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ciproques des transports entre les pays et sous les deux pavillons français et belge. Les bases sur lesquelles avaient traité les deux négociateurs étaient l'égalité pour le paiement des taxes de navigation dans l'intercourse directe, et la suppression des surtaxes ou droits différentiels sur les marchandises de provenances directes.

La moyenne des transports par mer, entre la France et la Belgique, avait été, pour la période de 1844 à 1848, de 6,185,000 fr. à l'importation, et de 11,155,000 fr. à l'exportation; notre pavillon avait donc un véritable intérêt à la réduction des droits de tonnage, qui avaient pesé jusqu'à ce jour sur les navires français entrant dans les ports de la Belgique ; la marine marchande belge était également intéressée à l'adoucissement des droits frappés sur ses vaisseaux à leur entrée dans les ports de France. Ces droits avaient été, jusqu'à présent, de 2 fr. 22 cent. par tonneau et par voyage, pour les navires français en Belgique, de 4 fr. 12 cent. pour les navires belges en France; ils ne seraient plus désormais, dans l'un et l'autre pays, que de 1 fr. 90 cent. par tonneau, et ne seraient perçus qu'une fois par an sur chaque navire, quel que fût le nombre des voyages.

Quant à une convention plus large qui rapprocherait les marchés des deux pays, il ne fallait pas l'espérer encore, malgré les circonstances favorables qui se produisirent cette année (voyez Étranger, Belgique).

CHAPITRE X.

PROROGATION, BILAN LEGISLATIF.

Luttes politiques, épuisement des partis après le vote de la loi électorale. Demande d'un crédit pour frais de représentation du président de la République, opinions divisées, rapport de M. Flandin, question d'argent et question de dignité, vote favorable.

Prorogation. Commission de permanence, noms significatifs.

Bilan législatif. Ce qu'avait fait l'Assemblée; pourquoi elle n'avait pas fait davantage; relevé des travaux du conseil d'État.

Pendant que l'Assemblée législative discutait ou votait ces lois et ces propositions si nombreuses d'utilité publique, des luttes stériles, c'est-à-dire des luttes politiques, ne venaient que trop souvent détourner l'attention des deux pouvoirs. Après le vote de la loi électorale, les passions qui avaient ou combattu ou patroné cette loi, s'étaient calmées peu à peu une sorte de trève avait été conclue entre les partis épuisés. En vain, à l'occasion d'une demande de crédit pour les frais de représentation du Président, quelques rancunes essayèrent de ranimer le conflit apaisé. La sagesse des chefs de la majorité sut faire éviter à l'Assemblée ce nouvel écueil.

M. le ministre des Finances proposa, le 4 juin, d'élever à 3 millions les frais de représentation du président de la République, que la Constituante, dans les derniers jours de son existence, avait fixés au chiffre de 600,000 fr. Dans la pensée des auteurs de la Constitution, dit M. Fould dans son exposé des motifs, les frais de représentation devaient dépasser de beaucoup

le traitement alloué pour la personne du Président; ce qui n'avait pas empêché la Constituante de les fixer au même chiffre. Aujourd'hui, il n'était douteux pour personne que ces frais ne fussent insuffisants.

Les opinions se divisèrent sur les principales dispositions de ce projet. Beaucoup pensaient qu'il serait impolitique de le rejeter; un tel acte tendrait à déconsidérer le pouvoir exécutif dont il importait de relever l'influence et l'autorité; il en résulterait en outre un affaiblissement fâcheux de l'union qui régnait entre la majorité et le pouvoir exécutif. La France, disaient-ils, exige de ceux qui personnifient l'autorité un certain éclat; la bienfaisance est une des plus impérieuses nécessités du pouvoir, et c'est au chef de l'État que l'infortune s'adresse pour recevoir des secours; c'est encore à lui que les arts, les sciences et les lettres demandent souvent encouragement et protection.

Un certain nombre de membres du parti légitimiste crurent devoir encore dans cette occasion se séparer du Gouvernement. Ils paraissaient craindre surtout que la nouvelle loi n'affectât le caractère d'une dotation permanente. Aussi, étaient-ils d'avis de satisfaire aux embarras actuels de la situation financière du Président, mais sans lui créer une sorte de liste civile. D'autres établissaient des rapprochements injurieux entre la présentation de la loi et la promulgation de la loi électorale: ils entrevoyaient à l'horizon la proposition d'une prorogation des pouvoirs présidentiels.

Enfin, les membres de l'opposition radicale repoussaient le projet comme inopportun, inconstitutionnel et profondément impolitique. Ils pensaient que la dignité du pouvoir n'y gagnerait rien, et qu'il en résulterait un vif mécontentement dans le pays, qui demande avant tout des économies. A leurs yeux, ce n'était pas le Président, c'était le prince qu'on voulait doter.

M. de Mornay fut nommé président de la commission chargée d'examiner le projet. Après deux récusations successives, M. Flandin fut nommé rapporteur. Voici l'état de la question : le président de la République touchait un traitement régulier de 600,000 fr. aux termes de la Constitution; il recevait en outre 600,000 fr. à titre de frais de représentation en vertu d'un décret rendu par

l'Assemblée constituante; en tout, 1 million 200,000 fr. A cette première allocation, le projet de loi soumis à l'Assemblée avait pour but d'ajouter un supplément de 2 millions 400,000 fr. Dans ce chiffre étaient compris 200,000, fr. pour frais de régie, supportés par le Trésor. Sur le crédit supplémentaire demandé par le Gouvernement, la commission proposa d'accorder une somme de 1 million 600,000 fr., à laquelle il était indispensable d'ajouter les 200,000 fr. pour frais de régie, c'est-à-dire que la commission allouait 600,000 fr. de moins que le crédit réclamé par le projet de loi. Le rapport de M. Flandin posa sèchement la question d'argent, laissant de côté la question de dignité politique. Une minorité respectable avait énergiquement combattu cette mesquine attitude ses raisons ne furent pas même reproduites dans le rapport. Aussi, M. Lefebvre-Duruflé présenta-t-il, au nom de cette minorité, un amendement auquel M. Fould donna son adhésion formelle. Cet amendement rétablissait le seul chiffre désormais acceptable et, de plus, réservait les droits de l'avenir. Dans la courte discussion qui précéda le vote, un orateur de l'extrême gauche, M. Mathieu (de la Drôme) donna une leçon de convenance et de dignité aux dissidents de la majorité: « Si vous voulez donner, dit-il, ne marchandez pas; si vous refusez, n'humiliez pas.» Après un appel fait en quelques mots simples et nobles à l'union de la majorité par M. le général Changarnier, l'amendement de la minorité fut voté par 354 voix contre 308, majorité 46 sur 662 votants (24 juin).

Ce fut là le dernier acte politique de cette longue session législative. L'Assemblée sentait le besoin de se reposer de ses travaux et de se retremper à la source électorale. Sur la proposition de M. Sainte-Beuve, et conformément aux conclusions de M. de Montalembert, elle résolut de se proroger du 10 août au 11 novembre (17 juillet. Voyez à l'Appendice, p. 27). Aux termes de la Constitution, l'Assemblée dut nommer, pour la représenter pendant son absence, une commission de permanence. Parmi les vingt-cinq membres élus (Appendice, p. 29), on put remarquer un certain nombre de noms hautement hostiles à la politique personnelle du Président.

Jetons un dernier coup d'œil sur cette session de quatorze mois.

Dans cet espace de temps, l'Assemblée avait voté 341 lois, décrets ou propositions de toute nature. En législation politique et générale, elle avait voté deux lois organiques, l'une qui protégeait le pays menacé, la loi défensive de l'état de siége; l'autre, cette loi si difficile de l'enseignement, à laquelle on ne pouvait refuser d'être un progrès dans la voie de la conciliation et de la liberté. Beaucoup d'autres questions capitales, délicates, avaient été résolues par la Chambre après de sérieuses délibérations: on pouvait critiquer la loi sur les circonscriptions électorales, la loi sur les instituteurs communaux, la loi sur la déportation, la loi sur les clubs, la loi sur le colportage, la loi électorale du 31 mai, la loi sur la presse; on ne pouvait méconnaître leur importance et la forte initiative de l'Assemblée qui les avait portées. Elle avait beaucoup fait pour la défense du pays: si ses efforts avaient été moins heureux du côté des réformes économiques et sociales, était-ce bien elle qu'il en fallait accuser? Oui, elle n'avait guère fait que discuter les grands problèmes d'assistance publique ; oui, elle n'avait pas touché aux questions de tarifs et d'impôts, si ce n'est pour aggraver les charges de la production et de la consommation. Mais à qui fallait-il s'en prendre, si ce n'est à la situation même du pays, à cette crise profonde qui ne permettait. d'aban donner aucune ressource, à ces expériences dangereuses faites par l'Assemblée précédente sur le revenu public. L'Assemblée législative avait eu plus à réparer qu'à construire: elle s'était énergiquement acquittée de cette tâche difficile elle avait su, pour le bien public, braver l'impopularité qui s'attache aux mesures de rigueur et au rétablissement des charges nécessaires.

Élue le 15 mai 1849, réunie le 28 du même mois, elle s'était prorogée le 11 août, avait repris ses travaux le 1er octobre, et les avait suspendus de nouveau le 8 août 1850, bien que la prorogation nouvelle ne fût indiquée que pour le 11; elle avait donc siégé pendant treize mois et vingt-deux jours. Rappelons avec leurs dates les votes les plus importants parmi les 344 de la session. Loi qui interdit les clubs et suspend le droit de réunion (19 juin 1849). Loi qui modifie les articles 64 et 67 de la loi sur la garde nationale, relatifs au commandement de la garde natio

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