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réveillait lentement. L'industrie, tirée de sa langueur, reprenait un nouvel essor. Ce n'était plus le travail qui manquait aux ouvriers, mais les ouvriers qui manquaient au travail. Les salaires. étaient en hausse à Paris comme dans la plupart des cités manufacturières.

Mais, dans les campagnes, les difficultés de la vie rendaient les cultivateurs plus accessibles à de séduisantes utopies. L'abondance des récoltes, l'avilissement des prix, qui en est la suite ordinaire, y favorisaient les accusations contre le pouvoir, les calomnies propagées par des publications sans nombre, par des missions secrètes. Cette situation morale se révélait par des violences chaque jour plus nombreuses contre les représentants de l'autorité. Une partie de la France méridionale était encore soumise au régime exceptionnel de l'état de siége (6e division militaire), et beaucoup d'autres localités réclamaient l'application de mesures énergiques.

Malgré ces dangers tout locaux, on pouvait craindre que, rassurés par le calme du pays à la surface, par la prostration apparente du parti socialiste, privé de ses chefs, certains esprits ne se laissassent aller à une sécurité trop complète; que chacune des nuances du parti modéré dont l'accord ne s'était fait et ne persistait que par des concessions réciproques, ne se persuadât qu'elle pouvait désormais incliner davantage vers ses sentiments particuliers; que l'un ou l'autre des pouvoirs ne crût possible d'aller rigoureusement jusqu'au bout de son droit, d'agir dans la plénitude de son indépendance. Comprendrait-on toujours que la puissance du parti modéré ne consistait que dans l'union intime d'éléments hétérogènes, que toute recherche d'une satisfaction personnelle n'aboutirait qu'à dissoudre la société au profit de ses ennemis? Menacés par les mêmes dangers, le Président et les nuances diverses de la majorité finiraient-ils toujours par s'entendre? On put en douter dans les premiers jours de l'année.

CHAPITRE II.

LA MAJORITÉ DIVISÉE.

Conditions de l'union dans le parti modéré; Politique personnelle; Décret qui élève l'ex-roi de Wesphalie, Jérôme Bonaparte, à la dignité de maréchal de France; Presse napoléonienne; Le Dix Décembre et le Napoléon; Sympathies compromettantes; Bruits de coups d'État ; Susceptibilité politique; Irritabilité des partis; M. Guizot; Sympathies du Président pour l'armée; Projet d'augmentation de solde pour les sous-officiers; Concurrence dans les partis; Projets similaires; Opinion de la commission; Mise en suspicion du pouvoir; M. Pradié veut organiser la résistance.

Deux votes significatifs : 1o Instituteurs communaux. - Propagation de doctrines anti-sociales. Remèdes à apporter. Loi organique de l'enseignement. Projet de Falloux. - Rapport. Projet du conseil d'État.. Nécessité d'un projet provisoire. La grande et la petite loi. Exposé des motifs du petit projet. État de la question. -- Les commissaires de Satan. L'urgence. Les dissidents de la droite. --- M. Vesin. De M. Molé, M. de Parieu et M. Beugnot. Essai de conciliation. Vote sur l'argence. L'Assemblée partagée en deux camps. titude sur le résultat du scrutin. Scrutin nouveau.

fiances.

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IncerRenouvellement du Élection nou

Lettre de M. Dupin.
Majorité plus nombreuse. La scission persiste.

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La

Conclu

Autre vote significatif. Affaires de la Plata. Traité Le Prédour. diplomatie et les Assemblées populaires. Commission Daru. sion belliqueuse.-M. de Larochejacquelein et M. de La Hitte.-Guerre et négociation. M. Daru. L'abandon ou l'action. - Conclusions absolues. M. Rouher. Memorandum brésilien. Tableau vrai de la situation. La commission hésite. · Discussion confuse. - Amendements. - M. de Rancé. - Négociation armée. le renvoi. - Encore deux camps dans l'Assemblée..

Qui sera responsable.

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La paix ou la guerre

par amendement. Une Algérie à trois mille lieues. Résolution nouvelle Retour aux négociations pacifiques.

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de la commission. - Dangers de la publicité sur les questions extérieures.—
MM. de Laussat et Raudot. L'abandon pur et simple.
Thouars et la guerre. - M. Thiers. Un ancien discours.
Réponse sévère. Ordre du jour pacifique.

-

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Quelques actes empreints d'un caractère de personnalité vinrent ranimer les susceptibilités et les craintes. Par exemple, un

décret du 4 janvier éleva M. le général de division Jérôme Bonaparte, ex-roi de Westphalie, à la dignité de maréchal de France. Les considérants du décret portaient que, par l'effet de la loi du 11 octobre 1848, le général Jérôme Bonaparte était rentré dans la plénitude de ses droits de Français et d'officier général appartenant au cadre d'activité; que, pendant les campagnes de 1807, 1809 et 1812, cet officier général avait exercé, en vertu de décrets impériaux, le commandement en chef, devant l'ennemi, de corps d'armée composés de plusieurs divisions de différentes armes; qu'en 1813 et en 1815, on le retrouvait encore à la tête d'une division, l'un des derniers à remettre son épée dans le fourreau lorsque l'ennemi envahissait la France. Quelle que fût la valeur de ces considérants, on remarqua que le traitement des maréchaux de France (30,000 fr.) se cumulant avec celui de l'activité, s'ajoutait au traitement du gouverneur des Invalides, et on alla jusqu'à dire «Ce n'est pas une promotion, c'est une gratification » (Voyez l'Appendice, p. 3, un décret qui réduit l'un de ces traitements).

:

Cet acte, qualifié de népotisme, ne fut pas, au reste, l'occasion de dissentiments sérieux. On attaquait moins le gouvernement dans ce qu'il faisait que dans ce qu'on prétendait qu'il voulait faire on accusait moins ses actes que ses intentions. Il faut le dire, le Gouvernement prêtait le flanc à ces accusations en exposant à la critique passionnée autre chose que des faits. L'apparition de feuilles hebdomadaires compromettantes par leur langage, par leurs allusions, par leurs réticences, par leur franchise, par leur inexpérience des habitudes de la presse, permit de faire remonter jusqu'au président de la République une part de responsabilité. Le Dix décembre et, plus tard le Napoléon (8 janvier) ouvrirent une porte à des impatiences mal déguisées, à de maladroites sympathies: de là des inquiétudes quelquefois justifiées par l'imprudence des paroles. Ces bruits de coups d'Etat périodiquement renouvelés, ces alarmes incessantes, à quoi fallait-il les attribuer? à la constitution, disaient les uns, à cette charte démocratique qui a si bien combiné les choses qu'il n'existe pas un moyen légal de rétablir l'harmonie entre les pouvoirs, si par malheur cette harmonie venait à être troublée; de

sorte que chaque difficulté peut donner lieu à un conflit, et chaque conflit dégénérer en guerre civile. La faute en est, disaient. les autres, à l'opinion publique qui s'obstine à ne pas croire que la République soit le gouvernement naturel de la France. Accusez-en, disaient ceux-ci, les partis extrêmes, dont tous les efforts semblent tendre à déshonorer la liberté par la licence, et à ne laisser à la société que l'alternative de périr ou de chercher son salut dans l'emploi des remèdes héroïques. Ceux-là enfin, remontant jusqu'au pouvoir lui-même, trouvaient la cause de ces rumeurs dans les excitations, dans les équivoques de langage de la presse napoléonnienne.

La susceptibilité des partis était telle qu'on voulut donner à la publication d'un livre déjà connu l'importance d'un événement. Il est vrai que ce livre portait le nom d'un des plus grands hommes d'État de la dernière monarchie. M. Guizot venait d'ajouter à son Histoire de la révolution de l'Angleterre une Introduction où la curiosité chercherait vainement des analogies ou des allusions. On voulut voir un pamphlet dans ce livre. Lu par son illustre auteur à l'Académie, un brillant tableau de la restauration des Stuarts fut applaudi par les uns comme un souvenir, par les autres comme une espérance.

On voit combien la fibre politique était irritable. Aussi, attacha-t-on une grande importance à l'interprétation d'une tentative qui, en tout autre temps, eût honoré le pouvoir en révélant ses intentions d'améliorer les situations les plus respectables.

Notre armée, disait un organe assez mollement désavoué de la présidence, notre armée est une des meilleures et des mieux organisées de l'Europe; mais il lui manque une chose essentielle, d'anciens sous-officiers. En effet, tandis que, dans les pays étrangers, les soldats qui deviennent sous-officiers demeurent tels toute leur vie, il arrive qu'en France, à cause de l'avancement auquel ils ont droit, la plupart des sous-officiers se retirent du service dès qu'ils perdent l'espoir de passer officiers. On annonçait donc un projet de loi tendant à augmenter de 20 centimes par jour la solde de tous les sous-officiers. On s'appuyait sur ces paroles mêmes de Napoléon :

<< Il faut encourager par tous les moyens les soldats à rester sous les drapeaux, ce que l'on obtiendra facilement en témoignant une grande estime aux vieux soldats. Il faudrait aussi augmenter la solde en raison des années de service, car il y a une grande injustice à ne pas mieux payer un vétéran qu'un soldat. »

Les opinions diverses s'effrayèrent de cette sollicitude peutêtre intéressée pour l'armée. On approuvait la proposition, mais on en jalousait l'initiative. Ce projet inspira à MM. le général Subervie, au colonel Charras et à quelques autres membres de la Montagne l'idée d'une proposition analogue dont voici les termes:

« Art. 1er. A dater du 12 avril 1850, la solde des sous-officiers de tous grades et de toutes armes sera augmentée d'un cinquième dans toutes les positions.

» Art. 2. L'augmentation de dépenses résultant du changement apporté dans les tarifs de solde sera couverte au moyen d'une diminution de l'effectifsoldats, opérée sur l'effectif proposé au budget rectifié du ministère de la guerre. >>

Enfin, le 15 janvier, une nouvelle proposition ayant pour objet l'augmentation de la solde des caporaux, des brigadiers, des soldats et des marins, ouvriers, mécaniciens des flottes à voiles ou à vapeur, était présentée par M. Charles Lagrange.

Le rapporteur nommé par la commission chargée d'étudier ces propositions diverses, M. Piscatory, voulut y voir une intention politique; or, le Gouvernement était l'auteur de l'une de ces propositions. « On semble, dit le rapporteur, se disputer l'honneur de donner à l'armée une plus large part dans le budget qu'elle sait déjà trop lourd pour le pays. L'armée préserve et honore la France par sa fermeté calme et intelligente, par son admirable discipline. Elle n'est soucieuse que de ce grand et noble intérêt. En lui rendant cet hommage, nous sommes les interprètes fidèles de l'Assemblée. »

Somme toute, la commission contestait l'urgence et elle concluait à ce que cette question de solde fût traitée lorsque l'Assemblée s'occuperait de l'appréciation générale des différentes positions dans l'armée. Toutefois, comme un refus absolu eût été trop dur, la commission voulut témoigner à sa façon l'intérêt que lui inspiraient les sous-officiers. S'emparant d'une des raisons se

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