaient les rapports des deux côtés. Toutefois, il convient d'ajouter que la politique moscovite présentait ailleurs un aspect et des résultats plus satisfaisants. C'est ainsi qu'au moment de l'entrevue de Varsovie entre les deux Empereurs de Russie et d'Autriche et le Prince-Régent de Prusse (V. Ann. 1860) à Varsovie, le chef du Cabinet de Saint-Pétersbourg, prince Gortschakoff, communiqua aux Cours alliées le désir de son souverain, de profiter de cette réunion pour préparer une entente générale entre les grandes puissances, et faire disparaître des défiances dont les interêts généraux avaient à souffrir. L'empereur Alexandre avait même donné directement au duc de Montebello, ambassadeur de France en Russie, les mêmes assurances et confirmé de tout point le langage de son Cabinet.

Dépêche de M. Thouvenel, en date du 25 septembre 1860. On comprend qu'il devait s'agir principalement des affaires d'Italie. L'avenir devait faire connaître les résultats de ces offres conciliantes.

Pendant que le Gouvernement se montrait puissant, et même magnanime au dehors, l'horizon s'assombrissait et devenait sanglant en Pologne. Le 24 février, la Société agronomique, dont l'influence était grande, avait voté à l'unanimité, en présence du Ministre de l'intérieur, M. de Muchanoff, et contrairement au programme du Gouvernement, une résolution tendant à constituer propriétaires du sol les paysans, dont le projet officiel ne faisait que des fermiers. Accueil enthousiaste de ce vote,

par la population. Le lendemain 25, anniversaire de la bataille de Grochow, les prières pour les morts, annoncées pour le soir, venaient de réunir une foule considérable dans les églises et sur la place de la vieille ville hommes, femmes, enfants et vieillards priaient à genoux et chantaient des cantiques : soudain, la police veut faire évacuer la place, un premier conflit a lieu; les troupes ont recours à l'arme blanche; le peuple lui oppose les torches allumées pour la procession. Un grand nombre de blessés, des morts restent sur la place, et le chef de la police, M. de Trepow, reçoit une blessure à la tête. Les deux jours suivants, la tranquillité n'est point troublée, mais le 27, nouveau conflit, dont l'enterrement des morts de la surveille fournit l'occasion. Au moment où le funèbre cortége passe devant le palais où la Société agronomique était en délibération, et, alors que ses membres se retirent, une nouvelle décharge se fait entendre, de nouvelles victimes, parmi lesquelles des membres de la Société, sont atteintes mortellement. Le peuple enlève les cadavres et se présente avec eux devant le consulat de France, en criant: Justice! et invite M. de Ségur à paraître. Le consul fait comprendre qu'il ne peut prendre part à cette manifestation. Pendant ce temps, le comte André Zamoyski, et les notables de la ville se rendent chez le prince Gortschakoff, lieutenant du royaume, pour se plaindre de la police et de certains chefs militaires. Le prince promet de procéder à une enquête et de punir les coupables. Puis il invite la députation à user de son influence pour calmer les esprits. La tranquillité se rétablit en effet, au moins pendant quelques jours. D'autre part, les personnages les plus notables s'adressèrent, par voie de pétition, à l'Empereur, pour lui demander, entre autres choses, le rétablissement de la Constitution de 1815. Le prince Gortschakoff parut sentir que l'agression n'était pas venue du côté des Polonais, puisqu'il destitua le directeur de la police, et déféra à un conseil de guerre l'officier qui avait commandé le feu. Enfin, il accepta l'adresse des habitants à l'Empereur. Les funérailles des victimes eurent lieu sans troubles, quoique plus de cent mille hommes eussent fait cortège à cette triste solennité. L'événement seul avait imprimé cette face à un mouvement pacifique. Dans le principe, une proclamation

du comité de sûreté publique portait que, «< tout homme qui exciterait le peuple serait considéré comme traître à la patrie.

Des jeunes gens et des ouvriers remirent eux-mêmes à la police des armes et des munitions que leur avaient offertes des individus suspects; et le comité de la ville, demandait, au nom de la patrie, la remise des armes de chasse dans un endroit qu'il désignait. Peut-être l'autorité eût-elle bien fait de ne pas intervenir en une occasion où il ne s'agissait que de prier pour des morts. A Lublin, où le même jour un service funèbre fut célébré à la cathédrale, encore à l'occasion de l'anniversaire de la bataille de Grochow, l'évêque put officier paisiblement en présence des députations de toute la province. Après le service, le cortége défila au milieu d'un immense concours de peuple. Les autorités russes n'ayant mis aucun obstacle à l'accomplissement de cette démonstration, l'ordre ne fut pas troublé. Le 9 mars eût lieu, à Varsovie, une cérémonie du même genre, en mémoire des victimes des derniers jours. La garde civique, forte de quelques centaines d'hommes, suffit à maintenir l'ordre. La correspondance télégraphique suivante avait été échangée, diton, au début des troubles, entre Varsovie et Saint-Pétersbourg : « Varsovie : Insurrection. » Saint-Pétersbourg : « Comprimez-là. » – Varsovie: « Cela est fait. » Saint-Pétersbourg : « Combien de morts? » - Varsovie « Six morts du peuple, six blessés. » — Saint-Pétersbourg : « Et des nôtres, combien? »> Varsovie : « Pas de morts, pas de blessés. » — Saint-Pétersbourg : « Combien a-t-on pris d'armes aux insurgés? » sovie « Aucune. »>

Var

Cependant l'Empereur adressa au prince Gortschakoff une lettre en réponse à la pétition des Polonais. Le 13 mars, le prince manda chez lui les signataires de cette adresse, parmi lesquels l'archevêque de Varsovie, le comte Zamoyski, le comte Ladislas Matachowski. La lettre impériale, tout en désapprouvant et en regrettant l'entraînement auquel les habitants de Varsovie avaient cédé, donnait l'assurance que, même en s'occupant des grandes réformes en Russie, le Chef de l'Empire songeait aussi à la prospérité du royaume de Pologne. Cette lecture terminée, le prince annonça à la députation que, sous quelques jours, le

plan de la nouvelle organisation serait envoyé de Saint-Pétersbourg, et qu'il contiendrait en substance les concessions suivantes : Institution d'un conseil d'Etat, composé en partie de fonctionnaires, en partie de membres indépendants; établissement de conseils municipaux électifs dans toutes les villes du royaume; établissement également d'un conseil d'éducation chargé de la réorganisation complète de l'instruction publique. Enfin, le prince déclara qu'il voulait s'entourer de personnes recommandables prises dans toutes les classes, afin de s'entendre avec elles au sujet des réformes nécessaires dans l'administration du pays. «< Prince Michel Dmitriewitch, écrivait l'Empereur 9 mars), j'ai lu la pétition que vous m'avez transmise. Je devrais la considérer comme nulle et non avenue, parce que quelques individus, sous prétexte de désordres commis dans la rue, s'arrogent le droit de condamner, de leur propre autorité, toute la marche du Gouvernement. Cependant je ne veux y voir que de l'entraînement. Je voue tous mes soins aux réformes importantes que le cours du temps et le développement des intérêts exigent dans mon Empire. Mes sujets du royaume sont l'objet d'une sollicitude égale de ma part..... Je leur ai déjà prouvé mon désir de les faire participer aux bienfaits d'améliorations sérieuses, progressives. Je persiste dans les mêmes intentions et sentiments..... Dans aucun cas, je ne tolèrerai des désordres matériels; on ne construit rien sur ce terrain. »

Presque à la même date (19 février, vieux style, ou 17 mars) paraissait le Manifeste d'émancipation des paysans. Voici quelles en étaient (V. au surplus l'Appendice) les dispositions principales :

Après avoir rappelé les actes précédents et anciens : le règlement pour les cultivateurs libres, promulgué par le czar Alexandre Ier, et le règlement concernant les paysans obligés par contrat, rendu sous Nicolas Ier; enfin, les règlements dit inventaires, qui fixèrent l'allocation territoriale dévolue aux paysans, ainsi que le taux de leurs redevances, et avoir remarqué que ces réformes n'avaient été appliquées que dans une mesure restreinte, l'Empereur ajoutait que, pour son compte il avait appelé la noblesse de Russie, « qui avait donné tant de preuves

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