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QUATRIEME FAIT.

"Dans la séance du 6 de ce mois, le rapporteur Valazé a fait lecture d'une note trouvée chez moi sur un nouvel ordre de chevalerie de la reine; et pour donner plus d'importance à cette pièce qui a excité, avec grande raison, une risée générale dans l'assemblée, il a dit qu'elle avoit été trouvée dans mon portefeuille. Le rapporteur Valazé s'est trompé, et si l'assemblée veut bien se faire représenter le procès-verbal de la levée des scellés qui avoient été mis chez moi, elle y verra que ce n'est dans aucun de mes porte-feuilles que cette pièce a été trouvée, mais, puisqu'il faut le dire, dans le sceau de fayence qui étoit dans ma garde-robe. Il eut été difficile d'en faire usage si on ne l'eut pas séparée d'un billet d'envoi qui étoit dans le même sceau ; ce billet, daté des premiers jours de septembre ou d'octobre 1790, étoit à-peu-près conçu en ces termes : « Je · vous envoye la note, dont je vous ai parlé avant-hier; je vous préviens que je la tiens d'une personne dont la tête est exaltée, ainsi vous en croirez ce que vous voudrez. » Le lieu où elle a été trouvée prouve que

j'en avois porté le même jugement que la

convention nationale.

"Les membres du comité de surveillance de la commune, qui firent l'examen de tous les papiers contenus dans ce sceau, et qui y employèrent près de neuf heures, suivant le rapport de la personne qui y assistoit pour moi, y trouvèrent aussi une liste du coinité autrichien, composée d'environ trente noms tous fabriqués, et ils s'empressèrent de saisir cette pièce qu'ils regardèrent d'abord comme une découverte très - importante. Heureusement la clef de ces noms se trouvoit écrite en seconde colonne sur la même page, et on y lisoit ceux de MM. Syeyes, Condorcet, Brissot, Robespierre, etc. etc. Mais si la clef eut été écrite sur une feuille différente, et qu'on eut pu la séparer de la liste aussi aisément qu'on a séparé la note sur l'ordre de chevalerie de la reine, du billet d'envoi, on auroit pu alors employer cette liste comme une grande preuve de l existence du comité autrichien.

» Tels sont les faits que j'ai cru devoir faire connoître à l'assemblée, et dont l'exactitude sera constatée par les preuves que je cite, et qu'elle pourra faire vérifier, ou par

les témoins que j'indique et qui pourront être entendus. J'en aurois eu un bien plus grand nombre à présenter, si les catastrophes du mois de septembre n'avoient pas mis en fuite ou fait périr les personnes qui auroient pu en attester la vérité, ou en rapporter des preuves écrites. »

Signé, DE BERtrand.

CHAPITRE XXX I X.

La convention reprend les discussions relatives au procès du roi. Plusieurs émigrés demandent qu'il leur soit permis de défendre le roi. Papiers adressés par moi au ministre Garat, pour être transmis au roi. Moyens employés avec succès pour calmer la furie de Danton.-Ma lettre à M. de Malesherbes. - Sa réponse. Déclaration de M. de Bouillé. Deuxième lettre de M. de Malesherbes. Dénonciation des prévarications commises dans le procès du roi. Réponse de M. de Malesherbes, relativement aux déclarations de M. de Bouillé.

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L'AVIDITÉ extrême, la satisfaction générale avec lesquelles on recevoit les pièces favorables au roi, multiplioient journellement ces écrits et ranimoient les espérances des royalistes. La convention alarmée, incertaine des sentimens réels du peuple, avoit suspendu quelques jours les discussions relatives au

procès, mais on les reprit le 23 novembre, sur la motion de Couthon, l'un des tigres les plus odieux de cette assemblée.

Tous les départemens s'étonnent, dit-il, que nos discussions s'arrêtent sur le destin du ci-devant roi. Toutes les traces de royauté s'évanouirent, je le sais, lorsque nous proclamâmes la république; mais les nations étrangères vous observent. Vos ennemis veillent sur vous, et le peuple réclame la justice qui lui est due. Je ne vous engage pas à consacrer tous vos momens à cette affaire; mais je demande que vous lui assigniez deux jours fixes par chaque semaine, en commençant du mercredi 28 novembre. "

Cette proposition fut adoptée.

Aussitôt que nous eûmes appris cette désastreuse nouvelle, quelques-uns des plus distingués orateurs connus dans l'assemblée constituante, et nommément MM. Cazalès, Malouet et Lally, adressèrent leur requête à l'assemblée pour qu'il leur fût permis de défendre le roi. Il étoit peu probable que l'on y consentît; cependant Malouet et Lally préparèrent leurs plaidoyers. Celui de M. Malouet, terminé en peu de jours, me parut fait pour produire la plus grande sensation,

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