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priétaires les frais de l'endiguement, l'Etat ne prenant part à la dépense qu'à titre de secours, Le projet de 1842 avait précisément en vue d'établir une plus équitable répartition entre le Gouvernement et la propriété riveraine. Depuis, des décrets repdus suivant les circonstances, avaient également tenté de suppléer au silence d'une loi générale, désormais nécessaire.

Le titre III (Des cours d'eau non navigables et non flottables) comprenait deux chapitres, dont le premier traitait du pouvoir réglementaire de l'administration sur les cours d'eau non navigables et non flottables. Ce pouvoir était défini par les lois du 22 décembre 1789, 16 octobre 1791, 14 floréal an I, 16 septembre 1807. Mais résultait-il de leurs dispositions que toute entreprise sur ces cours d'eau, tout établissement d'usine, seraient frappés d'illégalité à défaut d'autorisation, comme sur les rivières navigables ou flottables. L'affirmative résultait de la jurisprudence du conseil d'Etat. Le rapport émettait le vœu, et avec raison, de voir cette jurisprudence passer dans la législation.

D'autre part l'administration se réservait le droit de retrait des concessions, sans indemnité. Faculté exorbitante aux yeux des auteurs du projet.

L'autre chapitre : Du curage des rivières non navigables ni flottables, rappelait que le décret de décentralisation du 25 mars 1852 rangeait cet objet parmi les affaires sur lesquelles les préfets statueraient sans en référer à l'autorité centrale. Toutefois, lorsque le curage exigerait des expropriations de terrains, elles auraient lieu dans l'esprit du projet, en se conformant à la loi du 21 mai 1836 sur les chemins vicinaux.

Deux chapitres composaient le titre IV: Des eaux pluviales et des sources; l'un portait sur la première partie de ce titre. La jurisprudence était faite sur la propriété des eaux pluviales. Mais que devait-on décider à l'égard des torrents? Ferait-on comme le code sarde, les rangerait-on dans le domaine public, ou bien conférerait-on aux autorités administratives les mêmes droits de réglementation et de police sur les torrents que sur les rivières non navigables et non flottables? Le projet inclinait vers cette dernière solution.

Quant au chapitre 11: Des sources, il tendait à exprimer le vœu d'une plus grande précision à introduire dans les textes relatifs à la propriété des sources. On formulerait ainsi la solution. de ces questions: si la propriété où nait la source venait à être divisée en plusieurs parcelles par des ventes ou des partages, aucun changement ne serait apporté à l'état des lieux, à moins de stipulations contraires, et l'on appliquerait les principes relatifs aux servitudes fondées sur la destination du père de famille. Les droits du propriétaire seraient les mêmes, quand bien même la source servirait à alimenter une rivière navigable ou flottable. Mais cette jouissance absolue ne pourrait être réclamée au profit des fonds inférieurs.

Le titre V Des eaux stagnantes, traitait des marais (chapitre 1); des étangs et des rizières (chapitre 11); du drainage (chapitre 1).

Quant aux marais, les auteurs du projet proposaient de refondre entièrement la loi de 1807 qui les régissait. « Plus de la moitié des départements de la France est infectée par des marais dont la contenance varie de mille à quarante mille hectares (sic dans le rapport) par département. Il y a donc un intérêt de premier ordre engagé dans cette question. La coopération active de l'Etat et les ressources du Trésor dans une juste propor tion ne sauraient être mieux employées qu'à délivrer le pays de ce fléau. » Ainsi s'exprimait le rapport. Le gouvernement conserverait la faculté à lui attribuée par la loi de 1807 (article 1), d'ordonner les desséchements utiles ou nécessaires, en suivant les formalités qu'indiquait le projet. Mais le législateur d'alors n'avait point prévu le cas où la majorité des propriétaires des marais demanderait spontanément le desséchement. La minorité pourrait-elle s'y opposer?

On proposait à cet égard de faire revivre le principe posé dans l'édit d'Henri IV, en date du 8 avril 1599: « D'autant, y est-il >> dit, que plusieurs palus ou marais appartenant en commun à >> divers propriétaires, ou se trouvant meslez ou enclavez les » uns parmy les aultres, qu'il serait impossible aux dits pro» priétaires de les dessécher, sinon conjointement et d'une » mesme opération... Voulons et ordonnons que, où les dits

> propriétaires seraient de différents avis pour le fait dudit des» séchement, la voix des propriétaires ayant la plus grande » partie des marais emporte celle de la moindre part. >>

Telles étaient donc les lacunes de la législation, qu'il fallait remonter à un édit du commencement du seizième siècle pour régir cette matière. Seulement, pour sauvegarder les droits de la minorité, on appliquerait en outre les règles relatives au concours forcé des propriétaires aux travaux d'intérêt commun. De plus, on exempterait d'impôt, pendant vingt-cinq ans, les marais desséchés.

Le chapitre 11, Des étangs et rizières, constatait tout d'abord un fait fâcheux, c'est que partout où une spéculation désastreuse avait multiplié les étangs, la constitution des habitants s'était altérée, et que la durée moyenne de leur existence avait été considérablement diminuée. Si aucune loi n'interdisait expressément la formation des étangs, en revanche l'autorité administrative avait le droit (loi du 11 septembre 1792) d'en ordonner le desséchement lorsque leur existence pouvait compromettre la santé des hommes ou la conservation des animaux. Les auteurs du projet estimaient que l'on pourrait généraliser, pour tous les cas analogues, la procédure sommaire établie (V. Ann. 1856) pour le desséchement des étangs du département de l'Ain, ou des servitudes nombreuses avaient créé une sorte d'indivision entre les ayants droit et la propriété.

Autre cause d'infection : les rizières. Elles ne pourraient en conséquence être autorisées que par le préfet, et après une enquête administrative sur les mesures à prendre pour atténuer l'influence pernicieuse de cette culture.

Le drainage formait le chapitre Iv de ce titre. A cette occasion, les auteurs du projet, après avoir rappelé les lois du 10 juin 1854 et du 17 juillet 1856 (V. les Annuaires), se demandaient si, dans l'état de morcellement où se trouvait la propriété rurale, le refus de concours de plusieurs propriétaires profitant gratuitement des travaux d'autrui, et recevant même une indemnité pour le passage des eaux, ne serait pas un obstacle au développement du drainage. Peut-être paralyserait-on ce mauvais vouloir en prenant en considération, dans la fixation de

l'indemnité, la plus value qu'acquerrait le fonds servant. Au surplus, on donnerait place dans le Code rural à la loi du 10 juin 1854.

Le titre V, De la compétence, terminait le projet soumis à l'Empereur, pour être reporté au Sénat. La jurisprudence ayant étendu d'une manière presque indéfinie l'action des conseils de préfecture spécifiée en principe dans la loi du 28 pluviose an viii, il résultait de cette extension excessive une confusion qu'il importait de faire cesser; c'est ce que demandaient, sans en indiquer précisément les moyens, les auteurs du projet, qui devait être suivi d'un troisième et dernier rapport. Un crédit de cent millions a été voté l'année dernière pour propager le drainage; les encouragements que l'irrigation recevrait à son tour, compléteraient cette grande mesure. « Votre Majesté, portait le rapport, a prononcé naguère ces mémorables paroles, que la France a recueillies avec bonheur : « Les progrès de l'agriculture doi» vent être un des objets de notre constante sollicitude; car de » son amélioration ou de son déclin datent la prospérité ou la » décadence des empires. » La réforme de la législation rurale répond à cette noble pensée. Le Sénat est heureux d'en avoir pris l'initiative. »

La sollicitude des pouvoirs publics pour l'agriculture douna lieu à la présentation, puis à l'adoption d'un projet de loi ayant pour objet la mise en culture des landes de Gascogne: plus de 600,000 hectares de terre. Cette grande entreprise serait faite aux frais des communes propriétaires des terrains actuellement soumis au parcours (art. 1), et aux frais de l'Etat, qui se rembourserait sur les coupes et exploitation, dans le cas d'impossibilité ou de refus de la part des communes (art. 2). Les autres dispositions de la loi (V. Appendice) avaient pour objet l'application du principe posé dans ces deux premiers articles. Le Corps législatif adopta à la presque unanimité (25 mai) le projet de loi tel qu'il était sorti des délibérations du conseil d'Etat et de la Commission. Toutefois il avait donné lieu à la critique d'un honorable membre, M. de Viard, qui eût voulu qu'on chargeât de ces travaux l'industrie privée. Il estimait qu'on devait procéder d'une tout autre manière pour donner à l'agriculture

des encouragements utiles: répandre l'instruction agricole, rémunérer honorifiquement et pécuniairement les agriculteurs qui feraient progresser leur art.

Conséquent avec son point de départ, M. de Viard demandait qu'en cas d'impossibilité de la part des communes de procéder aux travaux de défrichement, elles fussent tenues de traiter avec des particuliers ou avec des sociétés, soit à prix d'argent, soit en abandonnant une portion du sol sur lequel les travaux auraient été exécutés. Le même orateur avait présenté sur l'article 4 un autre amendement, aux termes duquel les communes ne pourraient être forcées de vendre. Ce qui avait paru contradictoire au rapporteur des conclusions de la Commission, M. de Saint-Germain : « Si, disait cet honorable membre, aux termes du premier amendement les travaux étaient exécutés par des particuliers ou des sociétés, les communes perdraient une partie de leur sol; ce qui tombait précisément sous le coup du second amendement, la défense d'aliéner.» Réplique de M. Viard Demander de conserver aux communes la propriété des terres qu'elles pouvaient mettre en culture et leur permettre de vendre le reste n'impliquait pas contradiction.

Pour prévenir les entreprises exagérées, le projet adopté limitait, ce que n'avait pas fait le projet primitif, à six millions les engagements du Trésor (art. 2, § 2).

On pouvait sans doute faire des objections à l'économie de la loi qui venait régler cette matière, préférer à l'intervention ou à l'initiative de l'Etat celle des particuliers ou des communes, bien qu'en France on ne sache pas, comme dans d'autres pays, se passer du concours de l'autorité centrale, par cela même nécessaire: mais la loi qui avait en vue l'assainissement de deux départements, était un bienfait pour eux, en même temps qu'elle assurait du travail à de nombreux ouvriers. Ajoutez le développement des voies de communication écrit dans l'article 6, portant que des routes agricoles destinées à desservir les terrains exploités seraient exécutées aux frais du Trésor public. En somme, le vote du Corps législatif réalisait une amélioration que le chef de l'Etat avait particulièrement à cœur.

Le Corps législatif adopta (27 mai) un autre projet de loi qui

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