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représentant, Ferruk-Khan, un traité à l'instar de ceux qu'elle avait stipulés avec la France et la Grande-Bretagne.

Toutes ces questions, la plupart portées à la tribune, n'occupèrent pas exclusivement les représentants du pays. D'impor tantes lois d'intérêt civil sollicitèrent leur activité. Et d'abord l'instruction publique : les évêques ayant protesté contre le précédent projet qui, voté par la Chambre des députés, fut rejeté par le Sénat. L'opposition du haut clergé était fondée sur ce que le projet dont il s'agissait, plaçait sous la surveillance de l'Etat tous les établissements d'instruction indistinctement. Un nouveau projet, conçu dans un esprit moins absolu, fut présenté au Parlement au début de la session. Il suffit d'en énoncer la disposition fondamentale pour en expliquer l'adoption. Aux termes de l'article 1, le ministre réglerait l'enseignement public et surveillerait l'enseignement privé. Il ne s'agirait plus que de classer exactement les divers établissements. C'est dans la catégorie des institutions privées que furent rangées les corporations, et la loi fut votée. Après l'enseignement, ce qui par plus d'un lien s'y rattache, nous voulons parler de la législation criminelle. Certaines dispositions du code pénal étaient en désaccord avec les progrès des mœurs, on songea à les réformer: abolition de la peine de mort en matière politique, en exceptant toutefois les attentats à la personne des membres de la famille royale; abolition de cette peine pour vol de vases sacrés; elle ne serait d'ailleurs plus appliquée que lorsque la mort, résultat du crime, aurait été immédiate. La peine draconienne des travaux forcés, en cas de blasphème, ferait place désormais à l'emprisonnement pur et simple. Enfin, innovation considérable : l'admission des circonstances atténuantes, telles furent les modifications introduites par les Chambres en matière pénale. Sur d'autres points, dans la législation commerciale, ce fut la limitation du taux de l'intérêt qui appela la sollicitude du Gouvernement et des Chambres. La question était grave: M. de Cavour la trancha avec la netteté d'esprit qui lui était habituelle: pourquoi limiterait-on, disait-il, le rapport de l'argent sous une des formes de la production, puisqu'il était libre partout ailleurs? Si ce raisonnement n'était pas décisif, il était ingénieux. Peut-être suffisait-il de ré

primer les abus reconnus de cette liberté, car la limitation de l'intérêt pouvait avoir des inconvénients dans une société dont l'élément vital serait bientôt le commerce ou l'industrie. Toutefois la loi ne passa qu'à une faible majorité : 71 voix contre 62. D'autres lois importantes eurent pour objet d'accroître la prospérité matérielle du pays, par exemple celle qui avait pour objet la création du chemin de fer qui parcourrait la Ligurie, en partant des frontières du Var et débouchant aux frontières de la principauté d'Este; enfin, la loi qui décidait, projet grandiose,la perforation du mont Cenis. Incontestables étaient les avantages de cette entreprise. M. de Cavour ne reculait pas devant les sacrifices qu'elle imposerait à l'Etat. « Il en faut subir les chances, disait-il; car notre principal commerce est avec la France. La sixième partie seulement de l'exportation du riz piémontais sur le marché de Lyon prend la voie de terre; le reste passe par Gênes et Marseille. Immense détour! disait le ministre. Mais le Gouvernement se chargerait-il seul de l'entreprise? Il y eut des orateurs pour le demander; le ministère n'eût pas osé s'aventurer jusque-là. Une compagnie (raison sociale: Victor-Emmanuel) se présenta avec des offres convenables, sauf le concours de l'État dans une certaine mesure, et le projet passa dans les deux Chambres.

Elles n'avaient pas encore terminé leurs travaux quand éclata le complot dit de Gênes, qui eut un si grand retentissement, mais dont les proportions ne répondaient guère au bruit qu'on en fit en Italie et au dehors. Mais il est clair, que si les conjurés avaient eu quelque succès, l'insurrection, où l'on crut voir la pensée et le bras de Mazzini, aurait eu de vastes ramifications et des conséquences dont il serait difficile de calculer la portée. En fait, c'est à Gênes, le 29 juin, que cette tentative eut lieu. Des réponses mêmes des ministres aux explications demandées dans la Chambre des députés, il résultait que la faible garnison (13 hommes) d'un petit fort (appelé del Diamante) s'était laissé surprendre. Le Gouvernement avait été prévenu par des avis de Londres et de Paris: il s'empara au même moment des insurgés, et l'entreprise avorta. Ce qu'il y avait de remarquable, c'est que le complot qui aurait eu pour objet, selon Mazzini (dans l'Italia

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primer les abus reconnus de cette liberté, car la limitation de l'intérêt pouvait avoir des inconvénients dans une société dont l'élément vital serait bientôt le commerce ou l'industrie. Toutefois la loi ne passa qu'à une faible majorité : 71 voix contre 62. D'autres lois importantes eurent pour objet d'accroître la prospérité matérielle du pays, par exemple celle qui avait pour objet la création du chemin de fer qui parcourrait la Ligurie, en partant des frontières du Var et débouchant aux frontières de la principauté d'Este; enfin, la loi qui décidait, projet grandiose,la perforation du mont Cenis. Incontestables étaient les avantages de cette entreprise. M. de Cavour ne reculait pas devant les sacrifices qu'elle imposerait à l'Etat. « Il en faut subir les chances, disait-il; car notre principal commerce est avec la France. La sixième partie seulement de l'exportation du riz piémontais sur le marché de Lyon prend la voie de terre; le reste passe par Gênes et Marseille. Immense détour! disait le ministre. Mais le Gouvernement se chargerait-il seul de l'entreprise? Il y eut des orateurs pour le demander; le ministère n'eût pas osé s'aventurer jusque-là. Une compagnie (raison sociale: Victor-Emmanuel) se présenta avec des offres convenables, sauf le concours de l'État dans une certaine mesure, et le projet passa dans les deux Chambres.

Elles n'avaient pas encore terminé leurs travaux quand éclata le complot dit de Gênes, qui eut un si grand retentissement, mais dont les proportions ne répondaient guère au bruit qu'on en fit en Italie et au dehors. Mais il est clair, que si les conjurés avaient eu quelque succès, l'insurrection, où l'on crut voir la pensée et le bras de Mazzini, aurait eu de vastes ramifications et des conséquences dont il serait difficile de calculer la portée. En fait, c'est à Gênes, le 29 juin, que cette tentative eut lieu. Des réponses mêmes des ministres aux explications demandées dans la Chambre des députés, il résultait que la faible garnison (13 hommes) d'un petit fort (appelé del Diamante) s'était laissé surprendre. Le Gouvernement avait été prévenu par des avis de Londres et de Paris: il s'empara au même moment des insurgés, et l'entreprise avorta. Ce qu'il y avait de remarquable, c'est que e complot qui aurait eu pour objet, selon Mazzini (dans l'Italia

del popolo), d'aller appuyer Pisacane dans son expédition contre Naples, avait pris pour point de départ une ville piémontaise, Gènes, dont on aurait fait servir les navires et les munitions. Une autre raison pouvait expliquer le choix de cette cité par Mazzini: c'est qu'il était né dans cette ville où il avait fait aussi ses débuts au barreau italien. Ajoutez, qu'il dut songer à mettre à profit le mécontentement que causait à sa ville natale la loi de translation de l'arsenal maritime à la Spezia. Quel que fût le dessein de M. Mazzini, la partie était encore perdue pour lui cette fois, et il réussit à quitter Gènes quand l'échec ne fut plus douteux. C'est presque simultanément qu'eut lieu par deux frégates napolitaines la capture du Cagliari, navire monté par Pisacane et les hommes associés à son entreprise. Naples accusa le Gouvernement sarde, d'avoir eu vent de l'expédition et de n'avoir rien fait pour l'empêcher. Réponse de M. de Cavour (14 août); elle était digne de son caractère. Elle était adressée au chargé d'affaires par intérim, M.,Gropallo, qu'il chargea de restituer au ministre des affaires étrangères du Roi de Naples (M. Carafa) la Note qui renfermait ces insinuations que M. de Cavour qualifiait de malveillantes, et qui non-seulement étaient peu conformes au langage diplomatique, mais encore ne pouvaient être considérées que comme offensantes pour le gouvernement du Roi. Cette altitude du Piémont était significative, et le ministre de S. M. sicilienne le comprit; aussi bien retira-t-il la Note dont M. de Cavour s'était plaint si énergiquement, Le Gouvernement napolitain consentit au renvoi de ceux des passagers sardes qui ne pouvaient pas être considérés comme des conjurés; mais de son côté il demanda l'expulsion d'un certain nombre de réfugiés des DeuxSiciles.

Le Gouvernement napolitain avait-il eu le droit de poursuivre le Cagliari et de le capturer au delà de la juridiction territoriale des Deux-Siciles ? Telle était la question que se posait le comte de Clarendon (Dépêche à sir Hudson, 29 décembre), et c'est dans ces termes qu'il invitait l'agent du foreign-office à la poser au comte de Cavour. Si ce dernier entendait faire des objections à la conduite tenue en cette occasion par les officiers du Roi de Naples, l'organe du cabinet britannique ne semblait pas disposé

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