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tre de la Guerre présentât un projet de loi portant réorganisation des Écoles polytechnique et militaire. Mais l'Assemblée jugea qu'il était nécessaire de passer outre. Une courte discussion s'engagea sur l'article 2 qui ramenait le principe de la gratuité. Le projet de la commission limitait le nombre des bourses à accorder dans ces écoles et à l'École navale au quart des élèves de chaque division. MM. Monet et Dufournel s'élevèrent contre cette disposition, qui pourrait empêcher les enfants des familles pauvres de recevoir l'instruction gratuite; ils demandèrent que tous les jeunes gens qui feraient constater préalablement l'insuffisance des ressources de leurs parents reçussent des bourses ou demi-bourses. M. Leverrier défendit l'article de la commission, en déclarant que si on ne limitait pas les bourses on arriverait plus tard à la gratuité illimitée; l'Assemblée ne partagea pas ces craintes et elle adopta à une assez forte majorité l'amendement de MM. d'Adelsward et Dufournel, vivement appuyé par MM. Monet et de Lamoricière.

Pas de discussion sur les articles 3, 4, 5 et 6, qui concernaient la concession des bourses et des demi-bourses. Elles ne pourraient être accordées qu'aux jeunes gens à qui l'insuffisance de leur fortune personnelle et celle de leurs parents ne permettraient pas de subvenir en tout ou partie aux frais de leur entretien dans les écoles. L'insuffisance des parents et des jeunes gens serait, au moment de l'inscription de l'élève, constatée par une délibération motivée du conseil municipal, approuvée par le préfet. Les bourses et demi-bourses seraient accordées par le ministre de la Guerre et par le ministre de la Marine sur la proposition des conseils d'administration et d'instruction des écoles. Il pourrait en outre être alloué sur la proposition des mêmes conseils : 1o à chaque boursier ou demi-boursier, un trousseau ou un demitrousseau à son entrée à l'école; 2o à chaque boursier ou demiboursier, nommé officier, après avoir satisfait aux examens de sortie, la première mise d'équipement militaire attribuée, dans l'arme où il devrait entrer, aux sous-officiers passant officiers. Les motifs pour lesquels les bourses auraient été accordées seraient chaque année insérés au Moniteur et dans l'un des journaux du département où l'élève boursier et ses parents auraient leur domicile.

L'article 7 avait pour objet de remédier à un abus qui avait été plusieurs fois signalé. On sait que nombre de jeunes gens, après avoir échoué au concours d'admission s'engageaient dans l'armée pour jouir de la faveur accordée aux soldats de se présenter aux examens jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. Des congés leur étaient facilement accordés, et l'année suivante ils subissaient de nouveau les chances du concours. A partir de 1851, l'article 4 de la loi du 14 avril 1832 ne pourrait être appliqué qu'aux militaires justifiant de deux ans de service effectif et réel sous les drapeaux. Ce temps de service devrait être constaté par des certificats émanant des conseils d'administration des corps auxquels les militaires appartiendraient.

Cette sévérité ne parut pas encore suffisante à la commission, car elle proposait dans l'article 8 de décider qu'à dater de la promulgation de la loi, nul ne pourrait prendre part à plus de deux concours à la même école. Mais, sur les observations présentées par M. Oscar de Lafayette et MM. les généraux Gourgaud et Cavaignac, cette disposition fut rejetée. La commission voulait. encore (art. 9) que le minimum de l'âge pour l'admission à l'Ecole polytechnique fût fixé à dix-sept ans. M. le général Gourgaud demanda que la limite fut maintenue à seize ans, et il rappela à ce sujet qu'il était entré à l'école avant d'avoir atteint cet âge, et par une dispense du Directoire. Son amendement, appuyé par le général de Lamoricière, fut adopté malgré les efforts de M. Leverrier, qui insistait sur la nécessité de laisser plus de temps pour les études littéraires aux jeunes gens qui se préparent à l'école.

L'article 10 décidait qu'une commission serait nommée pour réviser les programmes d'admission et proposer les modifications à apporter à ces programmes pour les mettre en harmonie avec les besoins des services publics. Enfin, l'article 11 et dernier proposait la translation de l'Ecole Polytechnique dans les bâtiments du palais de Meudon. Cette disposition, ainsi que celle de M. Etienne, qui demandait que l'école fût transférée à Fontainebleau, trouvèrent d'ardents adversaires dans MM. Charras et de Lamoricière. M. d'Hautpoul lui-même les combattit, bien qu'au dire de M. Mortimer-Ternaux il eût adhéré à l'article, au sein de la commission. Le motif qui avait décidé la commission à faire

cette proposition était un motif tout politique, elle ne le cacha pas. M. Leverrier, dans son rapport, et M. Laussat à la tribune exprimèrent la crainte que les passions politiques, au lieu de s'arrêter au seuil de l'école et de respecter le sanctuaire de la jeunesse et de l'étude, n'y fissent pénétrer le germe d'une fatale indiscipline. Mais M. le ministre de la Guerre déclara que l'esprit des élèves était excellent, et cette déclaration, appuyée des observations chaleureuses de M. de Lamoricière, valut un nouvel échec à la commission. L'École polytechnique resterait à Paris.

C'est avec ces modifications que le projet fut adopté définitivement le 5 juin, à une troisième lecture, mais sans discussion nouvelle.

CHAPITRE IV.

VICTOIRE ÉLECTORALE DU SOCIALISME.

Elections du 10 mars. Ferments de désordre dans le pays, lutte armée des

partis à Beaucaire, élection socialiste dans le Gard. Les arbres de la liberté à Paris, mot d'ordre aux factieux, rassemblements, collisions sanglantes, circulaire énergique, M. de Lamoricière menacé et frappé, les transportés de juin et le procureur de la République, personnel de l'émeute. -Interpellations à l'Assemblée, M. Lagrange, le saint-sacrement des républicains, M. F. de Lasteyrie, défiances et accusations.- Déchéance des représentants condamnés, M. Michel (de Bourges), arrêt inique de la Haute-Cour.

Convocation des colléges électoraux, agitation nouvelle, circulaire de M. Carlier, le socialisme c'est la barbarie.-Décret qui étend à plusieurs divisions les commandements militaires, injures inouïes, les mouchards en habits brodés, M. Pascal Duprat, procès de tendance fait au pouvoir et à ses desseins criminels, légalité, antécédents, opportunité de la mesure, ordre du jour. Autre mesure réclamée, transfert de la préfecture de la Loire à SaintEtienne,nécessité de la mesure, M. F. Barrot, MM. Dariste, Heurtier et le général de Grammont, arguments contre le transfert, réponse de M. Léon Faucher, l'Assemblée se déjuge en repoussant la mesure.-Ordre du jour sur les interpellations relatives à la mise au secret de M. Proudhon, M. Pierre Leroux, honorable pardon des injures.-Tentatives de rapprochement entre les socialistes, à la discorde succède un accord provisoire, avances des Amis de la Constitution rejetées avec mépris, humilité de leur adhésion au socialisme. - Réunions préparatoires socialistes, choix des délégués, préférence marquée pour les insurgés de juin, ajournement apparent du socialisme, république ou monarchie. Anniversaire du 24 février, les couronnes de la Bastille, réparation inutile, processions organisées, les délégués de l'armée, proclamations, fin du désordre. - Conclave socialiste, les candidats, protestation et conciliation, la bourgeoisie complice sans le savoir, signification véritable des candidatures, menaces à la bourgeoisie, M. Michel (de Bourges) dans les clubs, l'origine des fortunes, réquisitoire, dénégations de M. Michel, la trilogie électorale, réclame parlementaire, l'autorisation de poursuites inutile.—Insultes adressées à l'Assemblée par M. Bancel, elle ne se sent pas offensée. - Proposition de circonstance, assimilation demandée des élections partielles aux élections générales, prise en considération repoussée.-Candidats du parti de l'ordre, liste de l'union électorale.-Pamphlet de M. Chenu, révélations déplorables, exagérations mutuelles, éloge de l'assassinat politique. Résultat de l'élection à Paris, victoire de la liste rouge, la leçon donnée au pouvoir. - Élections de province, absorption du parti républicain dans le parti socialiste, violences inouïes dans le Haut-Rhin. Effet moral

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de l'élection, ajournement de l'émeute, la victoire du socialisme par le scrutin, effroi de la bourgeoisie, dénonciation des votes rouges dans le commerce de Paris, interpellations à ce sujet, blâme général, impossibilité de poursuivre, indignation jouée dans le parti démocratique, antécédents du même genre.Résultats financiers de l'élection, revue du trimestre.

Pendant que les diverses fractions de la majorité hésitaient ainsi sur les questions les plus graves, entre la discipline et les fantaisies d'indépendance, l'esprit de désordre se manifestait sur divers points de la France, comme pour rappeler aux deux pouvoirs les conditions de la sécurité publique. A Beaucaire, une réunion légitimiste était violemment attaquée par des socialistes, et une lutte à main armée s'engageait entre les deux partis (6 janvier).

Le commentaire de cette irritation des esprits fut donné, le 13 janvier, par une élection significative qui eut lieu dans le département du Gard. Le parti conservateur avait disséminé ses votes sur deux noms, tandis que les démocrates socialistes concentraient les leurs sur M. Favand. Ce dernier candidat fut élu par 29,697 voix, contre 31,241 dispersées sur deux noms.

Il fallait une occasion aux factieux de Paris pour encourager une fois de plus, par leur exemple, les révoltes dans le reste de la France. Cette occasion fut assez malheureusement fournie par une simple mesure de voirie. M. le préfet de police, voulant donner satisfaction à un très-grand nombre de réclamations qui lui étaient adressées relativement aux arbres plantés après la révolution de Février, et dont la position était de nature à gêner la circulation ou à rompre désagréablement les lignes des promenades ou l'aspect des monuments publics, avait prescrit aux commissaires de police de lui signaler ceux de ces arbres qu'il était de l'intérêt public d'enlever. Dans sa circulaire, le préfet insistait pour que tous les arbres qui ne se trouvaient pas dans les conditions qu'il avait déterminées fussent respectés.

Des ordres furent donnés en conséquence. Partout leur exécution s'opéra sans opposition, sans réclamations. La pensée de l'autorité semblait avoir été parfaitement comprise, et tout s'était accompli dans le plus grand calme depuis quelques jours, lorsque certains journaux, organes de l'opposition la plus avancée,

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