Page images
PDF
EPUB

confessé son erreur : le bill était suspendu, mais il n'y avait pas eu d'accord à ce sujet entre les deux pays. De là l'émotion du Sénat brésilien. Interpellé par le sénateur Monteiro, le ministre des finances, M. Souza Franco, rappela la rétractation de lord Palmerston, et déclara que jamais le Gouvernement impérial ne permettrait à une loi anglaise d'attenter à la souveraineté de l'Empire.

La Chambre des députés s'occupa presque exclusivement de questions intérieures. Une loi autorisa la compagnie du chemin de fer Dom Pedro à transformer en obligations une partie de son capital primitivement constitué en actions. La somme à émettre en obligations était de 36 millions. L'évaluation totale des dépenses pour l'établissement du chemin de fer, dont une section était livrée au public, devait s'élever à 114 millions.

Vers la même époque un triste procès porté devant le Sénat, réuni en Cour de justice, préoccupa (juillet) l'opinion publique : un ancien député était accusé de falsification de testament. L'affaire fut jugée à huis-clos, et l'accusé fut acquitté à la majorité de 37 voix contre 2.

Le Gouvernement faisait de louables efforts pour encourager l'immigration. Une loi votée dans la précédente session avait mis à cet effet à la disposition du Pouvoir une somme de 18 millions de francs. Cette année (17 mars) le ministre de l'intérieur fit connaître la première affectation à donner à ces ressources. Un traité avait été passé avec une grande compagnie créée sous le titre d'Association centrale de colonisation, à l'effet d'introduire, dans le délai de cinq années, un minimum de 50,000 immigrants. Outre certains avantages, exemptions de taxes et d'impôts, concessions, dans certains cas, du droit d'expropriation et un privilége pour l'achat des terres publiques au prix minimum, la Compagnie obtenait un prêt sans intérêt de 3 millions de francs, remboursable en cinq ans, plus une subvention de 60, 90 et 100 francs suivant l'âge, en faveur de chaque colon transporté sur le territoire de l'Empire.

CHAPITRE XVII.

LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE.

BELGIQUE: Mort de M. Van Kerckhoven, publiciste belge. M. Delcroix, auteur de Morgend, Midday en Avond. Marnix de SainteAldegonde, par MM. Quinet et Gachard. ALLEMAGNE : Le Karl August de Droysen. L'ouvrage de M. Kaltenborn et le remaniement de la carte de l'Allemagne. - L'Histoire de l'Allemagne, par M. Hausser. Les Erinnerungsblætter de M. Andlaw. Le roman et la poésie en Suede; - l'Histoire du peuple norvégien de M. Munch. DANEMARK: La Littérature danoise, par M. Petersen. GRANDEBRETAGNE : Les historiens des Indes orientales. -SUISSE : L'Histoire du canton de Vaud, par M. Verdeil. ITALIE Savonarole et Gioberti. La traduction de Dante par M. Ratisbonne.

[ocr errors]

Les lettres belges payèrent cette année leur tribut à la mort. Le 1er août, elles perdaient un publiciste distingué, M. Van Kerckhoven, poëte et auteur de plusieurs recueils, parmi lesquels le Noordstar (Étoile du Nord), le Kunst en Letterbode (Messager des Arts et des Lettres) et le Vlaemsche Rederyker (le Rhétoricien flamand), voués, comme tout ce qu'il écrivait, à la défense des principes libéraux. Son ouvrage posthume, Twee Goddeloozen (Deux Athées), est un appel à cette tolérance, qu'un Français, M. Jules Simon, avait récemment prêchée en Belgique.

Morgend, Midday en Avond (Matin, Midi et Soir), de M. Delcroix, est une œuvre qui ne tend pas, comme la précédente, à l'application de quelque vérité immuable, elle se tient au contraire dans la région moins saisissable de l'art pour l'art. Un exilé, qui n'a pas cessé de consacrer aux lettres sérieuses ses efforts et ses loisirs, M. Edgar Quinet, a tenté de restituer la figure et les œuvres d'un contemporain illustre de Philippe II, Marnix de Sainte-Aldegonde. Le même personnage a occupé un écrivain français de ce pays, qui a publié sur Marnix, d'après les notes fournies par le savant M. Gachard, un livre qui ne

pouvait que compléter utilement le travail nécessairement plus brillant de M. Quinet.

En Néerlande, ce sont les études économiques qui attirent les écrivains. M. Baumhauer publie, sous les auspices du Gouvernement, un Annuaire statistique, et M. Sloel tot Oldhuir fait paraître une Revue qui porte sur les mêmes matières.

Le mouvement intellectuel est moins débonnaire en Allemagne; là l'histoire et les études philosophiques, plus ou moins parallèles aux événements contemporains, occupent toujours le premier rang. Le Karl August und die deutsche Politik (Charles-Auguste et la Politique allemande) de Droysen, a pour objet de prêter au héros du livre (le grand-duc de Saxe-Weimar, contemporain de Napoléon Ier) les idées unitaires en vue de la Prusse, qui sont celles de l'auteur. Ce qui présente un inconvénient de nature à affaiblir la portée d'une œuvre d'un talent incontestable. Il n'est pas bien établi, en effet, que le prince dont il est question se soit préoccupé de la grandeur de la monarchie prussienne plutôt que de l'Allemagne en général.

Un autre écrivain, M. Kaltenborn, est plus cantonné encore dans le domaine spéculatif, quand, dans son ouvrage Geschichte der deutschen Bundesverhaeltnisse und Einheitsbestrebungen von 1806 bis 1856 (Histoire des alliances et des tendances unitaires de l'Allemagne de 1806 à 1856), il propose un remaniement territorial qui ne manque pas de logique assurément; mais conçu dans le cabinet de l'historien, il est loin encore d'être inscrit sur la carte. Preuve la Prusse y occupe toute l'Allemagne du Nord, les trop célèbres duchés compris; le Hanovre, dont le zèle ne mérite pas moins, acquiert dans ce plan des agrandissements, et, comme de raison, la Bavière y prend le Midi. Mais l'Autriche? On disait d'elle autrefois qu'elle n'avait qu'à contracter des alliances et se marier: Felix Austria, nube; l'auteur avance quelque chose d'approchant : elle pousserait l'élément germanique dans l'Europe orientale, Byzance compris, bien entendu. C'est un développement pour mémoire. Quant à la Confédération, elle deviendrait, ce qui ne changerait guère les choses, un directoire, que présiderait alternativement l'une ou l'autre des grandes émules de l'Allemagne.

Quelque chose de plus saisissable, c'est l'ouvrage de Hausser, Histoire de l'Allemagne depuis Frédéric le Grand jusqu'au 8 juin 1815, époque de la constitution de la Confédération germanique. A lui seul le titre annonce toute l'importance pratique de cette œuvre. Frédéric n'a-t-il pas pour ainsi dire ouvert l'ère d'une Allemagne nouvelle? Les Notes tirées des papiers d'un diplomate (Erinnerungsblætter aus den Papieren eines Diplomaten), par M. Andlaw, sont une autre publication historique, mais portant plutôt sur les personnages contemporains. Plus peut-être encore que par le passé, on s'occupe en Allemagne des œuvres du dehors; les travaux historiques de la France et de la Grande-Bretagne attirent surtout l'attention du monde lettré, ce qui prouve que l'on s'avance de plus en plus dans le domaine de l'application.

En Suède, le savant M. Munch continue ses excellentes publications, parmi lesquelles l'Histoire du peuple norvégien (5 volume et la fin du 13° volume).

Le roman et la poésie sont en honneur en Danemark, le pays des légendes d'ailleurs l'auteur du Juif, M. Goldschmidt, a donné au public un autre roman : l'Homme sans foyer; M. Becker l'a doté de Claus Limbek et d'une Guerre des paysans. L'historien de la Littérature danoise, M. Petersen, a publié son quatrième volume.

les évé

Dans la Grande-Bretagne, comme en France, nements si extraordinaires dont l'Inde fut le théâtre, donnèrent lieu à de nombreuses publications, dont quelques-unes répandaient un peu de jour sur cette mystérieuse convulsion de l'empire indo-britannique. Citons d'abord le Récit complet des troubles de l'Inde, par Charles Frost, Londres, 1857; puis, la Rébellion de l'Indoustan, par Jean Bruce; puis encore, le Coup d'œil rapide sur la crise actuelle de l'Inde, par Robert Gardiner; enfin, l'Inde et les Anglais, par un Français, M. de Valbezen. La plupart de ces ouvrages, moins le dernier cité, sont à peine connus en France, où l'on ne traduit guère que les romans, et sans un ingénieux et néanmoins érudit savant, M. Philarète Chasles, à peine en saurait-on les titres. Il faudrait ici plus d'espace pour résumer ou analyser des œuvres qui vont

chercher à leur source les causes de ces cataclysmes historiques. Le fanatisme religieux y joua certainement un grand rôle; au moins fut-il aux mains des agents cachés de l'insurrection un puissant instrument. Témoin ce fait des neuf radjepoutes prisonniers des Anglais qui voulurent se laisser mourir de faim plutôt que de toucher aux mets des Européens, qu'ils appelaient les souillés. Nous ne reviendrons pas de nouveau (V. GrandeBretagne) sur ce sujet, que les ouvrages cités tendent nécessairement à éclaircir. A ce titre, on lira avec intérêt d'autres ouvrages qui se rattachent à ce grand événement et à l'histoire politique et littéraire de l'Orient en général, entre autres une Autobiography of Lutf-Ullah, a mahometan gentleman (Autobiographie de Lutf-Ullah, gentilhomme mahométan). Il a été au service de la très-honorable Compagnie des Indes Orientales, et il « en connaît les détours. » C'est un livre plein d'intérêt, où l'humour le plus naïf, c'est-à-dire du meilleur aloi, le dispute au piquant des détails. Nous ne sachions pas non plus que cet ouvrage ait été traduit.

Et puisqu'il s'agit des malheurs et du sang versé dans un autre hémisphère par suite des guerres de religion, nous rappellerons une Histoire du canton de Vaud, par M. Verdeil; une sorte de monographie qui, dans un cadre étroit au premier aspect, fait revivre les annales helvétiques tout entières; puis deux ouvrages sur Jérôme Savonarole, l'un par M. Perrens, l'autre par M. Théodore Paul. Le titre à lui seul fait connaître l'intérêt que présentent ces deux ouvrages sur le hardi et malheureux rénovateur italien.

Un écrivain dont le nom fait autorité dans la polémique religieuse, Gioberti, a publié des fragments (frammenti) recueillis par Massari sous ce titre : Riforma cattolica della Chiesa (Réforme catholique de l'Eglise). Il ne nous appartient pas de juger le plan proposé par l'auteur pour remédier aux maux de l'Église, nous nous contenterons de l'exposer en substance 1o Enlever au pape le temporel, ne lui laisser que Rome; 2° Fonder des athénées ecclésiastiques; 3o Diviser les prêtres en deux classes, les savants et les agissants (operanti); 4° Supprimer les Jésuites; 5° Faire deux classes de prêtres, les

« PreviousContinue »