Page images
PDF
EPUB

Sixième inculpation.

On avoit ouï-dire M. Mirabeau que le peuple avoit besoin quelquefois qu'on lui fit faire le saut dù tremplain. Quel fondement à faire sur des Qui-dires?

Septième inculpation.

M. d'Orléans

étoit déterminé à passer en Angleterre ; Mirabeau, pour l'en détourner lui dit, que l'on n'avoit contre lui que des indices, et que son départ alloit produire des preuves. C'est encore un ouï-dire....

Pour retenir M. d'Orléans, Mirabeau devoit le dénoncer à l'assemblée nationale. Il reçut ce billet de M. d'Orléans : « J'ai changé d'avis, ne faites rien; nous nous verrons ce soir ». Mirabeau le donna à lire à ses voisins; où est le mystère ?

Voilà l'énumération complette et fidèle des charges contre Mirabeau,

[ocr errors][ocr errors]

Le rapporteur, après avoir recherché également si M. d'Orléans avoit eu part aux causes et aux effets de l'insurrection du peuple, résuma les preuves, posa les prins cipes, et conclut qu'il n'y avoit lieu à accusation.

Aussi-tôt après M. de Bonnai entreprit de justifier des gardes-du-corps à qui l'on reprochoit des repas fraternels. Il ne s'étoit pas attendu à entendre un vrai modèle de plaidoyer des grands criminels.

<<< Mirabeau pensoit que ce rapport në pouvoit être trop tôt distribué; il étoit temps, disoit-il, que cette question qui couvre de blâme quelques membres de l'assemblée fût profondément discutée ; il demandoit qu'il lui fût permis d'inviter M. de Bonnai à plaider contre les grands criminels, et il protestoit de ne point prendre sa revanche sur le repas fraternel dont il avoit fait l'apologie ».

Avant que la discussion ne commençât, M. Goupil demanda que les témoins fussent tenus de s'abstenir de toute espèce de délibération.

M. Dubois de Crancé pensoit que ceux des députés qui avoient déposé ne rien savoir ne devoient pas être compromis avec ceux qui avoient chargé les accusés.

Mirabeau appuya cette réflexion. « Je suis sans intérêt, dit-il, sur la décision de la question incidente, car je suis absurdement inculpé, mais pas accusé. Je ne puis

m'empêcher de dire que la précipitation de la délibération seroit dangereuse. Il est clair que si la scélératesse eût été aussi habile qu'elle a été effrontée, on nous eût aussi ôté les plus chers amis de la liberté. Je remarque un juge, (il en est peut-être davantage). Connu par son immaculée probité; lui qui, de notoriété publique étoit parfaitement étranger à tous les événemens, il a été assigné afin de ne pas souiller la pureté de ses collègues, en s'asseyant au milieu d'eux pour juger cette affaire; il est parmi les témoins des amis de la liberté, qui, malgré qu'ils aient répandu par-tout qu'ils ne savoient rien, ont été assignés. Je vous demande donc d'ajourner du moins une pareille question, ou bien de discuter surle-champ, s'il n'est pas clair que leur dénégation ne les met pas dans l'empêchement de voter ».

L'assemblée décréta que ses membres témoins, à l'exception de ceux qui avoient déclaré ne rien savoir, se tiendroient à l'écart dans une partie de la salle.

Ces préliminaires décidés, on entra dans la discussion du rapport de M. Chabroud. Les mêmes raisons qui nous ont empêchés

de tracer l'analyse de ce grand travail, nous dispensent de nous étendre sur les disctissions qu'il fit naître. Nous ne parlerons donc que du discours de Mirabeau (1), qui, à tant de titres, devoit attirer toutes les attentions.

« Ce n'est pas pour me défendre que jë monte à cette tribune; objet d'inculpations ridicules, dont aucune ne m'est prou. vée, et qui n'établiroient rien contre moi lorsque chacune d'elles le seroit, je ne mè regarde point comme accusé ; car si je croyois qu'un seul homme de sens, (j'excepte le petit nombre d'ennemis dont je tiens à honneur les outrages) pût me croire accusable, je ne me défendrois pas dans cette assemblée. Je voudrois être jugé, et votre jurisdiction se bornant à décider si je dois ou ne dois pas être soumis à un juge ment, il ne me resteroit qu'une demande à Faire à votre justice, et qu'une grace à solliciter de votre bienveillance, ce seroit un tribunal.

» Mais je ne puis pas douter de votre opinion; et si je me présente ici,, c'est pour ne

(1) Prononcé le 2 octobre 1790.

pas manquer une occasion solemnelle d'éclaircir des faits, que mon profond mépris pour les libelles, et mon insouciance trop grande peut-être pour les bruits calomnieux, ne m'ont jamais permis d'attaquer hors de cette assemblée ; qui cependant accrédités par la malveillance, pourroient faire rejaillir sur ceux qui croiront devoir in'absoudre, je ne sais quels soupçons de partialité. Ce que j'ai dédaigné, quand il ne s'agissoit que de moi, je dois le sauter de près, quand on m'attaque au sein de l'assemblée nationale, et comme en faisant partie.

» Les éclaircissemens que je vais donner, tout simples qu'ils vous paroîtront sans doute, puisque mes témoins sont dans cette assemblée, et mes argumens dans la série des combinaisons les plus communes, offrent pourtant à mon esprit, je dois le dire, une assez grande difficulté.

» Ce n'est pas de réprimer le juste ressentiment qui oppresse mon cœur depuis une année, et que l'on force enfin à s'exhaler. Dans cette affaire le mépris est à côté de la haine; il l'émousse, il l'amortit ; et quelle ame assez abjecté pour que l'occassion de

« PreviousContinue »