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mérite. Il lui arriva même (20 mai), comme en témoigne une note remise au Gouvernement français, convenue avec l'Autriche, de provoquer une délibération des puissances catholiques sur la position du Saint-Siége, en vue surtout d'adopter « les moyens capables de prévenir les dangers » dont était menacé le Gouvernement pontifical, et pour conférer sur les moyens de terminer définitivement « les conflits qui troublaient le Souverain-Pontife, au grand préjudice de tous les catholiques du monde, qui auraient à souffrir des conséquences d'une perturbation si grave et d'une dépossession si injuste. » Le ministre des affaires étrangères de l'Empire français, M. Thouvenel, tout en déclarant que la France n'adhérerait à aucune combinaison « incompatible» avec la dignité et l'indépendance du Saint-Siége, fit cependant justice de la théorie qui faisait de Rome et des Etats pontificaux «< une propriété de main-morte affectée à la catholicité toute entière. » Réplique du Gouvernement espagnol en une Note (25 juin), moins absolue à la vérité que la précédente, mais encore quelque peu ambiguë. En fin de compte, on s'y déclarait satisfait de la déclaration que « le Gouvernement impérial s'opposerait à toute agression tendant à dépouiller le Saint-Siége de la possession de Rome et de la partie de ses Etats» qu'il conservait encore.

Cependant il y eut bientôt rupture entre le Cabinet de Madrid et le Gouvernement italien. Voici à quelle occasion : celui-ci réclamait les archives des consulats napolitains (ce qui était tout naturel depuis l'annexion). Refus; échange de Notes; intervention amicale de la France. L'Espagne veut bien s'exécuter; mais elle remettra les archives, non aux consuls italiens, mais aux autorités locales. Ici nouvel incident. Le Gouvernement de Madrid veut que le représentant du Cabinet italien retire quelques notes en soulevant les questions de principes. - Consentement, à la condition que l'on en fera autant à Madrid. Refus encore d'admettre cette réciprocité. Le baron Tecco, ministre de Victor-Emmanuel, demande alors ses passeports et quitte Madrid, et la rupture est consommée.

On interpellait aussi le ministère sur le fait du traitement affecté à l'ambassadeur d'Espagne près du roi François II. Le ministre, M. Calderon Collantès, se fondait sur les traités : « Pour

les rompre, disait-il, il faut qu'une cause soit irrévocablement perdue. Quand la cause du roi François II sera totalement désespérée, alors disparaîtra cette légation. »

Autre grande question de politique extérieure : la question mexicaine. Le Cabinet de Madrid avait contre le Gouvernement mexicain des griefs sérieux, et s'il n'en avait pas demandé à main armée la réparation, c'est qu'il n'était pas décidé à faire seul la guerre. C'est ce qui ressortait en dernier lieu, au moins implicitement, d'une Note en date du 10 janvier 1859, adressée par M. Calderon Collantes à l'ambassadeur espagnol à Paris, et plus clairement encore, d'une lettre datée du 9 septembre 1860, adressée par ce ministre à M. Pacheco. Ainsi s'explique la part prise par l'Espagne au traité de Londres conclu le 30 octobre 1861. C'était la réalisation de sa politique. Les trois puissances `unissaient «< dans ce traité, leurs forces de terre et de mer >> contre la république mexicaine. Toutefois, dans les Chambres, on reprocha au Cabinet deux choses, la première d'être allé tardivement au Mexique; la seconde de paraître subordonner dans cette affaire son action à celle des deux autres puissances. Etait-ce pour répondre à ce reproche que l'on se hâta, 8 décembre, d'envoyer devant la Vera-Cruz une escadre espagnole, et que la Vera-Cruz fut prise sans combat? Invité à s'expliquer à ce sujet par lord Russell, l'ambassadeur d'Espagne, M. Isturitz, répondit (18 janvier) assez peu clairement que l'expédition était prête depuis longtemps, et que si l'on avait agi, c'est que le capitaine-général de Cuba, qui l'avait fait partir, ignorait alors le point de réunion des forces alliées. Voilà où en étaient les choses au commencement de 1861.

Quant à la situation financière et matérielle du royaume, le budget pour 1862 annonçait un excédant de recettes ordinaires de plusieurs millions. Il y avait progrès sur un autre point. Les chemins de fer d'abord mollement entrepris s'exécutaient actuellement avec une remarquable activité. Il se formait même un réseau religatif de la capitale à toutes les frontières, à la Méditerranée, à l'Océan, au Portugal, enfin à la France. Il était facile de comprendre quelle vie nouvelle l'exécution de ces voies imprimerait à l'industrie et au commerce espagnol qui avaient tant besoin de se relever d'une trop longue atonie.

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CHAPITRE XI.

PORTUGAL.

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Agitations Troubles à Lisbonne à

Le Cabinet Loulé. Son caractère; causes de sa durée. à l'intérieur émeutes, rixes populaires. propos des Sœurs dites de Saint-Vincent de Paul; pourquoi ? Dissolution de la Chambre des Députés. Résultat des élections. Session. - Vote du budget. Voyage du roi dom Pédro. Il préside à l'exposition universelle de Porto. — Remarquables paroles qu'il fait entendre à cette occasion. Retour à Lisbonne. Nouveau voyage de ce prince dans les provinces. Mort de dom Pédro. Régence de son père. - dom Luiz succède au roi défunt. Il prête serment devant les Chambres. Son caractère; ses intentions. Maladie de deux autres enfants; mort de dom João. Scènes de désordre à Lisbonne. - Démarche de l'association patriotique auprès du roi; ce qu'elle demande. Continuation de la session. sentation d'une loi de régence. Les Chambres apprécient la conduite du Ministère. Il continue d'avoir la majorité.

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Pré

L'année s'ouvrit sous des auspices qui n'annonçaient pas qu'elle revêtirait à la fin une teinte funèbre. Le Ministère, auquel le marquis de Loulé donna son nom, fonctionnant depuis le 4 juillet de l'année précédente, représentait, à divers degrés, le parti libéral. Cependant il paraissait indécis, inactif, alors qu'il avait en présence une opposition qui ne manquait, elle, ni de persistance, ni d'activité. Toutefois, il avait la majorité dans les Chambres. Quant à l'opposition de divers éléments: miguéliste, chartiste, dont une fraction dite la régénération, enfin septembriste ou progressiste. En dehors du parlement existaient des symptômes de mécontentement qui aboutissaient à des émeutes, ressemblant à des jacqueries, à des rixes populaires. Dans certaines localités, on alla jusqu'à livrer aux flammes les registres des contributions. A Lisbonne même, il y eut des agitations, et par une cause au moins inattendue. Des sœurs de SaintVincent de Paul venues de France s'étaient établies à Lisbonne. Les libéraux virent dans ces femmes, presque partout vouées à

la charité la plus désintéressée, un instrument de réaction. Or, les sœurs ne méritaient ni cet excès d'honneur ni cette indignité. Il fallut pourtant que le Gouvernement en vint à dissoudre leur établissement. L'opinion s'était montée. En mars, autre grave décision la dissolution de la Chambre des Députés. Le scrutin électoral ne décomposa guère la majorité précédente. Une courte session suivit, elle fut marquée par l'essentiel : le vote du budget.

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Le système des contributions continuait d'agiter les provinces. Le 22 août, dom Pédro, peut-être pour voir les choses de près, alla visiter plusieurs villes, et le 24 il vint à Porto où le lendemain il inaugura une exposition universelle qui s'ouvrait dans cette ville. Son discours fut remarqué à cause des aperçus philosophiques auxquels il s'éleva. « Au milieu des disputes, disaitil, où nous nous fatiguons à nous créer des motifs de dissidence et d'inimitié, nous avons à remplir le grand devoir des gouvernements de notre temps: donner du travail à la société pour qu'elle ne s'égare ni ne se dissolve par les passions qui l'agitent; lui départir l'instruction pour qu'elle ne méconnaisse pas la valeur du travail, pour qu'elle ne perde pas, au milieu des servitudes que créent les nécessités matérielles de la vie, la notion des obligations qui sont au-dessus de tous les lucres. »>< Rien de plus judicieux assurément et de plus digne d'un homme chargé de diriger ses semblables. Revenu à Lisbonne le 29 septembre, le Roi en repartit pour Villa-Viccosa d'où il revenait par Santarem. C'était en quelque sorte des voyages d'instruction qu'il faisait; car il visitait tout ce qui le pouvait renseigner. Le 12 octobre, il était de retour dans la capitale, où peu de jours après, ainsi que son frère Fernando qui l'avait accompagné, il était atteint d'une fièvre mortelle. Le 6 novembre, l'infant Fernando rendit le dernier soupir, et le 11, le roi lui-même le suivit dans la tombe. Il n'avait que vingt-quatre ans. Il fut justement regretté car bien intentionné comme il l'était, il eut peut-être réalisé le bonheur du pays. En attendant l'arrivée de dom Luiz, frère du défunt et héritier présomptif de la couronne, alors en France, son père le roi dom Fernando eut la régence. Le 14 novembre i revint et ceignit la couronne de dom Luiz [er. Comme son frère, il tenait aux institutions constitutionnelles.

Après les funérailles de dom Pédro, et des proclamations adressées au peuple suivant l'usage, dom Luiz alla prêter serment (22 décembre) devant les Chambres. Il annonça qu'il marcherait sur les traces de son frère. Presque aussitôt après la mort prématurée de dom Pédro, les infants dom Auguste et dom João étaient à leur tour cruellement atteints. Le premier survécut; mais le pays s'inquiéta, on voulut voir ailleurs que dans le cours naturel des choses, ces ravages de la maladie et de la mort dans la famille royale. Il s'en suivit des scènes de désordre qui éclatèrent dans la capitale le 25 et le 26 décembre. Et comme le roi lui-même éprouva quelques atteintes morbides, l'association dite patriotique s'en alla demander au conseil municipal de venir supplier avec elle ce prince de changer son ministère, sa maison, et de quitter comme insalubre le palais des Necessidades. Or, quant à ce dernier point, le roi était décidé à se rendre le soir même au palais Caxias. Mais les désordres continuaient; des cris de mort se faisaient entendre contre certains personnages: Loulé, Avila (deux ministres) Ficalho (un dignitaire) et contre les conservateurs présumés réacteurs. Cela se passait le 25 décembre et dura ainsi quelques jours.

Dans les premiers jours de janvier les Cortès, dont la session avait commencé le 4 novembre, se trouvèrent en présence de ces difficultés. Les malheurs qui avaient frappé la maison royale furent l'occasion de la présentation d'une loi de régence. On dut ensuite s'occuper des questions que soulevaient les derniers troubles. La commission de la Chambre des Députés, appelée à émettre son avis, estima que le ministère avait rempli son devoir ce qui fut voté par la Chambre. La commission de la Chambre des Pairs fut plus sévère; elle accusait la faiblesse du ministère. Une faible majorité lui donna raison. Resterait-il sous le coup de ces attaques, et continuerait-il de s'appuyer sur cette faible majorité ? Telle était la question léguée à l'avenir par le présent.

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