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questions financières ou économiques qui intéressaient le pays. Quelques-unes avaient cependant une sérieuse importance.

Citons, en premier lieu, un projet relatif au régime des céréales et des denrées alimentaires. Les protectionistes voulaient, ou faire adopter le système de l'échelle mobile, ou faire élever à 1 fr. 50 c. le droit fixe sur les céréales. Le projet ministériel proposait 50 c. par 100 kilogrammes. Une transaction se fit au moment du vote, et le droit fut fixé à 1 fr. La liberté commerciale fait des progrès en Belgique, et, le bon sens du pays aidant, son règne ne peut tarder longtemps encore.

En revanche, et comme sous une influence toute contraire, les Chambres belges renforçaient l'intervention de l'Etat dans le système financier du pays. Nous avons déjà esquissé l'histoire des établissements de crédit en Belgique (voyez l'Annuaire pour 1848). Ces établissements, au nombre de deux, la société générale et la banque de Belgique, n'avaient échappé à la crise de 1848 que par la protection de l'Etat et par la mesure des cours forcés. Malgré des secours nombreux qui avaient engagé l'Etat pour 54 millions, ces deux banques étaient dans une position précaire. Une loi du 5 mai supprima les deux établissements particuliers, les fondit dans une seule banque dite banque nationale belge, décréta (Art. 14) l'admission de ses billets en paiement dans les caisses de l'Etat, et l'autorisa à émettre 40 millions de fr. en billets, sur garantie d'un capital de 25 millions. Les opérations commenceraient le 2 janvier 1851. M. de Haussy, ministre sortant de la Justice, fut placé à la tête de la Banque nationale dont la création était l'œuvre spéciale de M. Frère-Orban, ministre des Finances.

La création, sous la garantie et la direction de l'Etat, d'une caisse de retraite fut un autre pas fait dans cette voie fâcheuse de l'intervention gouvernementale. Sans doute il fallait reconnaître dans quel excellent esprit et avec quelle intelligente sollicitude l'administration belge s'occupait des questions intéressant les classes laborieuses. Déjà, l'année précédente, une série de mesures avaient été réalisées en faveur de ces classes, soit législativement, soit par la voie administrative. Ainsi, des modifications avaient été introduites pour elles dans les lois d'impôt; des ef

forts avaient été tentés et se poursuivaient pour l'assainissement des quartiers et des maisons qu'elles habitent, ainsi que pour améliorer leur hygiène; le Gouvernement avait décrété des bibliothèques et des collections d'images populaires qui iraient répandre dans tous les rangs du peuple les notions pratiques et la connaissance des faits de l'histoire nationale. L'enseignement agricole avait été fondé et avait reçu un commencement d'organisation; le Gouvernement s'occupait aussi de poser les bases de l'enseignement professionnel de l'industrie; quelques conseils municipaux, celui d'Anvers par exemple, étudiaient sérieusement la question de l'abaissement du prix de la viande au poids. Mais instituer une caisse générale d'assurances sur la vie, dont le premier objet serait de garantir une retraite aux ouvriers prévoyants, faire administrer cette caisse par cinq membres à la nomination du roi, charger le Trésor de transformer les fonds versés en inscriptions au grand-livre, fixer législativement le taux de l'intérêt et les chances de mortalité; ce n'était pas autre chose, avec les meilleures intentions du monde, que faire du communisme administratif.

Le budget de 1850 portait les dépenses à 114,677,172 fr. Mais déjà, au bout de quatre mois, les crédits supplémentaires élevaient ce chiffre à celui de 116,755,172. Le budget des voies et moyens ne montant qu'à 115,910,820, il fallait prévoir un excédant de dépenses assez notable. Voici les chiffres détaillés des exercices avec comparaison de 1850 avec 1849.

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Dette publique.

(Y compris les crédits supplémentaires jusqu'en mai 1850.)

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Dotations.

3,408,075

3,404,423

Ministère de la justice.

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Le seul budget dont la discussion fut un peu vive fut celui de la guerre. On réclamait des réductions assez fortes mais le moment eût été mal choisi pour désorganiser l'armée. Il y aurait eu plus que de l'imprudence à la Belgique à ne pas conserver une armée assez forte pour faire respecter au besoin son indépendance et sa neutralité.

A l'histoire financière de 1850 se rattache une mesure assez importante. A l'imitation d'un pays voisin, la Néerlande, le Gouvernement saisit les Chambres d'un projet tendant à rapporter l'art. 1er de la loi du 31 mars 1847, décrétant la fabrication de pièces d'or de 10 et de 25 fr. Le Gouvernement demandait de plus l'autorisation de faire cesser le cours légal des pièces fabriquées jusqu'à concurrence de 14,646,025 fr. Une commission nommée par la Chambre des représentants approuva, par l'or

gane de M. Cools, la première demande : mais elle ne pensa pas qu'il y eût lieu, quant à présent, de faire cesser le cours légal des pièces en circulation. Elle refusa également d'adhérer à une disposition en vertu de laquelle toutes les monnaies d'or étrangères cesseraient immédiatement d'avoir cours légal en Belgique ; mais elle proposait d'autoriser le Gouvernement à mettre hors de cours, par arrêté royal, les monnaies décimales d'or françaises, si le système français venait à être modifié.

En 1847, le Gouvernement belge avait voulu, lui aussi, avoir sa monnaie d'or nationale. Dans le but d'empêcher l'exportation et par dérogation à la loi monétaire de 1832, qui assimilait exactement les monnaies belges au système français, il fit des pièces de 10 fr. et de 25 fr., au poids réduit de 2 pour 010, de sorte que la pièce marquée 25 fr. ne valait intrinsèquement que 24 fr. 25 c., valeur intrinsèque inférieure à celle des guillaumes de Hollande et des souverains anglais, qu'on démonétisait.

Bien que la loi du 31 mars 1847 autorisât le Gouvernement belge à l'émission d'une somme de 20 millions de ces pièces, il n'en fut frappé que pour 14 millions 646,025 fr. Aujourd'hui il était devenu nécessaire de retirer ces pièces de la circulation. Mais ce qui l'était moins, c'était de prendre les deux autres mesures que désapprouvait la commission, et que le ministère parvint à faire voter par les deux Chambres. Les raisons sur lesquelles il appuyait ses propositions disparurent presqu'en même. temps que la loi était promulguée. La baisse excessive du change sur Londres avait amené à Paris une importation considérable de souverains, et leur transformation en pièces de 20 fr. avait fait disparaître la prime qui existait sur ces dernières. Mais ce n'était là qu'un accident et le cours du change ne tarderait pas à se relever. La loi sur l'or, votée le 24 décembre à la Chambre des représentants, le 28 au Sénat, fut promulguée le 29 (voyez le texte à l'Appendice).

Parmi les lois secondaires votées dans la session, il faut citer encore une loi soumettant les faillites à un contrôlé légal que ne garantissait pas suffisamment la loi de 1807; une loi sur l'exercice de la médecine vétérinaire; une loi sur le régime des aliénés.

Mais l'intérêt réel de la session fut dans les développements constitutionnels de la loi d'enseignement votée l'année précédente.

Tandis qu'en France l'expérience des progressions logiques de l'esprit révolutionnaire éloigne chaque jour davantage les hommes les plus vraiment libéraux de l'athéisme gouvernemental, la Belgique tend de plus en plus à quitter cette belle et forte position qu'elle avait prise à la tête des nations catholiques. L'esprit révolutionnaire s'y introduit sourdement et on peut le reconnaître déjà dans la direction nouvelle imprimée à l'enseignement public. A l'esprit de liberté, succède l'esprit de privilége: à la doctrine bienfaisante et religieuse, la doctrine dissolvante et impie, patronée par le Gouvernement lui-même. Tous les efforts de l'esprit prétendu libéral sont tournés vers la création d'une Université. L'État se fait instituteur laïque, en attendant qu'il devienne, comme ailleurs, instituteur athée.

Dans la dernière session, sous la pression des événements du dehors, la réforme électorale et la réforme parlementaire avaient servi de soupape au bouillonnement des ferments démocratiques. Le libéralisme constitutionnel, ce préparateur naturel des institutions révolutionnaires, ne devait pas tarder à commencer l'attaque. Il s'en prit, comme partout, à la base même des institutions conservatrices, à l'enseignement. Jusque-là la Belgique avait eu le rare bonheur de conserver la foi religieuse : il fallait lui enlever le bouclier qui la couvrait contre les coups de la démagogie. Le ministère libéral se chargea de cette tâche. Il fut décidé que les jurys chargés de la collation des grades académiques seraient désormais composés en nombre égal de professeurs de l'enseignement privé et de professeurs de l'enseignement officiel. Il fallait abattre cette Université catholique de Louvain qui fait la gloire de la Belgique : on accorda aux deux Universités de l'Etat et à l'Université libre de Bruxelles le privilége de la jouissance exclusive de soixante bourses. Cette loi fut votée à la Chambre des représentants, par 62 voix contre 22; au Sénat, par 28 contre 18.

L'organisation définitive des colléges soutenus par l'Etat fut proposée, dans la session de 1850, dans un projet sur l'enseigne

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