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s'entendre sur un autre conflit qui avait cessé d'être une question pacifique. Nous voulons parler du long et inextricable différend entre la couronne de Danemark et les duchés allemands, si malheureusement associés, par les traités de 1815, aux destinées de la première. La solution ne fit pas cette année des pas plus décisifs que précédemment. On verra plus loin (Prusse, Autriche et Danemark) les nouvelles Notes diplomatiques échangées entre les cabinets de Vienne et de Berlin d'une part, et celui de Copenhague de l'autre. Actuellement, il s'agissait de savoir si, en présence de la persistance des parties contendantes, on ne saisirait pas la Diète du jugement définitif de la querelle. En attendant, le gouvernement danois déclinait la compétence de l'Assemblée de Francfort, et déclarait que le roi était décidé à maintenir les droits qu'il avait reçus de Dieu et de la nation. Peut-être le Danemark songeait-il à élargir l'horizon où se circonscrivait le débat et voulait-il en saisir les autres puissances continentales. Il était évident que, du jour où la Confédération germanique, représentée par la Diète de Francfort, évoquerait la cause, elle menacerait de prendre des proportions européennes.

La diète des Etats réunis de Holstein et de Lauenbourg, convoquée à Itzehoe, ayant abouti à une déclaration de nondélibération sur les objets soumis à l'Assemblée par le gouvernement danois, les représentants de la Confédération germanique furent saisis (29 octobre) de la requête formulée par ceux qui s'intitulaient « les membres de l'ordre équestre et les propriétaires fonciers du duché de Lauenbourg,» au sujet a des droits contractuels et constitutionnels du duché. »

L'heure était venue pour la Prusse et pour l'Autriche. En conséquence, communication par leurs représentants de leurs négociations infructueuses à l'occasion de ce conflit, et déclaration de la remise de cette affaire par leurs gouvernements entre les mains de la haute Assemblée. Par suite, demande de M. Heimbruch, représentant du Hanovre, à fin de nomination d'une commission spéciale, et d'insertion, au protocole, d'une déciaration portant que, s'il y avait inaccomplissement d'obligations essentielles, invitation de s'exécuter à cet égard serait adressée au gouvernement danois. Le surplus de la motion était conçu

en termes comminatoires pour ce gouvernement. L'envoyé de la Saxe, M. de Nostiz, appuya le ministre hanovrien, tandis que Vienne et Berlin, pour n'être pas en reste de zèle, se firent attribuer par leurs organes respectifs le mérite de l'initiative de la résolution de porter enfin le débat devant l'Assemblée représentative des intérêts de l'Allemagne.

5 novembre. Nomination de la commission qui fut composée des ministres de Prusse, de Bavière, d'Autriche, du Hanovre, du Wurtemberg, de la Saxe royale, enfin de la Hesse électorale. Aussitôt après, rapport du baron de Schrenck, envoyé de Bavière, qui conclut à la compétence de la Diète et au renvoi au gouvernement danois de la demande du Lauenbourg. A la suite de cette communication, adoption de ces conclusions à l'unanimité.

Une intervention au moins inattendue à ce moment, celle de la Russie, imprima à cette phase du conflit une physionomie nouvelle. Le 19 novembre, dépêche du prince Gortchakoff au baron d'Ungern-Sternberg, représentant du cabinet de SaintPétersbourg à Copenhague, dans laquelle ce ministre établit, qu'aux termes de l'art. 31 de l'acte final de Vienne, la Diète avait le droit de prononcer entre les parties en cause.

Evidemment, c'était encourager l'Assemblée de Francfort à retenir l'affaire, comme on dirait judiciairement.

La rencontre, d'ailleurs pacifique, à Stuttgard, des deux souverains de la France et de la Russie (septembre), n'était pas de nature à calmer les vives préoccupations que les questions que nous venons de passer en revue devaient causer aux membres de la Confédération. Les souvenirs d'Erfurth et de Tilsitt ne pouvaient pas manquer de se présenter à l'esprit des publicistes allemands. Au jugement de certains d'entre eux, l'alliance entre la France et la Russie, sous les auspices d'un prince aussi expérimenté que l'était le roi de Wurtemberg, eût été la réalisation d'un plan hardí. D'autres étaient moins optimistes. On appréciait, avec quelque amertume, l'offre faite de la médaille de Sainte-Hélène aux vétérans étrangers qui avaient servi dans les armées françaises. Cela ne faisait-il pas songer à une époque de désastres pour l'Allemagne? L'entrevue qui eut lieu ensuite

autrichiennes. Le mécontentement que cette politique du cabinet autrichien causait à la Prusse, d'abord exprimé à la tribune par un membre du cabinet (le ministre de la guerre), se traduisit bientôt en manifestations fâcheuses et même en luttes armées entre les Prussiens et les Autrichiens de la garnison fédérale de Mayence. L'impression produite à Vienne par ce fait regrettable, qui avait été empreint du caractère habituel de ces rixes, se manifesta avec assez d'amertume dans le journal de M. de Brück (la Gazette autrichienne). « On a dù, y disait-on, être surpris péniblement dans toute l'Europe, lorsque le chef d'un grand corps militaire, un ministre de la guerre, parlant du banc des ministres et devant la représentation d'un grand pays qui souvent a revendiqué le titre d'Etat militaire, a rappelé les sacrifices considérables que la défense d'un grand intérêt européen a coûtés à une puissance voisine, et a attribué, avec ironie, la mort de milliers de soldats à la négligence de leurs chefs. « Offense d'autant plus grossière, ajoutait l'organe du ministère autrichien, a qu'elle était dirigée par le chef militaire d'un Etat allemand contre l'administration d'une puissance militaire allemande. » C'est à cause de cela que, jusqu'alors, on avait passé le fait sous silence on n'avait pas voulu provoquer de dissidences entre deux armées, « appelées par la position géographique, les rapports politiques, la communauté de race, de langue, de civilisation, à agir ensemble et à s'appuyer réciproquement. »> Mais la mauvaise semence répandue par le ministre de Prusse avait porté ses fruits, et alors que penserait l'étranger?

« Le puissant et infatigable voisin de l'Allemagne possède beaucoup d'organes qui cherchent à affaiblir ce pays et à y semer des dissidences, mais aucun d'eux ne lui a rendu autant de services que le ministère prussien, dont la mission était plutôt de défendre l'unité de la force militaire allemande. » Néanmoins, la Gazette autrichienne constatait que la presse prussienne, qui préférait l'idée de l'unité allemande aux vœux de l'étranger, avait cherché à adoucir les paroles du ministre, et qu'un journal de Berlin les avait même blâmées.

De ce côté, les rapports entre les deux Etats étaient, comme on voit, assez tendus; toutefois, il n'y avait pas, en cette oc

currence, un sérieux sujet de conflit, la commission militaire fédérale chargée d'examiner la question des fortifications de Rastadt pouvait poursuivre avec sécurité ses investigations.

L'entreprise armée qui avait surpris Neuchâtel en 1856, et dont nous avons reproduit précédemment les causes et les suites immédiates, n'était pas de nature à attirer sur un même terrain les deux puissances rivales. La Diète s'était prononcée sur le fond même de ce grand procès international (V. Annuaire 1856); elle avait adhéré aux principes posés dans le protocole de Londres, en date du 24 mai 1852, au sujet de la principauté de Neuchâtel; elle avait invité les Gouvernements allemands à faire appuyer par leurs agents la demande de mise en liberté des Neuchâtelois arrêtés en septembre 1856.

Restait la question du libre passage des troupes prussiennes à travers les Etats fédéraux, dans le cas où il s'agirait pour la Prusse de pénétrer en Suisse. Déjà le cabinet de Berlin se prévalait, au sein de l'Assemblée de Francfort (communication d'une dépêche du 28 décembre 1856), des dispositions favorables qu'elle avait rencontrées à cet égard chez la plupart des Gouvernements intéressés dans la question.

Mais derrière ce fait il y avait le principe. La haute Diète sanctionnerait-elle, au nom des diverses puissances qu'elle représentait, le passage d'une armée prussienne, ou bien ce droit de passage était-il inhérent au droit individuel de souveraineté de chacun des Etats que l'on aurait à traverser? Le président de la Diète, comte de Rechberg, ne voulut pas engager la lutte dans ces termes radicaux en attendant, ce qui pesait le plus sur le cœur de l'Autriche, l'intermédiaire de la France, poursuivait son cours et aboutissait au résultat pacifique que nous avons fait connaître (Voy. France; Voy. aussi, pour les détails, le chapitre Suisse), et les susceptibilités du cabinet de Viennen'eurent pas le temps de se manifester autrement que par des paroles amères.

« Si la Prusse, disait un journal dévoué à l'Autriche, avait fait à Vienne et à Londres les mêmes ouvertures pacifiques qu'à Paris, il y a longtemps que l'affaire eût été réglée. »

En revanche, les deux puissances émules paraissaient mieux

suls. Toutes autres contestations seraient du ressort exclusif des consulats. En cas de décès d'un national du Zollverein en Perse, sa succession serait remise immédiatement à ses héritiers, et s'il mourait sans héritiers, elle serait mise à la disposition du consul.

La convention avec les îles Ioniennes, représentées par l'Angleterre, assimilait le Zollverein aux Etats les plus favorisés en ce qui concernait le commerce avec ces îles, sauf ratification de la convention par leur gouvernement.

D'après le dernier recensement (1855), l'association douanière présentait, pour l'ensemble du Zollverein, une population de 32,718,701 habitants. Depuis 1852, cette population s'était à peine accrue de 1/2 p. 0/0, tandis que dans les périodes antérieures, il y avait eu, de trois ans en trois ans, une augmentation de 3 p. 0/0 en moyenne. En 1855, c'était le royaume de Saxe qui avait présenté l'accroissement relativement le plus considérable.

Les revenus de l'association présentaient pour le premier trimestre de l'année courante les chiffres suivants. Les droits d'importation qui, pendant la période correspondante de 1856, avaient été de 4,277,700 thalers (16,041,375 fr.), s'élevèrent à 4,953,300 thalers (18,574,875 fr.). Les droits d'exportation qui, en 1856, avaient produit 44,200 thalers (165,750 fr.), avaient atteint 51,800 thalers (193,250 fr.). Enfin, les droits de transit avaient donné 61,200 (220,500 fr.), au lieu de 76,500 thalers, chiffre de 1856. L'augmentation sur les droits d'importation s'était surtout portée sur les eaux-de-vie de France, sur les fers forgés du même pays et de la Belgique, les fers conservés d'Espagne et d'Italie et les bestiaux de Suisse et d'Autriche. L'augmentation des droits d'exportation avait été particulièrement causée par les laines de Silésie expédiées en Russie, et par les céréales de Bavière et de Wurtemberg exportées en Suisse. Enfin, la conclusion de la paix expliquait la diminution des droits de transit. En effet, pendant la guerre d'Orient, les provinces septentrionales de la Prusse avaient servi d'entrepôts au commerce de la Russie avec le reste de l'Europe.

Les chemins de fer furent l'objet d'une grande impulsion,

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