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II. La matière est très difficile. Jusqu'ici. le législateur n'a pas réglé le problème dans son ensemble: il n'y a que des textes épars. La doctrine française est, sur ce point, très incertaine les auteurs ne sont pas d'accord. Il faut donc s'attacher surtout à dégager le système de la jurisprudence; mais il n'est pas du tout sûr que la jurisprudence soit arrivée à des conclusions définitives en cette matière. Enfin, nouvel élément de difficulté, la terminologie est très flottante, comme cela arrive lorsque le fond des choses n'est pas ferme. Les mots fonctionnaires, employés, agents ne sont pas considérés par tout le monde comme synonymes, sans d'ailleurs que ceux qui emploient ces termes avec des sens différents puissent dire, d'une manière précise, ce qu'ils désignent.

Pour ma part, je ferai complètement abstraction de cette terminologie défectueuse. Je prendrai les mots fonctionnaires, employés et agents comme synonymes. C'est d'ailleurs la tendance qui se manifeste actuellement dans le Parlement (1).

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III. Le nombre des agents au service public en France est considérable. Il est impossible de le déterminer d'une manière précise. En effet, il y a des agents qui ne font que passer au service public: jurés criminels, jurés d'expropriation, membres d'un bureau de vote, scrutateurs, etc. D'autre part, pour la rédaction des statistiques, on ne s'entend pas sur le point de savoir si les soldats, les ouvriers des arsenaux, des manufactures de tabac, d'allumettes, des chemins de fer, etc. sont des agents au service public.

(1) Projet de loi (du Gouvernement) sur le statut des fonctionnaires, 25 mai 1999 (repris le 30 juin 1910), art. 1er : « Sont considérés comme fonctionnaires pour l'application de la présente loi, tous ceux qui, en qualité de délégués de l'autorité publique, d'employés, d'agents ou de sous-agents. occupent, dans un service public de l'Etat, un emploi permanent... » Voyez aussi le projet de la Commission de la Chambre des députés. 18 juin 1909 « Sont considérés comme fonctionnaires pour l'application de la présente loi, tous ceux qui, en qualité de délégués de l'autorité publique, d'employés, d'agents ou de sous-agents, font partie des cadres permanents... ». Voyez ces textes dans la Revue du Droit public, 1909, p. 350 et p. 603. Voyez enfin le dernier projet de la Commission de la Chambre des députés du 12 juillet 1911 (rapport Maginot, annexe n. 1214): « Art. 1er. Sont considérés comme fonctionnaires, pour l'application de la présente loi, tous ceux qui, en qualité de délégués de l'autorité publique, d'employés, d'agents ou de sous-agents, occupent dans un service public civil régi par l'Etat un emploi permanent .. ». Cpr. sur ce point A. LEFAS, L'Etat et les fonctionnaires, 1913, p. 8 et s.

Enfin, beaucoup ne rangent pas parmi les fonctionnaires publics, les conseillers généraux, conseillers d'arrondissement, conseillers municipaux, membres des commissions administratives des bureaux de bienfaisance, etc.

Tous ces individus sont, à mon avis, des agents au service public. On voit combien il est difficile d'en faire le dénombrement exact.

A titre d'indication, voici une statistique donnée par le Gouvernement, dans le projet de budget pour 1913: Etat présentant, au 1er janvier 1912, le nombre des fonctionnaires et agents rétribués sur le budget de l'Etat, sur les budgets des départements et des communes (1).

1o Fonctionnaires et agents rétribués en tout ou en partie par l'Etat.

.

2o Fonctionnaires et agents rétribués en tout ou en partie par les départements ou les communes, colonies et établissements publics.

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Total

665.023

330.226

995.249

Ceci ne comprend ni les députés, ni les sénateurs, ni le président de la République. Mais cela comprend les officiers et assimilés, les sous-officiers, caporaux ou soldats rengagés ou commissionnés.

La loi de finances du 23 avril 1905 a prescrit aux différents Ministres de fournir, au 1er janvier de chaque année, un relevé des fonctions de toute nature rétribuées en tout ou partie sur le budget de l'Etat, et, pour chaque fonction, le nombre des fonctionnaires correspondant. L'article 152 de la loi de finances du 8 avril 1910 a, en outre, décidé qu'il sera publié tous les cinq ans, au plus tard le 1 octobre, par les soins du service de la statistique générale de la France, un tableau présentant, pour les fonctionnaires, agents, sousagents, employés et ouvriers de l'Etat rémunérés au mois, ainsi que pour le personnel officier et assimilé des armées de terre et de mer, les échelles ou les taux de traitements, remises ou indemnités fixes de toute nature, à l'exception des indemnités ayant le caractère d'un remboursement de frais. La première publication a eu lieu en septembre 1911 (2). Elle indique les améliorations de traitements ou émoluments réalisées depuis 1901. Elle indique aussi les taux et

(1) Le tableau pour 1909 est reproduit in extenso dans la Revue du Droit public, 1909, p. 786 et 787. On trouvera des statistiques plus détaillées dans A. LEFAS, op. cit., p. 25 et s.

(2) Journal officiel des 30 septembre et 11 octobre 1911.

échelles des traitements en vigueur au 1er janvier 1871. Chaque statistique subséquente indiquera de même les améliorations réalisées dans la dernière période quinquennale, ainsi que les dates des textes survenus.

Ces indications sont évidemment très précieuses. Mais il ne faut pas se dissimuler qu'elles ne donnent pas la liste complète des agents publics, car tous les agents publics ne reçoivent pas d'allocations pécuniaires, et, d'autre part, les auxiliaires non fonctionnaires figurent dans ces statistiques (1).

Section II

Les Auxiliaires.

I. Les auxiliaires sont les individus qui fournissent temporairement, exceptionnellement, occasionnellement leur activité personnelle pour assurer le fonctionnement d'un service public.

C'est pour donner un coup de main, momentanément, occasionnellement, qu'il est fait appel aux auxiliaires. Un élément essentiel de leur situation est donc le caractère temporaire, exceptionnel, transitoire, occasionnel de leur prestation. Comme le disent certains arrêts, ces auxiliaires ne font pas partie des cadres permanents (2).

(1) Cpr. sur ce point FERNAND FAURE, dans la Revue politique et parlementaire, mai 1910, p. 320 et s.; ROLLAND, dans la Revue du Droit public, 1910, p. 331 et suivantes; A. LEFAS, L'Etat et les fonctionnaires, op. cit., p. 25 à 52. Cpr. Société de statistiques de Paris, séance du 17 décembre 1913, communication de M. LUCIEN MARCH Sur la statistique des fonctionnaires (J. Off., 24 décembre 1913, p. 11 024 et s ).

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(2) Tribunal des conflits, 17 mai 1873, Michallard : Les individus engagés spécialement et temporairement par une commune pour exécuter des travaux extraordinaires de recensement de la population ne sont pas en service public; ils sont dans une situation contractuelle. - Conseil d'Etat, 9 décembre 1899, Lébert (Recueil des arrêts du Conseil d'Etat, p. 785): « Les gardes ports du bassin de la Seine... n'appartiennent pas au cadre permanent d'une administration publique... ». Conseil d'Etat, 24 mars 1905, Vauthron Rec, p. 308): « Le sieur V... était employé comme simple journalier à l'administration centrale des colonies... ; à ce titre, il n'était pas compris dans les cadres permanents du personnel de cette administration; ainsi il n'exerçait aucune des fonctions prévues par la loi de 1833... ». Conseil d'Etat, 15 février 1907, Moulié (Rec., p. 160): « L'arrêté du préfet de la Seine..., qui nomme le sieur M. directeur de l'école d'ameublement Boulle, dispose expressément qu'il exerce ses fonctions à titre stagiaire et que le traitement annuel de

Ce caractère temporaire, accidentel est mis en relief dans les projets de loi déposés récemment pour régler le statut des fonctionnaires (1). En définitive, le service auxiliaire présente ce caractère essentiel : il est temporaire, accidentel, exceptionnel.

A quoi faut-il s'attacher pour savoir si, dans tel cas donné, on est en présence d'un auxiliaire ou d'un agent au service public proprement dit? C'est à l'intention des parties, et, en particulier, à l'intention des agents administratifs. Cette intention résultera parfois des termes mêmes de l'engagement conclu avec l'auxiliaire (2). Parfois,

6.000 francs qui lui est alloué ne supportera pas les retenues légales. Ces énonciations restrictives attestent la volonté de l'autorité préfectorale de ne conférer ces fonctions au sieur M. qu'à titre provisoire. Ainsi, le requérant ne pouvait, avant sa titularisation, être considéré comme faisant partie du cadre permanent d'une administration publique... ». Conseil d'Etat, 13 mars 1908, Héligon (Rec., p. 268): « Si le décret du 26 novembre 1897, qui porte règlement d'administration publique pour l'organisation de l'administration centrale du ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, n'a pas mentionné spécialement la bibliothé que, ni les fonctions de bibliothécaire, ce service, par son caractère permanent. n'en doit pas moins, à défaut d'une disposition spéciale de ce décret, être rattaché aux services généraux de l'administration centrale, et, par suite, doit être géré par un fonctionnaire faisant partie des cadres réguliers de cette administration..... ».

a

(1) Projet de loi (du Gouvernement) du 25 mai 1909, art. 1er; « Sont considérés comme fonctionnaires pour l'application de la présente loi, tous ceux qui .. occupent, dans un service public de l'Etat, un emploi permanent... ». Et l'exposé des motifs développe ainsi cette idée : « Le projet débute par la définition des fonctionnaires soumis à ses dispositions; elle est assez large pour englober tous les titulaires d'emplois publics, et elle ne laisse en dehors de ses prévisions que les agents ou employés auxiliaires qui, temporairement attachés à un service de l'Etat et susceptibles d'être congédiés à l'expiration d'une période préfixe ou aussitôt après l'achèvement d'un travail déterminé, ne peuvent évidemment prétendre à un statut ». Le projet présenté le 18 juin 1909 par la Commission de la Chambre des députés saisie du projet du Gouvernement met aussi en relief la distinction entre le service public et les services auxiliaires : Art. fer: « Sont considérés comme fonctionnaires, pour l'application de la présente loi, tous ceux qui .. font partie des cadres permanents organisés pour assurer le fonctionnement d'un service public civil régi par l'Etat ». Le rapport de la commission met en relief l'importance du mot permanent pour distinguer les agents au service public des auxiliaires. Voyez aussi le rapport du député MAGINOT (42 juillet 1911, annexe n. 1214) et le texte du projet rédigé par la Commission. Supra, p. 389 note).

(2) Conseil d'Etat, 15 février 1907, Moulié (Rec., p. 160) : affaire citée supra, p. 391 note 2.

on n'aura rien dit: le juge aura alors à considérer toutes les circonstances de fait (1).

II. Le régime juridique auquel sont soumis les auxiliaires peut se définir en quelques mots : c'est le lounge de services du droit privé.

Parfois, les textes réglementant un service public prennent soin de dire que le régime juridique des agents au service public proprement dit n'est pas applicable aux auxiliaires (2). Mais en l'absence d'un texte, cette solution ne doit pas faire de doute.

(1) Conseil d'Etat, 1er juin 1900, Moreau (Rec., p. 383): « Par sa délibération, le conseil municipal s'est borné à voter une indemnité annuelle de 600 francs pour la sage-femme qui viendrait s'installer dans la com mune. Si, à la suite de cette délibération, la dame M. est venue à... pour y exercer sa profession et si elle a touché du... au... la subvention promise, il ne résulte pas des circonstances qu'elle ait pendant ce temps. occupé un emploi municipal ». Tribunal des conflits, 16 novembre 1901, Moreau (Rec, p. 810): « Dans les conditions où elle a exercé dans la commune... sa profession de sage-femme, la dame M. ne saurait être regardée comme ayant occupé un emploi municipal... » Voyez aussi Conseil d'Etat, 8 février 1889, Colombat. Rec., p. 173. Le sieur C., professeur d'un cours supprimé par le Ministre de l'Intérieur soutenait que <« la création du cours d'orthophonie en 1868 (à l'Institut national des sourds muets) avait été le résultat d'un contrat bilatéral entre l'Etat et le requérant qui n'avait consenti à la divulgation de la méthode dont il était l'inventeur, qu'à la condition que le gouvernement créerait pour lui une chaire dans un établissement national. » En conséquence, le ministre ne pouvait pas supprimer le cours. Le ministre de l'Intérieur affirmait, au contraire, que c'était « en vertu d'une décision purement gracieuse du ministre et non en vertu d'un contrat synallagmatique que le requérant avait été autorisé à faire un cours public et gratuit d'orthophonie dans l'établissement national des sourds-muets de Paris; que le requérant était un fonctionnaire salarié relevant de l'autorité du ministre de l'Intérieur et qu'en supprimant le cours, le Ministre avait fait le plus légitime usage de son droit ». Dans son arrêt du 8 février 1889, le Conseil d'Etat affirme qu'il y a emploi public et non pas louage de services : « Aux termes de l'art. 1er de l'ordonnance du 21 février 1841, les établissements généraux de bienfaisance ... sont administrés sous l'autorité du Ministre de l'Intérieur. Par un arrêté... le Ministre de l'Intérieur, agissant en vertu des pouvoirs qu'il tient de la disposition précitée, a crée le cours d'orthophonie... et a désigné le sieur C. comme professeur titulaire dudit cours... L'arrêté ministériel... par lequel le requérant a été admis d'office à faire valoir ses droits à la retraite par suite de suppression d'emploi, a été pris par le Ministre de l'Intérieur dans la limite de ses pouvoirs >>.

(2) Conseil d'Etat, 22 mai 1908, Ville de Toulouse (Rec., p. 560): <<< Aux termes de l'article 10 du règlement de la caisse des retraites des

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