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HISTORIQUE UNIVERSEL

POUR 1857.

PREMIÈRE PARTIE.

HISTOIRE DE FRANCE.

CHAPITRE PREMIER.

Ouverture de la session : Discours de l'Empereur. Ce document resume parfaitement la situation au dehors comme à l'intérieur.-Allocution de M. Schneider, vice-président du Corps législatif. Aperçu de la politique extérieure d'après le discours de l'Empereur Le traité de Paris, difficultés d'exécution. Nouvelle Conférence: Note du Moniteur à ce sujet. Questions de la délimitation des frontières, de l'évacuation du territoire ottoman par les troupes alliées; résolutions de la Conférence à cet égard. -Les Principautés : convocation des Divans; la Porte pèse sur les élections. Représentations de la France à ce sujet, portées également devant la Conférence.

Autre débat international: le conflit helvético-prussien: Note du Moniteur sur cette question. La Conférence de Paris évoque devant elle le conflit; ses propositions: négociations nouvelles. Influence du gouvernement français en Suisse, par ses représentations; à Berlin par le Voyage du prince Napoléon dans cette capitale. Nouvelle Note du Moniteur. Conditions du traité entre les puissances contendantes: message du conseil fédéral suisse à cet égard et commentaire du Moniteur prussien. Question agitée dans le Parlement anglais : La France avait-elle conclu avec l'Autriche un traité secret de garantie des possessions autrichiennes en Italie ? Curieux débats entre lord Palmerston et M. Disraéli. — Nouvelle Note du Moniteur sur la politique étrangère, en particulier sur la question des Principautés. Encore les élections moldaves : leur annulation. Convention de commerce entre la France et la Perse. Réception de l'ambassadeur Ferroukh-Khan aux Tuileries. Réponse de

1857.

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l'Empereur au discours de ce diplomate. Conventions de commerce avec l'Angleterre au sujet de Portendic et de Terre-Neuve.

Visite du roi de Bavière et de l'archiduc Constantin de Russie à la cour des Tuileries.

Le Corps législatif, convoqué pour le 16 février, entrait dans la dernière année de son existence. Le discours de l'Empereur, prononcé à l'occasion de l'ouverture de cette session, résumait d'une manière assez précise la situation au dehors et à l'intérieur pour que nous puissions faire de ce document le point de départ de cette période historique.

« L'année dernière, dit Sa Majesté, mon discours d'ouverture se terminait par une invocation à la protection divine: je lui demandais de guider nos efforts dans le sens le plus conforme aux intérêts de l'humanité et de la civilisation; cette prière semble avoir été entendue. >>

Après ce solennel et juste exorde, l'Empereur annonçait que la paix signée, les difficultés qu'entraînait l'exécution du traité de Paris avaient fini par être heureusement surmontées; que le conflit engagé entre le Roi de Prusse et la Confédération helvétique avait perdu tout caractère belliqueux et qu'il était permis d'espérer bientôt une solution favorable; que l'entente rétablie entre les trois puissances protectrices de la Grèce rendait désormais inutile la prolongation du séjour des troupes anglaises et françaises au Pirée; que si un désaccord regrettable s'était élevé au sujet des affaires de Naples, il fallait encore l'imputer à ce désir qui animait également le gouvernement de la Reine Victoria et le sien, d'agir partout en faveur de l'humanité et de la civilisation.

Après ce rapide coup d'œil jeté sur la politique extérieure, Napoléon III ajoutait qu'aujourd'hui que la meilleure intelligence régnait entre toutes les grandes puissances, on devait travailler sérieusement à régler et à développer à l'intérieur les forces et les richesses de la nation. « Nous devons lutter, disait Sa Majesté, contre les maux dont n'est pas exempte une société qui progresse. La civilisation, quoiqu'elle ait pour but l'amélioration morale et le bien-être matériel du plus grand nombre, marche, il faut le reconnaître, comme une armée. Ses victoires

ne s'obtiennent pas sans sacrifices et sans victimes: ces voies rapides qui facilitent les communications, ouvrent au commerce de nouvelles routes, déplacent les intérêts et rejettent en arrière les contrées qui en sont encore privées; ces machines si utiles, qui multiplient le travail de l'homme, le remplacent d'abord et laissent momentanément bien des bras inoccupés; ces mines qui répandent dans le monde une quantité de numéraire inconnue jusqu'ici, cet accroissement de la fortune publique qui décuple la consommation, tendent à faire varier et à élever la valeur de toutes choses; cette source inépuisable de richesses qu'on nomme crédit, enfante des merveilles; et cependant l'exagération de la spéculation entraîne bien des ruines individuelles. De là la nécessité, sans arrêter le progrès, de venir en aide à ceux qui ne peuvent suivre sa marche accélérée.

« Il faut stimuler les uns, modérer les autres, alimenter l'activité de cette société haletante et inquiète, qui, en France, attend tout du Gouvernement, et à laquelle cependant il doit opposer les bornes du possible et les calculs de la raison. Éclairer et diriger, continuait l'Empereur, voilà notre devoir. »

Toutefois le chef de l'État constatait la prospérité du pays: le progrès, nonobstant guerre et disette; l'excédant de 50 millions (chiffre de 1856) du produit de l'impôt indirect, «qui est le signe certain de la richesse publique, » sur celui déjà si exceptionnel de 1855. « Depuis le rétablissement de l'Empire, ces revenus s'étaient accrus d'eux-mêmes de 200 millions, abstraction faite des impôts nouveaux. « Néanmoins, Sa Majesté le remarquait, il y a une grande souffrance dans une partie du peuple, et taut que la Providence ne nous enverra pas une bonne récolte, les millions donnés par la charité privée et par le Gouvernement ne seront que de faibles palliatifs. »

Après avoir dit qu'il fallait porter remède à des maux audessus de la prévoyance humaine, et rappelé que plusieurs départements avaient été atteints par le fléau de l'inondation, l'Empereur exprimait l'espoir que la science parviendrait à dompter la nature.

« Je tiens à honneur qu'en France les fleuves, comme la révolution, rentrent dans leur lit, et qu'ils n'en puissent plus sortir. >>

Autre remarquable observation du discours impérial, c'est qu'une cause de malaise non moins grave résidait dans les esprits. Une crise survenait-elle, il n'était sorte de faux bruits ou de fausses doctrines que l'ignorance ou la malveillance ne propageassent. On était mème « parvenu à inquiéter l'industrie nationale, comme si le Gouvernement pouvait vouloir autre chose que son développement et sa prospérité. « Aussi, disait avec une haute raison l'Empereur, le devoir des bons citoyens est de répandre partout les sages doctrines de l'économie politique, et principalement de fortifier ces cœurs vacillants qui, au premier souffle, je ne dirai pas de la mauvaise fortune, mais au moindre temps d'arrêt de sa prospérité, sèment le découragement et augmentent le malaise par leurs alarmes imaginaires. »

Ces sages prémisses posées, Napoléon III annonçait sa résolution de réduire les dépenses sans suspendre les grands travaux, sans compromettre les existences acquises; de diminuer certains impôts, sans porter atteinte aux finances de l'État.

Autre communication importante, à savoir que le budget de 1858 serait présenté en équilibre; que le produit des emprunts suffirait pour solder les frais de la guerre. Tous les services pourraient être assurés sans avoir besoin de recourir de nouveau au crédit public. On réduirait les budgeis de la guerre et de la marine dans de justes limites, de manière à conserver les cadres, à respecter les grades si glorieusement gagnés, et à maintenir une force militaire digne de la grandeur du pays. C'était dans cette pensée que le contingent annuel avait été fixé à cent mille hommes, vingt mille de plus que celui des appels ordinaires en temps de paix. Seulement, dans ce système, les deux tiers environ de ces conscrits ne resteraient que deux ans sous les drapeaux et formeraient ensuite une réserve qui fournirait au pays, a dès la première apparition du danger, une armée de plus de six cent mille hommes; » la réduction dans l'effectif permettrait d'améliorer la solde des grades inférieurs et de la troupe, mesure que la cherté des subsistances rendait indispensable. Par la même raison, le budget allouait cinq millions pour commencer l'augmentation des plus faibles traitements d'une partie des petits employés civils. Il y aurait aussi une allocation pour l'éta

blissement des paquebots transatlantiques. On supprimerait, à partir du 1er janvier 1858, le nouveau décime de guerre pour les droits d'enregistrement; ce serait un sacrifice de 23 millions, mais en compensation, et conformément au vœu plusieurs fois exprimé par le Corps législatif, l'Empereur faisait étudier l'établissement d'un nouveau droit sur les valeurs mobilières.

Le discours impérial appelait ensuite l'attention sur une loi tendant à fertiliser les landes de Gascogne; sur un projet qui mettrait en harmonie avec les autres institutions les lois militaires rendues depuis 1790, à savoir, un code pénal destiné à régir cette matière.

L'Empereur terminait en remerciant les députés du concours dévoué et actif qu'ils lui avaient prêté depuis 1852.

« Vous avez proclamé l'Empire, vous vous êtes associés à toutes les mesures qui ont rétabli l'ordre et la prospérité dans le pays; vous m'avez énergiquement soutenu pendant la guerre; Vous avez partagé mes douleurs pendant l'épidémie et pendant la disette; vous avez partagé ma joie quand le ciel m'a donné une paix glorieuse et un fils bien-aimé. Votre coopération loyale m'a permis d'asseoir en France un régime basé sur la volonté et les intérêts populaires. C'était une tâche difficile à remplir et pour Jaquelle il fallait un véritable patriotisme, que d'habituer le pays à de nouvelles institutions. Remplacer la licence de la tribune et les luttes émouvantes qui amenaient la chute ou l'élévation des ministères, par une discussion libre, mais calme et sérieuse, était un service signalé rendu au pays et à la liberté même; car la liberté n'a pas d'ennemi plus redoutable que les emportements de la passion et la violence de la parole.

> Fort du concours des grands corps de l'État et du dévouement de l'armée; fort surtout de l'appui de ce peuple qui sait que tous mes instants sont consacrés à ses intérêts, j'entrevois pour notre patrie un avenir plein d'espoir.

» La France, sans froisser les droits de personne, a repris dans le monde le rang qui lui convenait, et peut se livrer avec sécurité à tout ce que produit de grand le génie de la paix. Que Dieu ne se lasse point de la protéger, et bientôt l'on pourra dire de notre époque ce qu'un homme d'État, historien illustre et natio

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