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nal, a écrit du Consulat : « La satisfaction était partout, et quiconque n'avait pas dans le cœur les mauvaises passions des partis, était heureux du bonheur public. »

Dans l'allocution, qu'en l'absence de M. de Morny, il adressa (17 février) au Corps législatif, M. le vice-président Schneider rappela avec à-propos la manière dont l'Empereur venait de caractériser les séances des élus du pays: « N'avez-vous pas constamment prouvé, dit-il, que vous saviez unir dans vos délibérations le calme et la maturité qui conviennent aux graves intérêts qui nous sont soumis ? Nous continuerons ainsi à donner notre concours loyal, réfléchi et dévoué à la politique de l'Empereur. >>

Avant de rendre compte de cette dernière législature de la session, c'est-à-dire, en particulier, de la politique intérieure, nous reprendrons, pour en suivre les phases, les questions internationales rapidement indiquées dans le discours de l'Empereur. Et d'abord en ce qui concernait les difficultés qu'avait rencontrées l'exécution du traité de Paris, et « qui avaient fini par être heureusement surmontées » dès les premiers jours de l'année (7 janvier), une Note du Moniteur faisait connaître à quels arrangements elles avaient donné lieu. Il y était dit que les représentants des cours contractantes au Congrès de Paris, réunís la veille en conférence à l'hôtel du ministère des affaires étrangères, avaient signé un protocole mettant fin aux difficultés qu'avait rencontrées l'exécution du traité du 30 mars. « On sait, ajoutait le document dont nous citons la substance, que la disposition des lieux n'avait pas permis à la commission de délimitation de s'entendre sur tous les points du tracé de la nouvelle frontière entre la Turquie d'Europe et la Russie; d'autre part il y avait lieu de suppléer au silence que le traité avait gardé sur le sort de l'ile des Serpents; enfin, l'application rigoureuse de l'article 21, en annexant à la Moldavie le delta du Danube, enlevait à la souveraineté immédiate de la Turquie un territoire qui, autrefois, relevait directement de la Sublime Porte. »>

Le journal officiel annonçait donc que, s'inspirant des résolutions du Congrès et voulant concilier tous les intérêts, la Conférence, d'un accord unanime, avait décidé que la frontière suivrait

QUESTIONS PENDANTES. 7 le val de Trajan jusqu'à la rivière Yalpouk, iaissant Bolgrad et Tobak à la Moldavie, et que la Russie retiendrait, sur la rive droite de ce cours d'eau, la ville de Komrat avec un territoire d'environ 330 verstes carrées. On avait considéré l'île des Serpents comme une dépendance des embouchures du Danube, et il était convenu qu'elle en suivrait la destination. La Conférence avait reconnu que l'intention du Congrès avait été de rétablir, par l'article 21 du traité de paix, dans leur situation antérieure les territoires placés à l'ouest de la nouvelle délimitation, et, pour se conformer aux prévisions des négociateurs de la paix, elle avait décidé que ces territoires seraient annexés à la Moldavie, à l'exception du delta du Danube, qui ferait retour directement à la Turquie.

Autre résolution de la Conférence : « au 30 mars prochain au plus tard la délimitation serait effectuée, et à cette même date les troupes autrichiennes et l'escadre britannique évacueraient les Principautés danubiennes et les eaux intérieures de la Turquie. » La commission des Principautés, dont les membres se trouvaient déjà à Constantinople, pourrait donc à cette époque, ajoutait l'organe du gouvernement français, se transporter dans ces provinces et s'acquitter de la mission qui lui avait été confiée. Son travail terminé, elle en rendrait compte à la Conférence qui se réunirait à Paris, aux termes de l'article 25 du traité, pour consacrer par une convention l'entente finale intervenue entre les parties contractantes par l'organisation des Principautés.

Ainsi se trouvaient réglées, en principe et en partie, les questions laissées pendantes par le Congrès mémorable tenu l'année précédente, questions dont nous avons exposé l'origine et la nature (V. Ann. 1856). On ne pouvait cependant pas se dissimuler que la plus grave de toutes était celle de l'organisation des Principautés. Toutefois, malgré son importance, elle n'était pas de nature à donner lieu à des contentions nouvelles. Mais quelle serait cette organisation de ces deux provinces destinées par leur position géographique à contenir des ambitions séculairement rivales?

En attendant, pour assurer sans doute au vou des Princi

pautés plus de liberté, la Conférence n'avait pas voulu laisser subsister la moindre incertitude sur leur évacuation par les ar mées autrichiennes pas plus que sur la retraite de l'escadre britannique de la mer Noire. Et cette double évacuation devait être en quelque sorte simultanée. Il paraissait hors de doute, que si les bâtiments anglais restaient dans la mer Noire, les armées autrichiennes continueraient d'occuper la Moldavie et la Valachie.

Il ne sera pas hors de propos de rappeler ici où en étaient les choses dans les Principautés depuis le traité de Paris qui avait posé le principe de leur réorganisation, et sur lequel s'appuyait la Conférence actuelle. Aux termes de ce traité, la Porte devait, à l'expiration du pouvoir des hospodars occupants, " prendre les mesures nécessaires et propres à remplir les intentions du Congrès, en combinant la libre expression des vœux des Divans, avec le maintien de l'ordre et le respect de l'état légal. » La Porte s'était-elle conformée sinon à l'esprit, au moins à la lettre de ce programme? Les caïmacans ou gouverneurs provisoires une fois nommés, elle avait supprimé la liberté de la presse. Première et singulière façon de pourvoir à cette libre expression des vœux dont parlait le traité de Paris. D'autre part, cette charte de la question d'Orient avait entendu rattacher les Principautés aux intérêts et aux influences européennes, et la Porte (V. le Mémoire sur la situation de la Moldo- Valachie depuis le traité de Paris, par M. Bratiano) la Porte, disons-nous, n'eut rien de plus pressé que de supprimer le privilége de la navigation sur le Sereth, concédé à une compagnie française; enfin elle en agit de même à l'égard du privilége de la banque de Moldavie, accordé à une autre compagnie, mais prussienne. Il n'est pas difficile de comprendre que des influences étrangères avaient pu inspirer ces résolutions. Comment maintenant le gouvernement du Sultan entendait-il faire exécuter le firman qui convoquait les Divans chargés d'exprimer les vœux des Roumains et réglait l'élection et l'organisation de ces assemblées? La cause de l'union avait de nombreux partisans dans le pays, et l'opposition qu'elle rencontrait dans certains cabinets, témoignait précisément que l'avenir des Principautés était de ce côté. Aussi bien

la Conférence de Paris eut-elle bientôt (31 mai) à délibérer sur les difficultés mêmes que soulevait l'interprétation du firman relatif à la convocation de ces assemblées, et sur les abus d'autorité imputés au caïmacan de Moldavie. Comme on s'y devait attendre, le représentant de la puissance la plus désintéressée, M. Thouvenel, ambassadeur de France à Constantinople, fit entendre, dit-on, au sein de l'assemblée un langage digne du rôle élevé de son gouvernement. Il n'aurait pas craint de réprouver les abus d'autorité de M. Vogoridès, le caïmacan, mis en cause à cette occasion et qui aurait eu recours à la force brutale pour faire voter les électeurs. A coup sûr, une telle manière d'interroger les vœux des populations ne pouvait aboutir qu'à un résultat l'expression du désir de ne plus être frappé. Au surplus, la Conférence de Paris ne pouvait manquer d'aviser à imprimer aux élections leur sincérité.

Mais voici venir une autre grande question, celle du conflit entre le roi de Prusse et la Confédération helvétique. On a pu voir (Annuaire de 1856) qu'elle n'avait plus les proportions qu'elle avait d'abord prises. Elle avait en effet, comme le disait le discours impérial, perdu tout caractère belliqueux. Cependant, entre deux parties si différentes d'humeur et de tendances la guerre pouvait surgir encore des points qu'il s'agissait de résoudre. A quelles conditions, en effet, la paix se rétabliraitelle entre les deux puissances? Le 23 janvier, quelques jours dès lors avant l'ouverture de la session des Chambres françaises, le Moniteur annonçait dans une Note que les prisonniers neuchâtelois avaient été rendus à la liberté, or c'est ce que voulait avant tout la Prusse, et qu'ils étaient déjà sur le territoire français. « Le gouvernement helvétique, ajoutait le journal de l'Empire français, a fait un acte qui l'honore et qui se concilie parfaitement avec les véritables intérêts de la Suisse. »> Puis, la Note rappelait que le gouvernement de l'Empereur avait conseillé cette mesure dans le mois de septembre dernier, et qu'il avait renouvelé ses avis par une communication en date du 26 novembre: « Connaissant, à titre confidentiel, c'est le Moniteur qui parle, les intentions conciliantes du roi FrédéFic-Guillaume, et sachant que la question était tout entière dans

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la mise en liberté des prisonniers, sans condition, il a dû insister pour faire comprendre au Gouvernement fédéral toute la portée de la demande qu'il lui adressait. >>

Et la Note déduisait les conséquences d'un refus de la Suisse. La France ne pouvait plus alors détourner le roi de Prusse, dont elle appréciait hautement l'esprit de modération, de recourir aux armes pour assurer une juste satisfaction à sa dignité blessée. Si, au contraire, la Suisse déférait aux conseils de la France, celle-ci se trouvait engagée à se prévaloir de cette concession auprès du cabinet de Berlin pour prévenir toute mesure coercitive et pour réclamer une solution satisfaisante de la question de Neuchâtel.

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Nous nous félicitons donc, ajoutait le Moniteur, de la résolution prise par la Confédération helvétique. Dès aujourd'hui elle peut sans crainte licencier ses contingents, le gouvernement prussien ayant déjà annoncé qu'il est prêt à entrer en négociation sur le fond. La solution de cette question considérable avait donc fait à cette phase un grand pas. Dans une première séance la Conférence de Paris, où siégeaient les représentants de la France, de l'Autriche, de la Grande-Bretagne et de la Russie, avait formellement reconnu le droit de souveraineté réclamé par le roi de Prusse sur la principauté de Neuchâtel et sur le comté de Valengin. Cette déclaration préalable fut, à ce qu'il paraît, interprétée par le gouvernement de Berlin bien au delà de sa portée, c'est-à-dire dans le sens que le roi de Prusse pourrait déterminer à son gré les conditions de sa renonciation. En conséquence son ambassadeur, M. de Hatzfeldt, aurait subordonné au strict accomplissement de ces conditions la validité de l'arrangement à intervenir. Pénible fut à Berne et dans toute la Suisse l'impression produite par les prétentions de Sa Majesté prussienne. M. Kern, envoyé de la Confédération à Paris, reçut l'instruction formelle de n'y point souscrire. Dans ces circonstances, les représentants de la France, de la Grande-Bretagne, de l'Autriche et de la Russie s'arrêtèrent au meilleur parti en décidant qu'ils fixeraient entre eux les conditions de l'arrangement; puis ils communiquèrent leur projet de traité aux plénipotentiaires de la Suisse et de la Prusse. On comprend que les

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