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insensibles et qui redouteroient la vérité; de repousser un fils qui vient parler pour son père, en lui opposant des fins de nonrecevoir.

MIRABEAU.

<< Il me semble que le préopinant se trompe également, et dans l'objet qu'il nous suppose et dans les motifs de sa compassion vraiment généreuse. L'assemblée juge-t-elle › lorsqu'elle demande des motifs? Au con-i traire, elle suspend sa délibération. Nul autre ne peut rendre compte des motifs du magistrat que le magistrat lui-même. Je vais plus loin; si le réquisitoire est un délit, vous avez le corps de délit, et quels que soient les motifs qui ont dicté cet acte, il n'en est pas moins ce qu'il est ; vous pourriez le juger. On vous propose de demander les motifs; cette modération convient toujours à une assemblée législative. Je ne crois pas que le président de la chambre des vaca tions mérite le même sort que le procureurgénéral je ne trouve qu'une faute dans l'arrêt; l'injonction faite aux municipalités est inconstitutionnelle; il faut apprendre, aux parlemens qu'ils n'ont rien à enjoin

:

dre et à ordonner aux municipalités. M. Dudon fils fut admis à la barre. Le projet du comité fut adopté, et cependant l'assemblée nationale prenant en considération le grand âge du sieur Dudon, le dispensa de se rendre à la barre, et lui ordonna de rendre compte par écrit de sa conduite (1).

6 mars. Un des secrétaires faisoit lecture d'un mémoire de M. Necker sur l'état des finances du royaume, lorsqu'un incident qui occasionna beaucoup de mouvement dans l'assemblée suspendit cette lecture.

Un suppléant se trouvoit assis parmi les députés, le président en ayant été prévenu, le fit inviter à se retirer. Sur sa résistance, le président donna des ordres à l'officier de

(1) Depuis, M. Dudon a adressé ses moyens de justification, et le président de la chambre des vacations exposa les siens à la barre (le 8 avril 1790); mais T'assemblée jugeant que nulle interprétation ne pouvoit excuser le réquisitoire du procureur général, adopté par la chambre des vacations, improuva ( par son décret du 24 avril) ce réquisitoire, et ordonna que le président de cette chambre seroit mandé à la barre pour entendre ce décret

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garde pour l'y contraindre. On s'apperçut qu'en se retirant, cet étranger lançoit des regards sur le président et le menaçoit du geste. Aussi-tôt une partie de la salle se leva pour demander qu'il fût arrêté.

« Ce n'est ni à vous, dit Mirabeau, en s'adressant au président, ni à nous de remettre une telle offense; c'est la dignité de la nation qui est blessée par cet outrage fait à l'assemblée: je demande que le coupable soit jugé à l'instant même ».

Le président ayant sollicité l'indulgence et le dédain de l'assemblée pour un délit qui ne méritoit que la pitié. Mirabeau répliqua : « que le président ne pouvant en aucun sens regarder cette offense comme personnelle, c'étoit pour cela même que l'assemblée nationale devoit la venger; il insista sur un prompt jugement, et demanda qu'on prononçât contre le délinquant un emprisonnement de 24 heures.

Au moment même le président reçut une lettre du suppléant, par laquelle il déclaroit n'avoir pas eu la démence de rien adresser d'injurieux à l'assemblée. On se contenta d'insérer cette lettre dans le procès-verbal,

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9 mars, séance du soir. Le rapport de M. Brevet de Beaujour (1), sur l'affaire de Marseille, a justifié la mesure prise par l'assemblée nationale, le 30 janvier dernier, de renvoyer cette affaire au nouveau comité des rapports; ce n'étoit plus les mêmes faits, -les mêmes causes l'affaire avoit comme changé de face. Le rapporteur, au milieu des applaudissemens, conclut à renvoyer les accusés devant les juges de la sénéchaussée de Marseille, et les pièces du procès devant le châtelet de Paris.

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Dans cette séance, M. l'abbé Maury parla pendant près de deux heures pour justifier le prévôt de Marseille. On lui contesta un très-grand nombre de faits pour infirmer, par exemple, le témoignage d'un avocat (M. de Ceitré), M. l'abbé Maury disoit que cet avocat, convaincur dans une affaire d'avoir été un calomniateur, avoit été interdit pendant 20 aus de ses fonctions. Là-dessus

(1) Dans la séance du samedi soir 6 mars, nous avons déjà fait connoître les circonstances de cette affaire, et à cet égard on voudra bien recourir aux séances des 5 et 25 novembre, 8 décembre el 30 janvier dernier.

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étoit vrai que l'avocat de Ceitré, dont il étoit question, n'étoit la même per

sonne.

pas

Mirabeau se leva aussi-tôt. J'interpelle ici M. l'abbé Maury de dire qui lui a fourni ce fait; quel est le dénonciateur : je demande encore s'il est permis à un membre de la législature d'être de mauvaise foi?

M. l'abbé Maury. Les juges de Marseille m'ont fait passer ces pièces.

MIRABEA U.

Quels sont ces juges? comment ces pièces sont-elles au procès ? où est la lettre d'envoi? je demande une réponse cathégorique. Si vous ne répondez pas, je vous interpelle d'un faux.

L'ABBÉ MAURY.

Je réponds à l'interpellation de M. de Mirabeau, en lui disant qu'au lieu de se fâcher des avantages que je puis lui donner sur moi, il doit s'en féliciter; car il en a besoin. Il chercha ensuite à ravaler la mu nicipalité actuelle de Marseille, et finit son

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