DES TRAITÉS DE PAIX, ENTRE LES PUISSANCES DU NORD DE L'EUROPE, DEPUIS LA PAIX DE STETTIN EN 1572. QUATRIÈME PÉRIODE, OU HISTOIRE DES TRAITÉS DE PAIX DU DIX-HUITIÈME SIÈCLE, DEPUIS LE PREMIER PARTAGE DE LA POLOGNE, ET DE CEUX DU DIX-NEUVIÈME. CHAPITRE LX. Traités de Varsovie , relatifs au. pre mier partage de la Pologne en 1773. · Reperies qui ob similitudinem morum aliena male facta sibi objectari putent. Tacite. Le partage de la Pologne, en 1772, est un Introduc ior. des événemens les plus mémorables du dix 1 huitième siècle. En réfléchissant aux résultats Le partage de la Pologne a été une consé- État de la Poa logne. république. Nous avons vu dans les chapitres précédens les Polonois former un état grand et considéré, une nation puissante et respectée de ses voisins. Nous avons vu ensuite la décadence de la république en proie aux factions, et exposée tour à tour aux invasions des Turcs , des Russes et des Suédois, dont elle ne put se délivrer qu'en leur abandonnant ses plus belles provinces. Ce fut à cette époque que Jean-Casimir, dernier roi de Pologne de la maison de Wasa , prédit à la république le sort qui la menacoit. Dans un discours qu'il adressa, en 1661, à la diète assemblée, il dit : « Au milieu de nos divisions intestines, nous avons à craindre l'invasion et le démembrement de la république. Le Moscovite, Dieu veuille que je sois un faux prophète, envahira les peuples qui parlent sa langue et le grand-duché de Lithuanie ; la Grande-Pologne et la Prusse deviendront le partage de la maison de Brandebourg , et l’Autriche ne s'oubliera pas dans ce déchirement général: son lot seront Cracovie et les pays quien dépendent » 1. Jean Sobieski, qui régna de 1674 à 1696, rétablit la réputation militaire de ses compatriotes ; mais il ne put remédier aux maux invétérés de l'état. Après lui , la corruption fit des progrès rapides parmi ceux qui étoient placés à la tête du gouvernement; la nation dė 1 LUNIG11 Orat. procerum Europæ. Lips. 1713, P. II, P. 243. généra de plus en plus, et le moment approche où la prédiction de Jean-Casimir devoit être: accomplie. A une époque où, dans la plupart des états destinés à jouer un rôle sur le théâtre de l'Eur rope, l'aristocratie des nobles avoit fait place à la monarchie , seul gouvernement qui puisse convenir à un grand peuple ; daus un temps où l'établissement d'un ordre de succession héré. ditaire avoit consolidé les trônes, les Polonois rendirent le leur électif, et changèrent une monarchie en une hideuse aristocratie, tyran-., nisant le roi et opprimant le peuple. Les élections qui offroient un vaste champ à l'esprit de parti et à l'intrigue, fournissoient aux puissances étrangères une occasion pour se mêler des affaires intérieures de cette république, dont les membres se vendoient au plus offrant. La constitution même de la république leur en donnoit un moyen. La diète réunissoit l'exer- .. cice de tous les pouvoirs suprêmes, et néanmoins il étoit libre au dernier gentilhomme de paralyser ses résolutions en leur refusant son suffrage. Ce droit absurde, destructif de tout ordre social, s'appeloit le liberum velo. Pour en corriger l'abus, on avoit imaginé les confédérations, remède presque pire que le mal, puisqu'il légalisoit l'insurrection. Toytes les fois qu'un certain nombre de nobles se proposoient un but déterminé, ils se formoient en corps et réunissoierit leurs efforts pour atteindre ce but A ces associations particulières accédoient successivement les nobles de tout un cercle, d'un palatinat, d'une province ; enfin ces confédérations particulières se changeoient en confédération générale , qui, paroissant, à ce titre, à la diète , s'en arrogeoit l'autorité. Chaque confédération se donnoit des lois et une constitution particulière; mais un caractère qui leur étoit propre, c'est qu'elles formoient leurs décrets à la pluralité des voix, tandis qu'aux diètes ordinaires, qu'on appeloit libres, rien ne pouvoit se faire sans que les suffrages fussent unanimes. Enfin, pour achever le tableau politique de la Pologne, nous dirons , avec un écrivain célèbre : « Demeurés seuls, sans subordination, sans armée régulière , sans tiers-état, sans finances, sans commerce, sans artillerie respectable et sans forteresse, les Polonois ne pouvoient opposer à leurs voisins qu'une valeur inutile et le souvenir de leurs anciennes victoires »'. La différence des religions dans les derniers siècles devint une nouvelle occasion de troubles et de discorde. Les provinces de la Lithuanie qui, anciennement, avoient fait partie de l'empire de Russie, renfermoient une foule de chrétiens orientaux non soumis à l'église latine, qu'on appelle Grecs. Tout le zele du clergé 1 M. de Ségur, Tableau hist., et polit. de l'Europe, Vol. I, p. 165. |