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neurs d'usage. Le temporel en prit cette fois assez sagement son parti pour ne pas provoquer des scènes de désordre. Mais s'il n'y eut pas de troubles masculins, les dames de la ville firent en revanche une sorte de pronunciamiento. Elles ne songeaient à rien de moins qu'à se rendre en masse à la procession, pour témoigner de leurs sympathies pour le clergé. Toutefois mieux inspirées elles se contentèrent de se présenter en grand nombre à cette solennité. Le Pouvoir avait à faire face à des embarras plus graves. En premier lieu se trouvaient les rapports avec l'Espagne déjà si voisins d'une rupture par suite de la dette contractée envers elle par le Gouvernement. Un incident allait aggraver encore cette situation. Des Espagnols avaient été assassinés à Cuernavaca par des bandes mystérieuses que l'on ne craignit pas de désigner comme dirigées de près ou de loin par le général Juan Alvarez, cet Indien qui avait cédé le Gouvernement à Comonfort (V. Ann. 1856) Sur ce, demande de satisfaction par le chargé d'affaires d'Espagne. Le Gouvernement n'ayant pas mis à l'accorder l'empressement qui convenait, le représentant du gouvernement de Madrid se retira de Mexico. Le Président venait d'attirer ainsi un danger sur la République. C'est pourquoi il chargea M. Lafragua d'aller traiter avec le gouvernement de la Reine. Une question de forme qui entralnait le fond arrêta tout d'abord les négociations. L'agent mexicain entendait être admis officiellement avant d'avoir traité, tandis que la cour de Madrid prétendait obtenir au préalable les réparations qu'elle exigeait. Dans une circulaire qui pouvait être considérée comme un Manifeste, le ministre de l'intérieur fit connaître aux gouverneurs d'Etats ce résultat fâcheux en faisant appel au patriotisme de la nation. Grand fut l'émoi causé au sein de la République par ces prétentions quelque peu hautaines. On menaça de chasser du territoire tous les Espagnols, ou bien on donnait à entendre (nouvelle preuve de faiblesse) que l'on se jetterait dans les bras des Etats-Unis. Mieux eût valu un Gouvernement fort et sage, ce qui malheureusement ne se rencontrait pas ici, témoin l'état d'anarchie qui régnait dans les provinces: dans le Puebla par exemple, qu'agitaient le colonel Osollo, le frère Miranda; puis à Guadalajara, à Colima,

où l'on se massacrait et fusillait à plaisir. La capitale n'était pas moins menacée. Les mesures adoptées dans ces circonstances par le Congrès général siégeant à Mexico rétabliraient-elles enfin l'ordre et la paix, seules conditions de la vie des Etats? C'est ce que l'on pouvait se demander; suivant l'usage cette assemblée avait délibéré et voté, pour être mise en vigueur en septembre, une Constitution générale. Puis on rétablirait le fédéralisme des provinces; on nommerait le Président définitif, après quoi fonctionnerait le Congrès ordinaire; tout cela était beau sur le papier. Dans la pratique il en fut comme de nombre de constitutions. Les pouvoirs se heurtaient entre eux. M. Comonfort réélu eut un vice-président radical, M. Benito Zuarez; le Congrès ordinaire appartenait en grande partie à la même couleur politique; enfin, les provinces usaient du fédéralisme auquel elles étaient appelées pour introduire dans leur sein les mesures ou réformes les plus étranges: ici l'élévation du taux des salaires ; là-bas, une sorte de maximum du prix des terres; ailleurs enfin, la prédominance du culte catholique.

16 septembre-8 octobre, réunion et constitution du nouveau Congrès. Deux jours avant la première séance (14 septembre) le parti de la réaction avait tenté une sorte de pronunciamiento à Mexico: averti à temps, le Gouvernement déjoua ce mouvement. Quand donc le Président Comonfort ouvrit la session, il annonça des résolutions qui seraient soumises au Congrès en vue de prévenir des tentatives nouvelles. Mais comme elles consistaient dans les mesures extrêmes, trop souvent tentées dans des circonstances analogues, suspension de certaines libertés, délation d'attributions extraordinaires au pouvoir exécutif, on pouvait douter de leur efficacité. Néanmoins le Congrès accusait le Président de tiédeur, de modérantisme. Mais voici venir ce qui était trop fréquent, de nouveaux pronunciamiento, puis de nouveaux complots contre la personne du Président. A la frontière, Vidaurri se présentait menaçant. Du côté de Queretario, soulèvement du colonel Mejia, tandis que Cuernavaca tombait aux mains de Moreno et de Vicario. Ce qui n'était pas moins fâcheux, c'est que le Trésor central était peu florissant. Dans cette extrémité le Congrès laissa suspendre les garanties consti

tutionnelles qu'il venait à peine de proclamer. Le Gouvernement présidentiel fut en outre autorisé à contracter un emprunt de cinq millions de piastres. Il n'y avait plus qu'à chercher les moyens d'y parvenir. Autorisation donnée aussi au Président de porter l'effectif de l'armée jusqu'à vingt mille hommes. M. Comonfort se servit de ses nouveaux pouvoirs pour faire arrêter (novembre) divers personnages prévenus de complots. Mesure inefficace et qui ne devait guère rendre le repos au pays. Quelques semaines plus tard (1er décembre) les pouvoirs du Président furent renouvelés. Son discours, comme tous les documents de ce genre, fut plein de promesses: On introduirait des réformes dans le code fondamental, on chercherait toutes les voies possibles pour sauver le pays, dont M. Comonfort constatait la situation fâcheuse. Cependant l'anarchie continuait, c'est-à-dire les soulèvements et les prises de places importantes telles que Puebla. En même temps circulaient des bruits de coup d'Etat. Le 16 tout était consommé, le général Zuloaga étant venu de Tacubaya, s'était, avec ses soldats, emparé des principaux postes de la capitale et avait publié son plan de gouvernement. La Constitution née cette année avait vécu. Toutefois le Président actuel recevait tout pouvoir pour donner une Constitution au pays. Le 19 il publia la critique de celle qui venait de cesser d'exister. Lui-même ne savait trop où donner de la tête. Les conservateurs lui offraient leur appui à la condition de leur livrer certaines lois, celle du désamortissement du clergé en particulier, qui les gênaient. Quant aux radicaux, des avances leur étaient faites, le vice-président Juarez arrêté par Comonfort lui-même réussissait à s'échapper. Mais la réconciliation n'allait pas plus vite pour cela. Ce qui marchait au contraire à pas de géant, c'était le désordre et l'anarchie dans les provinces, les unes pour le coup d'Etat, les autres contre. De toute cette confusion il résultai l'indécision du Président et le malheur du pays. Le général Zuloaga, qui avait dérangé l'avant-dernier mécanisme constitutionnel, sommait M. Comonfort de se mettre à l'œuvre. Mais rien ne venait, rien n'existait que cette anarchie qui prédispose un pays à la conquête de quelque puissant voisin.

GUATEMALA.

Cette République, la plus considérable de l'Amérique centrale, jouissait, sous la présidence de Rafaël Carrera, d'un repos que les États voisins, moins sagement dirigés ou moins bien situés, lui pouvaient envier. De l'exposé de la situation, fait en novembre par son premier magistrat, il résultait que les recettes portées au dernier budget 1856, s'élevaient à 1,104,577 piastres et les dépenses à 1,088,562 même monnaie. La dette intérieure figurait pour 700,000 piastres et la dette extérieure pour 500,000. Le commerce d'importation présentait un chiffre de 1,065,816 piastres (5,756,000 fr.), c'est-à-dire 134,394 piastres de moins que l'année précédente. Ce qui pouvait s'expliquer par l'encombrement des magasins en 1855. Une autre cause, c'était la tendance des capitaux à émigrer au San-Salvador où ils trouvaient de plus grandes facilités : tarifs moindres, articles de retour plus nombreux. Les exportations, au contraire, avaient été plus considérables en 1856 qu'en 1855: 1,706,973 piastres (9,218,000 fr.), soit 424,082 piastres en faveur de 1856.

COSTA-RICA.

Cette petite République, gouvernée avec une sage fermeté par M. Juan-Rafaël Mora, prit, cette année, une grande part aux mesures de résistance nécessitées, dans l'Amérique centrale, par les entreprises de Walker. Son ministre à New-York, à lui joints ceux du Guatemala et de San-Salvador, avertit, le 14 septembre, le gouvernement des États-Unis des projets du flibustier. Son expédition, disait-il, partira vers le milieu de ce mois ou dans les premiers jours d'octobre, pour Bocas del Toro, où elle recevra les armes qui doivent y être envoyées de New-York. Il est probable qu'après s'être réunis à Bocas del Toro, ces nouveaux envahisseurs du Nicaragua se porteront sur San Juan del Norte, parce que c'est le seul port par lequel ils puissent entrer dans le pays.

Cette dénonciation des projets de Walker se terminait par l'es

poir que, si les États-Unis ne pouvaient empêcher l'embarquement de ceux qui feraient partie de l'expédition «< annoncée si publiquement et si impudemment, comme toutes les autres, ils ordonneraient qu'un navire de guerre, qui pourrait se trouver à San-Juan del Norte, empêcherait le débarquement de ces aventuriers sur la côte. On a vu (Etats-Unis) que, si les choses ne se passèrent pas absolument de cette manière, Walker fut cependant arrêté dans son entreprise. Malheureusement, à peine ce danger eut-il été écarté du Nicaragua, en partie grâce à CostaRica, les deux républiques se divisèrent. (V. Nicaragua.) Au fond, il s'agissait de se faire une part dans le cas probable où les flibustiers seraient enfin chassés du Nicaragua. En effet, quelque temps après (octobre) l'avertissement donné par elle au Gouvernement des États-Unis, Costa-Rica chargeait sans façon un officier à elle, le colonel Canty, de s'emparer du fort SanCarlos, dominant la ligne de transit. C'est que la République Costa-Ricaine voyait, d'un œil jaloux, la convention conclue (19 juin) entre Nicaragua et le représentant de la compagnie maritime Atlantique-Pacifique, au sujet d'une voie de communication à établir sur cette ligne. Costa-Rica prétendait être intéressée dans cette question, comme en effet elle l'était réellement; ainsi s'explique la voie de fait à laquelle cette république se laissa aller vis-à-vis de sa voisine. Celle-ci protesta et fit appel aux autres États de cette partie du continent.

Voilà à quelle sorte d'anarchie étaient en proie la plupart des Gouvernements disséminés sur cette ligne, qui semblait appeler un seul dominateur.

NICARAGUA.

On vient de voir la discorde naître entre cette République et Costa-Rica. Le 19 octobre, le Gouvernement suprême de Nicaragua adressait à ses concitoyens une proclamation quelque peu emphatique dans laquelle il annonçait son acceptation de la guerre que faisait Costa-Rica. Dans l'article 2 de ce document, la République de Nicaragua déclarait qu'elle préserverait intacts ses droits sur toute la ligne de transit, par la rivière et le lac,

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