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pays. Cette mesure avait atteint son but, donc elle se justifiait par elle-même. Le Gouvernement eût voulu à cette occasion modifier tout d'abord l'acte de 1844 en ce sens, que dans certains cas le chancelier de l'Echiquier pourrait élargir les moyens d'action de la Banque, sauf à en référer tout aussitôt au Parlement. Mais il s'était ravisé et avait préféré saisir de la question dans sa généralité, le comité déjà chargé de faire une enquête sur les effets du bill de 1844, et sur les actes des banques d'Irlande et d'Ecosse. Ce comité étendrait en particulier ses recherches aux causes de la gêne commerciale. Sur ce, amendement de M. Disraeli portant que la chambre était d'avis qu'il n'y avait pas besoin d'une nouvelle enquête sur l'influence exercée par l'acte de la Banque de 1844. » L'auteur de cet amendement se fondait sur ce que l'adoption de la motion du Chancelier fermerait la bouche à la législature pour un temps indéfini. Utile serait une enquête commerciale, mais joindre à cela la question des billets de banque ne conduirait qu'à une perte de temps. Toutefois une majorité de 178 voix donna raison au Gouvernement (Chambre des Communes, 11 décembre). Quant au bill d'indemnité ce vote même en présageait l'adoption qui était d'ailleurs dans les nécessités du moment. Il serait superflu de s'étendre sur les causes de la gêne qui, dans ces derniers temps, pesa sur la classe ouvrière. Elle ne pouvait pas manquer de coincider avec la crise financière, ces deux faits étant nécessairement connexes. Malheureusement la grève des ouvriers fut accompagnée des scènes regrettables qui caractérisent presque toujours l'absence du travail. En Irlande un ministre du nom de Hanna ayant tenté de ranimer les passions religieuses en entreprenant des prédications en plein vent, l'administration en présence de collisions imminentes, et dans un moment assurément inopportun, prit sur elle, par l'envoi de troupes et par la proclamation du Riot act (9 septembre), d'empêcher les choses d'aller plus loin.

A

Un résumé statistique intéressant, comprenant la période de 1842-1856, et publié cette année, évalue à 29 millions ou à peu près la population du Royaume-Uni, bien que l'émigration lui ait enlevé plus de 2 millions de ses natifs.

Les exportations avaient également sulvi une marche croissante. En 1842, 47 millions 284,988 liv. st.; en 1856, 116 millions même monnaie. Diminution aussi du chiffre des pauvres secourus par le public. En Irlande (fait significatif) le nombre en était descendu de 307,970, chiffre de 1849, à 56,094. Seulement il importe de tenir compte des vides faits par l'émigration.

CHAPITRE XV.

ÉTATS-UNIS.

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:

M. Buchanan succède à M. Franklin Pierce dans la présidence. Discours qu'il prononce à cette occasion. Composition du cabinet présidentiel. Situation au dehors et à l'intérieur le traité Dallas-Clarendon et la question du Honduras. Démêlés avec la Nouvelle-Grenade; leur solution. L'esclavage dans l'Ohio et dans le Kansas. Politique du président dans cette conjoncture; lettre qu'il adresse en réponse aux reproches des abolitionistes. Nomination de M. Walker au gouvernement du Kansas; son manifeste. - Les Mormons leur attitude vis-à-vis de l'Union. M. Drummond et Brigham Young. Ce dernier résiste à l'envoyé du gouvernement fédéral. Curieux détails. Mesures prises par le président pour réduire l'Utah. Crise commerciale et financière ses causes et son caractère. Désastres inouïs : les banques, les chemins de fer. Mesures adoptées pour conjurer les conséquences de la crise. Le chômage des ouvriers; le maire de New-York. L'ordre renaît. Encore le Kansas: démission du gouverneur qui refuse de fausser les élections, Message du Président et rapport des divers secrétaires d'Etat sur les revenus publics.

M. Buchanan allait succéder à M. Franklin Pierce, mais le Congrès était réuni, et c'est à lui que le Président sortant fit ses adieux (31 décembre 1856).

La politique ne chôma pourtant point durant cet interrègne de la présidence. Des questions assez graves s'agitèrent soit au sein, soit en dehors de l'enceinte des représentants du pays. A ce moment la Cour suprême était appelée à se prononcer sur la condition de l'esclave, à propos du nègre Dred Scot vendu à un individu qu'il suivit de Saint-Louis du Missouri dans des localités intermédiaires entre les Etats libres et les Etats à esclaves. Arrivé à Saint-Louis, Dred s'appuyant sur le compromis du Missouri, actuellement en vigueur, demanda à son maître de lui vendre sa liberté. Rejet de la demande, et sur ce, action de la part du demandeur qui argumente de son séjour sur territoire

libre. Et suivant l'éternel usage en fait de procès, la question était encore à juger. Or, quelle était cette question : ramenée aux termes les plus simples, elle consistait à savoir: 1o préjudiciellement, si ce droit de séjour dans un Etat libre suffisait à conférer la liberté. Le droit naturel, l'humanité répondaient affirmativement. Mais la solution menaçait d'être toute différente; 2o ce qui n'était qu'un corollaire de la solution de la précédente question : le maître qui avait quitté un Etat à esclaves conservait-il dans l'Etat libre ses droits sur cette chose humaine qu'il avait conquise? Enfin, problème très-important : l'esclave affranchi devenait-il citoyen? On comprend tout d'abord à quel point ces questions d'état durent passionner les esprits. Néanmoins, elles étaient sans solution quand le scrutin présidentiel les vint réveiller et leur imprimer plus de vivacité que par le passé. Saisie du procès par les abolitionistes, la Cour suprême de l'Union débouta Dred de sa demande. Motifs : 1o Le nègre n'est pas citoyen, aux termes du droit fédéral; 2o le maître peut ad libitum affranchir ou retenir dans la servitude son esclave. Les tribunaux sont incompétents à cet égard; 3o mais le séjour dans un Etat libre? argument sans portée selon la Cour; le Congrès est sans droit aucun pour abolir ou maintenir l'esclavage sur un territoire; 4° enfin (la conséquence résultait de ces prémisses), qu'il appartienne au Nord ou au Midi, le citoyen peut se faire suivre de sa propriété partout où il juge convenable de s'établir. Arrêt cruel, et confirmatif du bill dit de Nebraska et Kansas qu'il étendait à outrance. Bien entendu, qu'il ne tenait nul compte du compromis dit du Missouri. Ainsi, du domaine politique la question descendait dans l'arène judiciaire où décidément elle se transformait en un précédent antiabolitioniste. C'est-à-dire, que la cause la plus sainte éprouvait une défaite de nature à produire des effets d'autant plus désastreux, qu'elle émanait de ce qu'en tout pays on est habitué à respecter, la justice. Et précisément, vers la même époque s'agitait au sein du Congrès une affaire plus triste peutêtre que scandaleuse. Un correspondant du Temps de NewYork (New-York Times) n'avait pas craint d'imprimer que certains représentants trafiquaient de leurs votes, dans les questions

d'intérêt privé. Il y a plus, un membre, M. Paine, déclara qu'il avait été l'objet, de la part de tel de ses collègues, d'offres de cette nature. Sur ce, enquête de la part du Congrès, dirigée d'ailleurs par une Commission impartialement composée par le Président; puis reconnaissance de la vérité des faits de corruption allégués par le journaliste; enfin, expulsion des membres coupables: MM. Gibert et Edwards, de New-York, et Welchdu Connecticut. Et comme le correspondant du New-York Times n'avait pas voulu citer les noms, il encourut l'interdiction de se présenter dans les couloirs et les tribunes du Congrès. C'était bien rigoureux, puisqu'il avait rendu service à la chose publique en dénonçant des faits indignes de la représentation nationale. Un remaniement, ou plutôt une baisse du tarif par le Congrès, qui se rendait en ce point aux considérations présentées par M. Pierce, qui se plaignait du trop plein du Trésor, précéda l'inauguration de la nouvelle Présidence. Cette solennité eut lieu le 4 mars. M. Buchanan aimait assez la politique de biais et d'accommodements. Son discours portait l'empreinte de ce caractère. Déjà septuagénaire, le nouveau Président déclarait qu'il ne se représenterait plus comme candidat; que dès lors son administration ne serait influencée par aucune autre considération que « par le désir de servir son pays et de vivre dans le souvenir de ses concitoyens. » Noble ambition assurément, et que le nouveau Président était en mesure d'atteindre. Mais ne se faisait-il pas illusion quand, après avoir rappelé les tempêtes de la dernière élection et ajouté que la voix de la majorité s'étant fait entendre le calme se trouvait rétabli, il disait : « seul notre pays pouvait présenter ce grand et frappant spectacle de l'aptitude de l'homme à se gouverner lui-même. De ce principe, continuait M. Buchanan, que la volonté de la majorité fait loi, le Congrès avait pu tirer la conséquence que c'est elle aussi qui réglerait la question de l'esclavage dans les territoires. » Le Congrès n'est ainsi appelé ni à introduire l'esclavage dans aucun Etat ou territoire ni à l'en exclure; il n'a qu'à laisser la population locale parfaitement libre d'arrêter et de réglementer à sa manière ses institutions intérieures, à la seule condition de ne pas déroger à la Constitution des Etats-Unis.

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