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relierait la frontière de Savoie à celle de France. Le Prince devait, d'autre part, représenter l'Empereur aux cérémonies d'inauguration de la ligne religative des deux États. Une portion de cette ligne, appelée Victor-Emmanuel, était déjà en exploitation en Savoie. Un bateau à vapeur qui attendait le prince à Culoz le transporta sur le territoire sarde à la station d'Aix-lesBains, après lui avoir fait traverser le lac du Bourget dans une partie de sa longueur. A Modane, où il arrivait le 31 août, l'auguste représentant de l'Empereur recevait le roi de Sardaigne, parti la veille de Turin, et dont les voitures venaient de gravir pendant sept heures cette montagne dont une locomotive franchirait bientôt la barrière en moins de vingt minutes. La solennité fut marquée par les incidents habituels: discours de l'évêque, prières du clergé, collation. Puis le roi Victor-Emmanuel et le prince Napoléon, au moyen d'un fil électrique, mirent le feu à plusieurs fourneaux de mine, et marquèrent, par une première blessure au flanc de la montagne, le chemin que l'industrie humaine devait s'ouvrir dans ses profondeurs. A une heure, le roi et le prince retournaient à Chambéry.

Le 1er septembre, inauguration des travaux du pont de Culoz destiné à relier la ligne de Lyon à Genève avec celle de Victor-Emmanuel, c'est-à-dire la France avec la Savoie. Le roi et le prince Napoléon, partis de Chambéry à sept heures du matin, s'embarquèrent à la station de Saint-Innocent. A dix heures, débarquement du cortége sur la rive gauche du Rhône, en face du village français de Culoz, dans une vaste prairie où étaient rassemblées les gardes nationales des communes sardes environnantes. Le Roi et le Prince déjeunèrent en plein air. Vint le maréchal duc de Malakoff, au retour d'un voyage à Genève. Présenté au Roi par le Prince, il eut l'honneur de passer à la droite de Sa Majesté sarde, qui voulut aussi reconduire le prince Napoléon sur la rive de France. Le bateau à vapeur ayant abordé à Culoz, Victor-Emmanuel serra avec effusion la main du prince. Quelque temps après (11 octobre), la princesse Mathilde Napoléon assistait, dans la basilique de Saint-Denis, à la fête du glorieux patron de la France. La Princesse fut reçue au portail de la basilique par le chapitre impérial de Saint-Denis.

<< S'unissant de tout cœur aux pieuses intentions de Votre Altesse Impériale, le chapitre, dit son organe le doyen, va adresser au ciel les plus ferventes prières pour attirer sur elle et sur son auguste famille toutes sortes de grâces et de bénédictions, et surtout pour demander à celui par qui règnent les rois de la terre, de conserver longtemps encore à notre amour, et pour le repos du monde, avec son auguste compagne et leur fils bien-aimé, le Prince Impérial, le grand Empereur, que la Providence, dans sa divine bonté, nous a donné, et qui'est tout à la fois l'orgueil de la France et l'admiration de l'Europe. »

Réponse affable de la princesse. Au milieu de la foule qui se pressait dans l'église, on remarquait une députation de jeunes incurables, appartenant à l'asile fondé par Son Altesse Impériale.

Dans le courant de septembre, eut lieu l'inauguration de la section du chemin de fer de Niort à la Rochelle et à Rochefort. L'Empereur fut représenté à cette solennité par le président du Conseil d'État, M. Baroche. Dans le discours qu'il prononça en cette occurrence, l'évêque de la Rochelle rappela avec beaucoup d'à-propos, qu'un moine du XIIe siècle avait écrit ces paroles étonnantes: On peut faire de tels instruments pour la navigation qu'un seul homme conduirait les grands vaisseaux avec plus de facilité que s'ils étaient pleins de rameurs. On pourrait faire des chariots qui, sans le secours d'aucun animal, marcheraient avec une incalculable impétuosité, currus etiam possent fieri ut sine animali moveantur cum impetu inestimabili. Puis il parlait d'autres merveilles rêvées par son génie inventif; il croyait à la possibilité de diriger les ballons dans les airs, de faire des ponts suspendus, et d'opérer toutes sortes de prodiges inouïs, et machinæ et ingenia inaudita. Et le digne moine concluait ainsi : Après avoir réfléchi à toutes ces choses, je ne vois rien de difficile à croire ni dans les choses humaines, ni dans les choses divines. Naturellement le vénérable prélat appliquait à la solennité cette curieuse prophétie d'un autre âge. Et Mgr de la Rochelle ajoutait avec une haute raison que l'homme est dans son droit quand il remue le monde, parce que l'homme est le prince de ce monde, et que, de droit divin, il a été établi ici-bas

le représentant de Dieu; pourvu que l'homme ne néglige point son âme et qu'il la cultive au moins autant que le jardin de l'univers. >>

Le discours de M. Baroche fut surtout remarquable par l'hommage rendu à la conduite politique du chef de l'Etat. « Cinq ans ne se sont pas écoulés, disait l'éminent fonctionnaire, et que de grandes choses ont été accomplies pour le bonheur et la gloire de la France! Au dedans, l'ordre et la tranquillité partout rétablis, la religion et ses ministres protégés et honorés, le commerce encouragé et enrichi, l'agriculture aidée par les institutions les plus bienveillantes et les plus utiles; l'armée affermie dans ses moyens de recrutement par une législation aussi favorable au développement de nos forces militaires qu'à la sécurité des familles; Paris et presque toutes nos grandes villes régénérés par d'admirables travaux; le Louvre, ce monument national, complétement terminé; les institutions charitables partout soutenues ou créées; enfin quatre mille kilomètres ajoutés à nos chemins de fer....

>> Ai-je besoin, après ce tableau magnifique, de vous rappeler les progrès de la France au dehors; le triomphe de nos armes dans une des plus grandes guerres des temps modernes, et cette paix victorieuse, conclue sous l'influence modératrice de l'Empereur, assurant le repos de l'Europe et la grandeur de la France? »

Puis un souvenir donné au patriotisme des électeurs de la Charente-Inférieure qui, en 1848, alla chercher dans l'exil « le prince qui devait être notre sauveur. Vous l'aviez bien compris alors, continuait S. E. c'était un Empereur et non un représentant du peuple que vous élisiez! Je me trompe, messieurs, c'était son véritable représentant que vous désigniez au peuple français, celui qui, par la grandeur et la modération de ses vues, par l'énergie de son caractère, par la bonté de son cœur, était le plus digne de représenter, au dedans comme au dehors, ce peuple français, si noble, si brave, si généreux! L'élu de votre département est bientôt devenu l'élu de la France entière. »>

D'autres discours furent encore prononcés au moment même de l'inauguration, mais ils n'eurent plus une égale portée. Seulement, après avoir rappelé que l'année 1857 marquerait dans

l'histoire de Rochefort par deux événements considérables : l'inauguration du chemin de fer et le décret récent qui ordonnait la construction d'un bassin à flot dans le port de commerce, M. Baroche ajouta, dans une seconde allocution, que ces deux grands bienfaits, Rochefort les devait « au prince, dont la sollicitude providentielle veille sans cesse sur les intérêts du commerce et de l'agriculture, et qui, au milieu des graves préoccupations du Gouvernement, ne négligeait aucun détail, voulait étudier toutes les questions. »>

CHAPITRE VI.

COLONIES.

ALGÉRIE §1.- Opérations militaires. Expédition en Kabylie; motifs et plan de cette expédition; attaque des Beni-Raten; soumission de cette tribu et des Arb-Douela. Occupation successive des positions de Souckel-Arba, d'Icheriden, de Chellata et du pays des Beni-Menguillef; soumission simultanée des autres tribus hostiles; dernière action, et dernier et décisif succès des troupes françaises : le fort Napoléon construit au coeur mème de la Kabylie. Le pays tout entier subit la domination française. Retour des colonnes expéditionnaires.

§ II. Partie administrative, commerciale et agricole. La décentralisation; extension de l'autorité municipale et préfectorale. Collége arabe; bureaux de bienfaisance musulmans; détails à ce sujet et motifs du décret institutif. - Les bureaux arabes et l'affaire Doineau; historique et fonctionnement de ces bureaux. — Comité consultatif de l'Algérie; rapport à l'Empereur à ce sujet. Les chemins de fer; les terres domaniales et leur aliénation systèmes en présence. Progrès de l'agriculture; le coton progrès des plantations; prix de l'Empereur : concours pour ce prix. Autres cultures: la garance; le fabac. Mouvement commercial: importation et exportation; banque de l'Algérie. La population : Résumé.

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COLONIES TRANSATLANTIQUES. GUADELOUPE. Discours du Gouverneur; résumé de la situation : nécessité d'exécuter la législation sur le travail.

GUYANE. — Progrès des cultures; effets de l'émancipation. Gisements de charbon de terre à l'embouchure du Maroni. - Question aurifère : l'or paye; rapport du commandant de l'approuague à ce sujet. REUNION.-Commerce florissant de cette colonie; détails: comparaison avec l'ancien état des choses; dépenses annuelles pour l'instruction des travailleurs libres. - Discours du gouverneur adressé à la chambre de commerce de Saint-Denis; résumé de la situation par ce fonctionnaire. - Terrible ouragan à l'ilot de Sainte-Marie; détails à ce sujet. SÉNÉGAL. Nouvelles expéditions contre les Maures; aperçu historique et situation. Eli dans le Rguck; prise de cette position ainsi que de l'Uptal réputé inexpugnable. Rapport du gouverneur. Les eaux du lac Cayar; curieuse particularité. Expédition sur la rive supérieure du fleuve: Médine délivrée des Maures; prise du fort Somson; description de ce fort. Retraite d'Al-Hadji. Exploration de la Falémé par le lieutenant Brossard de Corbigny.

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§ 1. Opérations militaires. Expédition contre les Kabyles. La Kabylie continuait d'inquiéter la colonie; les expéditions

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