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suffisamment éclaircie, il fut décrété, sur la motion de M. Beaumetz, que la décision ne pourroit avoir lieu avant le 10 septembre; et qu'en attendant, cette question seroit discutée tous les jours consacrés aux finances,

Séance du soir 28 août. M. Regnier fit le rapport de l'affaire de M. Mirabeau le jeune, dont nous avons déjà présenté (1) l'apperçu, Ce rapporteur, après avoir caraçtérisé les faits et indiqué qu'il y voyoit un délit militaire, proposa de décréter qu'il y avoit lieu à accusation contre lui, et de renvoyer l'instruction et le jugement de l'accusation à un conseil de et guerre, que le roi seroit prié de faire exécuter le dé

cret,

Mirabeau l'aîné monta à la tribune pour annoncer qu'il n'étoit nullement préparé ; et il demanda la permission d'observer qu'il avoit paru à plusieurs de ses collègues comme à lui, que l'accusé ayant envoyé sa démission, il n'y avoit lieu à délibérer sur l'affaire que l'on présentoit aujourd'hui. « J'avois sommeillé, dit-il, dans cette péril

(1) Voyez la séance du 18 juin 1790i

leuse sécurité, et comme il est bien difficile d'improviser sur une pareille matière, surtout lorsqu'il s'agit de la défense d'un frère, si l'assemblée vouloit' porter une décision autre que celle que mon frère a anticipée lui-même, je veux dire, ce renvoi à un conseil de guerre, je supplierois d'ajourner cette affaire à jour fixe. Je prendrai aussi la liberté d'observer que si vous ne la regardez que d'un côté, vous la verrez toujours à travers le miroir infidèle des passions. C'est par une erreur excusable, sans doute, mais bien passable, qu'on vous a entretenus d'une déchirure de drapeaux, à propos d'enlevement de cravattes. Le régi ment de Touraine, connu par ses services, distingué sur-tout en Amérique, en est revenu avec des drapeaux si déchirés, qu'il étoit impossible de les déchirer encore. Si, dans cette affaire, je ne puis porter la parole comme juge, je la porterai du moins comme avocat de mon frère, comme examinateur, à mon tour, de la conduite du régiment de Touraine. Je m'en remets à votre justice et à votre bonté pour fixer le jour que vous croirez convenable ».

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L'ajournement fut prononcé au jeudi sui

vant.

Dans cette dernière séance, Mirabeau s'attacha moins à justifier son frère qu'à prouver qu'il ne pouvoit être soumis à la jurisdiction de l'assemblée, puisqu'il avoit donné sa démission.

Voici comment il s'exprima :

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Lorsque je demandois

que

l'affaire de M. Riquetti le jeune fût ajournée, c'étoit moins pour entrer dans les détails de cette affaire que pour former et donner mon opinion personnelle. L'intérêt personnel de mon frère est que sa cause soit jugée par un conseil de guerre, qui pourra décider avec équité jusqu'à quel point l'agresseur peut excuser la conduite de l'offensé, et quel est l'agresseur d'un régiment rebelle ou d'un colonel qui veut le maintenir dans le devoir. M. Riquetti le jeune ayant donné sa démission, ne doit plus jouir des immunités de cette assemblée; il n'est plus votre justiciable; vous n'êtes pas libres d'accepter ou de refuser sa démission; vous ne pouvez forcer un homme à exercer des fonctions dont il veut se démettre : je demande qu'attendu la démission de M. Riquetti le jeune,

l'assemblée nationale décide qu'il n'y a pas

lieu à délibérer».

Ce

moyen

de défense ne fit aucune impression sur l'assemblée. On répondit que la démission étoit donnée, mais qu'elle n'étoit pas acceptée; et l'assemblée nationale décréta qu'il y avoit lieu à accusation contre M. Mirabeau le jeune.

PRÉSIDENCE DE M. DE JESSÉ.

Du 30 août au 11 septembre 1790%

31 aoilt au soir. On a vu plus haut que l'assemblée avoit renvoyé (1) au comité des rapports l'examen des pièces de l'affaire des 5 et 6 octobre. Dans cette séance on fit lecture d'une lettre du président de ce comité, qui demandoit que la procédure relative à cette affaire fût imprimée, afin de mettre chaque membre à portée d'apprécier ou de combattre l'avis du comité.

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Mirabeau, en rendant justice aux motifs d'honneur et d'équité qui portoient le co

(1) 7 août. Voyez aussi les séances des 1er, et 3 octobre 1790.

mité à écrire cette lettre, observoit que douze cents rôles de procédure seroient fort longs à imprimer, que cette affaire demandoit la plus grande célérité; c'est pourquoi il pensoit que le comité devoit faire som rapport aussi-tôt qu'il seroit en état de le soumettre à l'assemblée. « Le comité, disoitil, veut éclairer l'opinion publique et donner les pièces justificatives de son rapport; mais son intention ne peut être de laisser pendant plusieurs semaines les accusés; je ne dis pas dans les angoisses, mais dans les soupçons odieux dont on cherche à les environner. Je sais que l'on cherchera des motifs secrets dans cette publication; mais tout m'est égal, puisque tout sera connu. Je dis tout m'est égal, car je ne suis pas assez modeste pour ne pas ne pas savoir que dans le procès fait à la révolution je devois tenir une place. (On applaudit à deux reprises différentes.) Sans doute, cette affaire sera le monument le plus honorable de l'équité de cette assemblée. Il est de notoriété publique que le rapporteur est prêt; que le comité a fixé son avis. L'intérêt des accusés doit toujours passer avant celui des juges; l'intérêt des accusés est la plus prompte

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