Page images
PDF
EPUB

12 mai. On fit lecture dans cette séance d'une lettre de M. le comte de Saint-Priest, à laquelle étoient jointes copies de cellest écrites à ce ministre, par les officiers municipaux de la ville de Marseille et des officiers de la garde nationale de la même ville. Ces lettres avoient toutes rapport à ce qui étoit arrivé à Marseille; leur contenu différoit de beaucoup.

M.de St-.Priest, dans la sienne, rappelloit la satisfaction qui avoit été donnée à la ville de Marseille, par le renvoi des troupes qui Y étoient en garnison; il parloit de la surprise du fort de Notre-Dame de la Garde, qui avoit eu lieu le 30 avril ; il nioit qu'il eût été fait aucuns approvisionnemens pour les trois forts St.-Jean, St.-Nicolas et celui de Notre-Dame dont on vient de parler. Il retraçoit le meurtre commis en la personne de M. de Bausset, commandant d'un de ces forts; il prévenoit l'assemblée nationale que le roi venoit d'ordonner des informations exactes sur tout ce qui s'étoit passé, et que sa majesté destinoit M. le marquis de Crillon pour commander à Marseille.

Les officiers municipaux, de leur côté, justifioient les désordres qui avoient eu lien

à Marseille, en disant que les commandans ne cessoient de faire des approvisionnemens; que l'artillerie étoit braquée, la méfiance étoit dans tous les esprits, le génie tutélaire n'avoit pu se contenir; que les citoyens ne pouvant plus supporter les vexations dont les commandans s'étoient rendus coupables, se déterminoient à secouer le joug qu'ils. supportoient de puis trop long-teinps; que la garde nationale s'étoit emparée d'abord du fort Notre-Dame de la Garde, et qu'après avoir requis les commandans des autres forts de recevoir une garde, il avoit été stipulé, entre autre choses, que le service des forts St. Nicolas et St-Jean se feroit concurremment entre la garde nationale et la commune.

M. Dandré fit un récit très-circonstancié de ces désordres, en rejettant toute la faute sur la municipalité de Marseille. M. de Castellanet défendit, au contraire, avec chaleur cette municipalité.

M. le duc de la Rochefoucault pensa que l'assemblée devoit réprimer les excès que les ennemis de la révolution avoient excités ; et il proposa un décret dont le principal objet étoit de remercier le roi pour la sa gesse de ses mesures: mais ayant voulu y

ajouter un amendement qui consistoit à mander à la barre deux membres de la municipalité de Marseille, alors Mirabeau s'élançant à la tribune:

« Je commence par faire observer, dit-il, la différence prodigieuse que je trouve entre l'ordre que le roi a fait passer à la municipalité de Marseille et le plaidoyer insidieux, j'ai pensé dire davantage, que son ministre vous a envoyé. Je prouverai, quand il en sera temps, qu'il est juste de qualifier ainsi ce plaidoyer: je dirai quand il en sera temps, parce que sans doute vous ne voudrez pas condamner à la hâte une cité importante, la métropole d'une de nos riches provinces, la mère-patrie du commerce, de l'industrie; vous ne voudrez pas que cette affaire soit si légèrement, si systématiquement jugée en 30 minutes. Lorsque le roi exige de la municipalité que les gardes nationales, qui ont surpris ou occupé d'une manière quelconque, mais illégale, les forts de Marseille, évacuent ces forts, il fait non-seulement son devoir; non-seulement il use avec sagesse de la force publique qui lui est confiée, mais il rappelle une vérité constitutionnelle : car, tant que le corps constituant n'aura

pas

fixé l'organisation des gardes nationales; on ne peut souffrir que des forts soient gardés en concurrence avec les soldats du pouvoir exécutif. Le roi a rappellé ce principe; il a fait un acte de père, en chargeant les commissaires du département des bouches du Rhône d'aller faire connoître les ordres; il a pensé que ces commissaires ne traiteroient pas une illégalité de rébellion, et n'apprendroient pas à une province qui se croit fidelle qu'elle est rebelle. Le roi a senti qu'il ne devoit pas juger; qu'il ne le pouvoit qu'après avoir pris des éclaircissemens et des informations; illes a demandés; il n'a exigé qu'une restitution simple et légale on vous propose, au contraire, de tout juger, de tout préjuger; c'est en effet préjuger qu'une municipalité est coupable, que de la mander à la barre, et c'est le dire de la manière la plus prudente. Il est trop clair qu'il y a une grande fermentation à Marseille; vous l'augmenterez; yous tirerez de cette ville les seuls modérateurs pacifiques. Est-ce le moment de donner au peuple des craintes sur le sort des officiers municipaux? Ne diroit-on pas qu'on veut provoquer à la rébellion ce peuple fidèle?... Mais quelle est

donc cette balance dans laquelle on pèse d'une manière si différente des faits d'une même nature, arrivés dans les mêmes circonstances? Que pouvoit faire la municipalité quand elle voyoit le peuple attaquer les forts, les forts prêts à se défendre, les malheurs les plus affreux menacer la ville, que pouvoit-elle faire ? Dire au peuple : « je vais obtenir ce que vous demandez ». Dire aux forts: cédez au maître des maîtres, à la nécessité ». Voilà ce qu'elle a fait; mais s'il étoit vrai que la garde nationale et la municipalité, liées par le même serment à la constitution, eussent des preuves de projets funestes, de conspirations contre la

constitution et la liberté....

[ocr errors]

Pourquoi le5 octobre ne seroit-il pas cou pable ici, et le 30 avril seroit-il coupable à Marseille? Pourquoi la municipalité de Marseille ne diroit-elle pas à ceux qui appellent sur elle les foudres du pouvoir exécutif: appellez donc la hache sur vos têtes? Etesvous donc assez étrangers aux mouvemens illégaux, pour oser récriminer contre nous, pour oser récriminer sans connoître les faits? Je demande que cette affaire soit renvoyée au comité des rapports».

« PreviousContinue »