Page images
PDF
EPUB

extraordinaires pour combler, au moyen des engagements, le déficit que les exonérations prononcées en vertu de la loi nouvelle devaient faire subir au contingent de la classe de 1855. Seulement, cet état de choses trouvait un tempérament dans la disposition qui attribue à la Commission supérieure la faculté d'élever ou d'abaisser, suivant les circonstances, le taux de la prime accordée aux rengagements et aux engagements après libération, ainsi que le taux de la prestation exigée des familles pour l'exonération des jeunes gens compris dans le contingent annuel. Au 1er avril de cette année, l'usage prudent que la Commission avait fait de cette prérogative, avait présenté des résultats de tout point favorables, comme en témoignaient les chiffres suivants :

Au 31 décembre de l'année écoulée (1856), le nombre total des exonérations prononcées avait été de 24,528.

Quant aux rengagements et aux engagements après libération, contractés durant les deux années 1855 et 1856, ils présentaient un chiffre de 44,443, soit 38,561 exonérations de sept

ans.

Le nombre des rengagements et des engagements excédait donc celui des exonérations de 1856, de 14,033 représentées par 16,457 rengagements et engagements. A cet excédant devaient venir s'ajouter ceux qui seraient contractés jusqu'en juin 1857. Du 1er janvier au 1er avril ils furent au nombre de 2,920 équivalant à 2,537 exonérations de sept ans. Il y avait donc un total de 19,377 rengagements correspondant à 16,570 exonérations à porter au compte des exonérations des contingents des années suivantes. Il y avait lieu dès lors d'espérer le maintien de l'équilibre sur le contingent de 1856 comme il l'avait été pour 1855, sans avoir besoin de recourir au remplacement par voie administrative.

La dernière partie du rapport de la Commission supérieure avait trait à un sujet intéressant, la situation de la caisse établie en vertu de la loi d'août, pour la dotation de l'armée. Le total général des recettes effectuées par cette institution s'élevait à la somme de 70 millions 471,609 fr. 83 c.

Ce résultat mettait la caisse en mesure de faire face à toute

les charges qui lui étaient imposées, consistant en particulier, dans les primes, hautes-payes et suppléments aux pensions de retraite.

Depuis le rétablissement de la paix, la question dominante en ce qui concernait l'armée était, pour le Gouvernement, de savoir comment, sans nuire à la sécurité intérieure et pour parer aux éventualités de la politique française au dehors, on maintiendrait nos troupes sur un pied suffisant, respectable, sans trop charger les finances de l'État.

L'Empereur avait, en quelques mots, posé la question dans le discours d'ouverture et, en même temps, indiqué les éléments de solution réduction des budgets de la guerre et de la marine, de manière à conserver les cadres, à maintenir une force militaire digne de la grandeur du pays. « C'est dans cette pensée, ajoutait Sa Majesté, que le contingent annuel avait été fixé à cent mille hommes... de vingt mille au-dessus de celui des appels ordinaires en temps de paix, mais d'après le système que j'ai adopté et auquel j'attache une grande importance, les deux tiers environ de ces conscrits ne resteront que deux ans sous les drapeaux, et formeront ainsi une réserve, qui fournira au pays, dès la première apparition du danger, une armée de plus de six cent mille hommes exercés. » Avec la netteté habituelle de sa parole, le chef de l'État avait ainsi énoncé un système destiné à répondre aux exigences à la fois militaires et financières du pays : une armée considérable sans doute, mais dont les deux tiers, simplement disponibles, et à titre de réserve, ne grèveraient point le budget. La question ainsi posée et circonscrite, allait se représenter devant le Corps législatif à l'occasion de l'appel de cent mille hommes sur la classe de 1857. L'Empereur l'avait luimême rappelé : le contingent annuel demandé par le Gouvernement avait été (1830-1848) fixé invariablement à quatre-vingt mille hommes. Toutefois, les nécessités de la guerre avaient fait porter, pour chacune des années 1853, 1854 et 1855, le contingent à cent quarante mille hommes. Le rétablissement de la paix en 1856 (V. l'Annuaire) avait permis de réduire ce chiffre de guerre à cent mille hommes. Aujourd'hui, aux termes du projet annoncé à l'ouverture de la session et soumis au Corps législatif,

le Gouvernement proposait d'adopter et de consacrer pour l'avenir ce chiffre de cent mille hommes, comme devant être normal et définitif. Quant aux motifs de cette proposition, outre les raisons capitales produites par l'Empereur, il y avait celles que l'exposé du projet puisait dans l'expérience, qui avait démontré qu'un contingent annuel de quatre-vingt mille hommes, avec le concours des engagements volontaires, ne produisait qu'un effectif de cinq cent mille hommes au plus. L'expérience avait également démontré que cette force de cinq cent mille hommes était à peine suffisante, dans les moments de crise, pour assurer l'ordre intérieur et la tranquillité du territoire. Il était clair dès lors, que l'augmentation de vingt mille hommes, demandée par le Gouvernement sur les quatre-vingt mille hommes habituels, produirait une force militaire de six cent mille hommes, où l'on trouverait en outre les éléments d'une réserve suffisante pour parer à tous les besoins que pourraient amener les circonstances. Toutefois, on comprend que, suivant la juste expression du rapporteur des conclusions de la Commission, M. Nogent SaintLaurens, un projet qui, malgré le rétablissement de la paix, augmentait au lieu de réduire le contingent annuel de l'armée, « produisit quelque émotion » au sein de la législature. Les explications fournies à la Commission elle-même devaient donc présenter un grand intérêt. Elles justifiaient par trois motifs principaux l'augmentation proposée.

Premier motif : la transition entre l'état de paix et l'état de guerre. Pendant la lutte toutes les réserves avaient été épuisées : les cadres s'étaient élargis ; les restreindre immédiatement, ce serait risquer de porter atteinte aux droits noblement acquis sur le champ de bataille.

Second motif: l'organisation même du nouveau système de réserve annoncé dans le discours impérial qui avait ouvert la session; seulement, on se demandait quel serait ce système, sur quelles bases il porterait. La Commission n'ayant pas encore reçu de communication à ce sujet, ne pouvait pas non plus fournir de renseignements positifs et détaillés. Ce n'était donc que sur des indications générales, insuffisantes selon le rapport, que l'on avait pu fournir quelques données à cet égard. En attendant,

il en résultait que l'accroissement du contingent annuel trouverait une compensation dans la diminution de la durée du service effectif, c'est-à-dire du temps que les jeunes soldats auraient à passer sous les drapeaux; ce qui assurément serait une innovation louable, puisqu'elle aurait pour conséquence une diminution de temps et d'argent. Seulement, il était aisé de voir aussi que ces hommes ainsi disponibles ne s'appartiendraient pas entièrement; que leur carrière resterait suspendue tant que l'État les pourrait appeler, dès que l'utilité d'une telle réquisition se ferait sentir. En fin de compte cependant, s'il fallait plus d'hommes, en revanche, pour la plus grande partie de l'effectif, le service serait plus court. Le nouveau système de réserve avait pour base fondamentale la libération des deux tiers environ des conscrits. Si ce n'était pas là un résultat écrit encore dans la loi, au moins le chef de l'Etat l'avait-il fait pressentir. L'objection tirée de ce que les jeunes soldats ne pourraient cependant se vouer à rien de définitif, était combattue par une argumentation qui n'était pas sans force: quoique exercés au maniement des armes, dressés aux exigences de la discipline, les conscrits n'auraient pas eu le temps d'oublier la terre, la charrue ou l'atelier. Ils reviendraient propres au travail, mais pourvus de l'instruction régimentaire et de l'éducation militaire. Tel était l'esprit du système de réserve annoncé par le chef de l'État.

Troisième et dernier motif justificatif du projet d'augmentation du contingent annuel, également invoqué par l'exposé et le rapport: il faut à la France, disait-on, une armée de six cent mille hommes pour maintenir son rang et sa situation en Europe, et, à l'appui de cette opinion, on se basait sur l'histoire du monde depuis trente ans.

Cet argument était-il décisif? Il était permis d'en douter. Il suffirait peut-être de faire observer que, les armées françaises ne fussent-elles point permanentes, au premier appel de la patrie,― - qui l'ignore ou l'a oublié? le sol de la France enfanterait surle-champ des libérateurs que la victoire aurait bientôt dressés.

Au surplus, le projet de loi qui appelait sous les drapeaux cent mille hommes sur la classe de 1857, fut adopté le 19 juin. On se rappelle qu'à raison de circonstances désormais historiques

autant qu'elles furent glorieuses pour la France, le contingent des quatre classes précédentes avait été, pour chacune d'elles, de cent quarante mille hommes; c'était, en conséquence, une réduction en faveur de la classe de 1857; mais, en réalité, la durée du service restant fixée à sept années, l'effectif serait porté à sept cent mille hommes. La loi du 19 juin mettait fin à l'appel extraordinaire de cent quarante mille hommes, motivé en particulier par la guerre d'Orient, et néanmoins, cette dernière loi constituait une force imposante, formidable, dont l'instruction serait complète, et qui, au premier sigual, pourrait accourir des points les plus éloignés du territoire. Mais, suivant les vues du chef de l'État, énoncées dans le discours d'ouverture de la session, le Gouvernement pourrait, jusqu'au jour où l'emploi de cette armée serait rigoureusement indispensable, laisser dans leurs foyers la meilleure portion des contingents. Il y aurait à cela une double économie, avantageuse au budget d'abord, puis à l'agriculture et à l'industrie qui pourraient utiliser ces bras ea attendant l'appel de la patrie.

Le Corps législatif ne devait pas être seulement appelé à dé terminer le contingent annuel de l'armée, il allait être bientôt saisi d'un projet de Code de justice militaire, en harmonie avecles mœurs d'une époque et d'un pays avant tout destinés, nonobstant de rares, quoique glorieuses exceptions, à vivre dans un état normal de paix et de civilisation, puisque l'une et l'autre marchent presque toujours de front. Depuis plus de cinquante ans, la réforme de la législation qui régit les armées était partout réclamée, autant dans l'intérêt de l'humanité, que faisaient souffrir des lois draconiennes n'ayant aucune raison d'être, que dans celui d'une bonne administration de la justice. Le projet sur lequel la législature était appelée à délibérer constituait, ainsi que l'indiquait son titre, toute une codification destinée à synthétiser le chaos des dispositions législatives et réglementaires qui jusqu'alors avaient régi cette matière. Déjà le ministre de la guerre avait présenté à l'Empereur le travail concerté entre lui et M. Victor Foucher, rapporteur de la Commission chargée précédemment de l'élaboration d'un Code de justice militaire; en même temps, le maréchal Vaillant avait proposé à Sa Majseté,

« PreviousContinue »