Page images
PDF
EPUB

Les principales conséquences de cette idée générale sont les suivantes :

1o Les auxiliaires fournissent leur activité personnelle en vertu d'un contrat de louage de services.

2o Les droits et obligations des auxiliaires sont ceux qui résultent d'un louage de services. Comme tout employé d'un particulier, la condition juridique de l'auxiliaire comprend deux séries de situations juridiques: 1. des situations juridiques individuelles: ce sont celles qui sont fixées par la convention expresse ou présumée des parties; 2. des situations juridiques générales et légales ce sont celles qui sont fixées par les lois et règlements: en particulier, durée du travail, repos hebdomadaire, accidents du travail, insaisissabilité et incessibilité des petits traitements et salaires, interdiction du paiement des salaires en nature, interdiction aux employeurs de vendre directement ou indirectement à leurs ouvriers et employés des denrées et marchandises, de quelque nature que ce soit, etc., etc.

Il importe de bien distinguer ces deux séries de situations juridiques. Les situations individuelles ne peuvent être modifiées que par l'accord de volontés des parties, mais non par la volonté unilatérale de l'une des parties (supra, p. 15). Au contraire, les situations juridiques générales et légales peuvent être, à tout moment, modifiées unilatéralement par l'autorité publique compétente pour les organiser (supra, p. 13).

Tout ceci est vrai des employés et ouvriers de l'industrie privée et des auxiliaires de l'administration.

3o La sanction des droits et obligations des auxiliaires, c'est la sanction ordinaire des droits et obligations découlant du louage de services du droit privé à savoir des actions en justice tendant à faire constater la créance, l'obligation, et à faire condamner le débiteur à accomplir la prestation, sans compter les dommages-intérêts.

4o Les contestations qui s'élèvent sur le contrat de louage de services entre l'administration et les auxiliaires sont de la compétence des tribunaux judiciaires et non de la compétence des tribunaux administratifs (1).

5° Les auxiliaires cessent de fournir leur activité personnelle dans

employés de la mairie de Toulouse, les services rendus en qualité de surnuméraire, d'auxiliaire, de temporaire ou de gérant intérimaire ne sont comptés dans aucun cas (pour une pension de retraite)... »

(1) Tribunal des Conflits, 17 mai 1873, Michallard, supra, p. 391.

note 2.

les mêmes cas et dans les mêmes conditions qu'un ouvrier ou employé de l'industrie privée. En conséquence, si le contrat de louage de services a fixé le moment où l'auxiliaire quitterait le service, on appliquera la convention des parties. Au cas où le contrat n'a pas fixé cette époque, on est en présence d'un louage de services à durée indéterminée auquel on appliquera l'article 1780 du Code Civil: « ... Le louage de services, fait sans détermination de durée, peut toujours cesser par la volonté d'une des parties contractantes. Néanmoins, la résiliation du contrat par la volonté d'un seul des contractants peut donner lieu à des dommages intérêts. Pour la fixation de l'indemnité à allouer, le cas échéant, il est tenu compte des usages, de la nature des services engagés, du temps écoulé, des retenues opérées et des versements effectués en vue d'une pension de retraite, et, en général, de toutes les circonstances qui peuvent justifier l'existence et déterminer l'étendue du préjudice causé... » (1). D'autre part, au cas de cessation brusque du travail, sans observer les délais d'usage, il y a, en principe, sauf motifs graves, faute. Au cas de cessation brusque et collective du travail (grève) par les auxiliaires, sans préavis ni observation des délais d'usage, il y aurait lieu d'appliquer les règles admises pour le cas de grève des ouvriers et employés de l'industrie privée. En d'autres termes, la grève ne constitue pas un délit pénal; mais il peut y avoir faute, à raison de l'absence de préavis et de l'inobservation des délais d'usage; cette faute, lorsqu'elle existe, justifie non seulement l'allocation de dommages intérêts, mais encore la résiliation du contrat de louage de services (2).

(1) Sur l'interprétation donnée par les tribunaux à ce texte, voyez Pic, Traité élémentaire de législation industrielle, 4e édition, 1912, p. 985 et suivantes. En particulier, l'exercice abusif du droit de congé constitue une faute justifiant l'allocation de dommages-intérêts à celui qui subit un préjudice.

(2) La Jurisprudence de la Cour de Cassation a été très bien résumée par le Commissaire du Gouvernement TARDIEU, dans ses conclusions sur l'affaire Winkel, jugée le 7 août 1909, par le Conseil d'Etat (Rec., p. 1300): «Il importe au Conseil de connaître... la jurisprudence de la Cour de cassation concernant les effets juridiques de la grève sur le contrat de travail. Cette jurisprudence s'est affirmée dans quatre arrêts: Chambre des requêtes, 18 mars 1902, Loichot; Ch. civile, 4 mars 1904, Cazy; 13 novembre 1906, Christofle; 15 mai 1907, Valentin Roussel. Elle peut se résumer ainsi : a) L'ouvrier qui se met en grève, quels que soient les mobiles qui l'ont dirigé, rompt volontairement le contrat qui le lait à son patron; —b) Si ce contrat comportait un délai de prévenance, l'ou

Section III

Les réquisitionnés.

La situation du réquisitionné est assez facile à distinguer de celle de l'agent au service public proprement dit.

I. C'est une prestation déterminée qui est exigée de l'individu réquisitionné; celui-ci est mis, de force, dans une situation juridique individuelle. D'une part, les lois déterminent les autorités compétentes pour procéder aux réquisitions, les formes de la réquisition, les cas où la réquisition est possible, les activités qui peuvent être réquisitionnées, les limites de temps pour lequel l'activité pourra être réquisitionnée, les indemnités à allouer. Tout ceci est l'organisation du pouvoir légal de réquisition. D'autre part, la manifestation unilatérale de volonté des agents compétents crée, pour l'individu réquisitionné, sans qu'il puisse s'y refuser, qu'il le veuille ou non, l'obligation individuelle de fournir la prestation demandée. La situation du réquisitionné est analogue, au point de vue juridique, à celle du débiteur d'impôt ; ici aussi, une manifestation unilatérale de volonté crée, pour le contribuable, qu'il le veuille ou

[ocr errors]

vrier qui déclare brusquement la grève, peut être exposé à payer des dommages-intérêts à son patron; c) Celui-ci, par le fait de l'ouvrier, se trouve dégagé de toutes les obligations que lui imposait le contrat ; — d) peut, séance tenante, remplacer ses ouvriers défaillants s'il en trouve d'autres disposés à se laisser engager; — e) Lorsque la grève est finie, il est libre de ne pas reprendre certains des ouvriers grévistes, sans que ceux-ci puissent considérer ce refus de les reprendre comme un congédiement sans préavis, et sans pouvoir, par conséquent, lui réclamer une indemnité; f) Enfin, quand le patron reprend ses ouvriers, alors même que rien ne serait changé aux conditions anciennes, c'est un nouveau contrat qui se forme entre l'ouvrier et le patron Cette jurispru dence a été très vivement critiquée. WAHL, notes sous Cassation, 29 janvier 1897, S. 1898. 1. 17; sous Cassation 18 mars 1902. S. 1903. 1. 465; sous Cassation, 4 mai 1904, S. 1906. 1. 497; et sous Cass. 15 mai 1907, S. 1908. 1. 408; PLANIOL (notes sous Cass. 4 mai 1904, Dalloz, 1901. 1. 189; et sous Cass. 13 novembre 1906, Dalloz, 1907. 1. 372; Eléments du Droit civil, tome II. no 1845 bis). AMBROISE COLIN, note sous Cass., 15 mai 1907, Dalloz, 1907. 1. 369. Pic, Législation industrielle, 4o édìtion, 1912, p. 221 et s., nos 318 et s.

[ocr errors]

non, une obligation individuelle. La différence est que, dans la réquisition. la prestation déterminée à fournir n'est pas, comme dans l'impôt, une somme d'argent ; ce sont ou ce peuvent être des prestations d'activité personnelle.

Ainsi donc, le réquisitionné se distingue nettement de l'agent au service public proprement dit, en ce que l'objet de la prestation qui lui est réclamée est bien déterminé. Ceci a des conséquences très nombreuses et très importantes :

a) le service du réquisitionné est essentiellement accidentel, occasionnel, temporaire ;

b) de plus, les qualités personnelles de l'individu sont indifférentes peu importent sa nationalité, sa moralité, son intelligence, son âge, son sexe, etc.

II. Il ne faut pas dire qu'ure différence essentielle entre l'emploi au service public proprement dit et la réquisition est le caractère obligatoire, forcé de la réquisition. L'élément de contrainte peut exister dans l'emploi au service public proprement dit service militaire, service du jury criminel, du jury d'expropriation. Tout ce qui est vrai, c'est que l'élément de contrainte se trouve toujours dans la réquisition tandis qu'il est exceptionnel dans le service public proprement dit.

Cet élément de contrainte a des conséquences juridiques très importantes.

a) L'étendue du pouvoir des agents publics touchant la réquisition est fixée et ne peut être fixée que par la loi proprement dite, c'est-àdire par le Parlement c'est, en effet, un principe certain, en France, depuis la Révolution de 1789, que seul le Parlement a compétence pour régler les charges publiques se traduisant par des atteintes à la liberté physique individuelle, à la propriété individuelle, à la liberté du commerce et de l'industrie, etc. (supra, p. 300).

2o La sanction de la réquisition n'est pas l'action en justice tendant à la constatation de l'obligation individuelle et à la condamnation à exécuter ou à l'allocation de dommages-intérêts: c'est toujours une peine qui sera infligée par le juge. Et même ce sera souvent l'autorisation donnée aux agents publics d'employer la force contre le réquisitionné pour obtenir de lui la prestation nécessaire au fonctionnement du service public.

III.Voici maintenant des exemples de réquisitions d'activité individuelle, empruntés à la législation. D'après la loi du 3 juillet 1877, sur les réquisitions militaires, « en cas de mobilisation partielle ou

totale de l'armée ou de rassemblement de troupes, le ministre de la guerre détermine l'époque où commence, sur tout ou partie du territoire français, l'obligation de fournir les prestations nécessaires. pour suppléer à l'insuffisance des moyens ordinaires d'approvisionnement de l'armée » (art. 1er). « Est exigible par voie de réquisition la fourniture des prestations nécessaires à l'armée et qui comprennent notamment... 8° les guides, les messagers, les conducteurs, ainsi que les ouvriers pour tous les travaux que les différents services de l'armée ont à exécuter; 9° le traitement des malades ou blessés chez l'habitant... >>

En principe, tous individus, sans distinction de nationalité, d'âge, de sexe, etc.. peuvent être réquisitionnés.

Naturellement, étant donné les conditions politiques et sociales dans lesquelles intervient la réquisition, les procédés juridiques de réalisation ne sont pas les procédés ordinaires usités pour la réalisation des situations juridiques individuelles : « Dans le cas de refus.., si le fait provient du mauvais vouloir des habitants, le recouvrement des prestations est assuré, au besoin, par la force; en outre, les habitants qui n'obtempèrent pas aux ordres de réquisition sont passibles d'une amende .. En temps de paix, quiconque abandonne le service pour lequel il est requis personnellement est passible d'une amende... En temps de guerre, ... il est traduit devant le conseil de guerre et peut être condamné à la peine de l'emprisonnement... (\. 1877, art. 21).

De même, en matière de police sanitaire maritime, la loi du 3 mars 1822 (art. 12 et 13) et le décret du 4 janvier 1896 (art. 111) organisent le pouvoir des agents sanitaires « de requérir, pour le service qui leur est confié, le concours non seulement de la force publique, mais encore, dans les cas d'urgence, ... au besoin, de tout citoyen ». Cette réquisition de services personnels peut, encore ici, être adressée à tous individus, sans distinction de nationalité, d'âge, de sexe, etc. Elle est sanctionnée non pas par une action en justice, mais par des sanctions pénales: emprisonnement et amende.

Un autre exemple de réquisition me paraît être le témoignage en justice, ou, d'une manière plus générale, le devoir de témoigner. Le témoin, j'entends celui qui, d'après la loi, est tenu de répondre à la convocation qui lui est adressée, de prèter serment et de dire toute la vérité, rien que la vérité, est en état de réquisition pour le service public de justice. Nous trouvons les trois éléments essentiels : 1° prestation déterminée; 2° contrainte; 3° service public. C'est la

« PreviousContinue »