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M. Dufraisse du Chey s'écrioit que les ennemis du bien public étoient la cause de, tous les troubles qui affligeoient le royaume. A ces mots Mirabeau se leva, etdit:

« Je ne demande la parole que pour vous solliciter de mettre aux voix et les actions. de graces que vous devez au roi, et le renvoi au comité des rapports. Je n'ignore pas que je suis l'objet des plus noires imputations; je n'ignore pas que ces imputations, qui n'ont fait que flotter d'incertitudes en incertitudes, ont été répandues et recueillies avec zèle ; je n'ignore pas que les gens qui les répandent font circuler, en ce moment même, au sein de cette assemblée, que je suis l'instigateur des troubles de Marseille. J'ai vu ces gens dire que la procédure du châtelet n'existe que pour m'illuminer de crimes; ces gens, dont les langues empoisonnées n'ont jamais su me combattre qu'avec le stylet de la calomnie; ces gens, qui n'ont pu me faire varier un seul instant des véris tables principes; ces gens, qui m'auroient condamné au silence qu'inspire le mépris, s'il n'existoit que des hommes comme eux. J'ai mis la paix à Marseille; je mets la paix Marseille; je mettrai la paix à Marseillle.

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Qu'ils viennent au comité des rapports; qu'ils me dénoncent au tribunal du comité des rapports; je le demande. Je demande que tous mes crimes soient mis à découvert». L'assemblée rendit un décret en ces termes :

» L'assemblée nationale, profondément affligée des désordres qui ont eu lieu dans plusieurs endroits du royaume, et notamment dans la ville de Marseille, charge son président de se retirer vers le roi, pour remercier sa majesté des mesures qu'elle a prises, tant pour la recherche des coupables que pour la réparation de ces excès, et renvoie l'examen de cette affaire et de ses dépendances au comité des rapports».

14 mai. Dans cette séance il fut fait lecture d'une lettre adressée à l'assemblée nationale par M. de Montmorin, dans laquelle il rendoit compte des préparatifs de guerre entre l'Angleterre et l'Espagne, et des mesures que sa majesté avoit prises pour armer quatorze vaisseaux de ligne dans les ports de l'Océan et de la Méditerranée : il annonçoit encore que les assurances de pacification de la part de la cour de Londres faisoient espérer que la paix ne seroit en rien altérée.

Dès l'ouverture de la séance plus de vingt députés avoient demandé la parole sur cette lettre, dont ils avoient sans doute connoissance. On demanda la lecture de la liste des personnes inscrites. Mirabeau ne comprenoit pas à quoi pouvoit servir la lecture de cette liste; car la défaveur qu'une si singulière méthode devoit jetter sur la liste faite ne devoit pas influer sur la question de savoir si une autre liste seroit substituée à celle qui existoit. « Il est, dit-il, singulier que cette assemblée, qui s'est fait une règle de ne discuter aucune matière qui n'ait été annoncée, laisse une initiative si subite à une lettre ministérielle. Nous devons décider, pour l'avenir, que les messages du roi ne seront délibérés que le lendemain ; mais comme cette loi n'est pas établie, et que le présent message est très-important, je ne vois nul inconvénient à ce qu'on commence la discussion. Alors il faut que la parole se donne sur des demandes successives et sur la décision volontaire et successive de M. le Président. C'est le seul moyen de sortir de ce débat ».

L'ajournement au lendemain fut pro

noncé.

15 mai. Le message envoyé la veille donna lieu à la question incidente de savoir si le roi auroit le droit de faire la paix et la

guerre.

Les uns croyoient que ce n'étoit pas le moment de décider une question qui exigeoit autant de détails; d'autres soutenoient que l'on devoit préalablement décider si le droit de faire la guerre devoit être accordé au roi, parce que l'assemblée des représentans ne devoit voter aucun subside qu'en connoissance de cause; qu'en accordant le provisoire on s'engageoit plus avant qu'on ne voudroit.

Mirabeau demanda la permission d'examiner la situation du débat. «Je ne parlerai pas encore, dit-il, sur le message dont i est question, quoique mon opinion soit fixe à cet égard, J'examinerai si l'on doit préalablement traiter la question constitutionnelle: je demande que vous ne préjugiez pas mon opinion; cette manière d'éluder la question élevée par la lettre du ministre est déraisonnable, inconséquente, imprudente et sans objet. Je dis qu'elle est déraisonnable et inconséquente, parce que le message roi n'a nul rapport avec une déclaration de

du

le

guerre; parce que message du roi pour roit exister même quand nous aurions décidé qu'à la nation appartient le droit de faire la paix ou la guerre. Le droit d'armer, de se mettre subitement en mesure, sera toujours le droit de l'exécuteur suprême des volontés nationales. Permettez-moi une expression triviale la maréchaussée extérieure et intérieure de terre et de mer doit toujours, pour l'urgence d'un danger subit, être dans les mains du roi. Je dis enfin que cette manière d'éluder la décision n'est pas conséquente, parce que ce seroit supposer que l'ordre donné par le roi de faire des armemens est illégal, Il est certain que dans toute société, le provisoire subsiste tant que le définitif n'est pas déterminé; or, le roi avoit le provisoire, donc il a pu légalement ordonner des armemens. Je dis ensuite que cette manière d'éluder la question n'est pas prudente; je suppose, en effet, que le préalable proposé soit nécessaire, notre délibération va occasionner des retards qui donneront le prétexte de dire que nous avons arrêté les mesures prises pour assurer la tranquillité publique et la sûreté de commerce: je conviens qu'il faut traiter très

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