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incessamment du droit de faire la paix ou la guerre, et j'en demande l'ajournement dans le plus court délai; mais sans doute cette grande question a besoin d'être préparée à l'avance par le comité de constitution; elle entraîne beaucoup d'autres questions.... Pouvez-vous vouloir suspendre la délibération sur le message du roi? Ne savez-vous pas que les fonds manquent? Ne savez-vous pas que 14 vaisseaux armés seulement, parce que l'Angleterre armoit, ne peuvent être pour vous un objet d'épou

vante?

» Le secours extraordinaire qu'on vous demande n'est que trop nécessaire'; il n'est pas dangereux. Un refus n'attireroit-il pas contre vous les mécontentemens du commerce? On ne cherche que trop à exciter ces mécontentemens. Remercier le roi des mesures qu'il a prises pour le maintien de la paix, c'est présenter à la nation l'armement ordonné comme une grande précaution; c'est un moyen de rassurer tous les esprits. Mais si vous allez dire au peuple qu'il faut suspendre tous vos travaux pour savoir à qui appartiendra le droit de faire la paix ou la guerre, il dira; il ne s'agit donc pas seu

lement de précautions, la guerre est donc prête à fondre sur nous. C'est ainsi qu'on gâte les affaires publiques en répandant de vaines terreurs. Si des manoeuvres ministérielles recéloient des projets nationomicides, ce seroit tout au plus une conspiration de pygmées; personne ne peut croire que quatorze vaisseaux mis en commande soient effrayans pour la constitution. Quand la question constitutionnelle seroit jugée, le roi pourroit faire ce qu'il a fait ; il pourroit prendre des mesures qu'il a dû prendre, sauf l'éternelle responsabilité des ministres. Vous ne pouvez donc vous empêcher d'examiner le message du roi. La question se réduit donc à savoir, non si le roi a pu armer, car cela n'est pas douteux, mais si les fonds qu'il demande sont nécessaires, ce qui ne l'est pas davantage. Je conclus à ce qu'on s'ocs'occupe immédiatement du message du roi.

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Après quelques discussions ultérieures, Mirabeau proposa un moyen conciliatoire. Il concluoit à approuver les mesures que roi avoit prises pour le maintien de la paix, et à décréter que dès le lendemain commenceroit, sur le rapport de qui il appar

tiendroit,

tiendroit la discussion de cette question constitutionnelle la nation doit-elle déléguer au roi l'exercice du droit de la paix et de la guerre? Cette proposition fut presque unanimement adoptée.

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16, 17, 18, 19, 20, 21 et 22 mai. On agita dans ces séances l'importante question de la délégation du droit de paix et de guerre: on remarqua d'abord une grande diversité d'opinions qui se rallièrent enfin à la voix de l'intérêt national.

Les uns soutinrent que c'étoit au corps législatif que la constitution devoit déléguer le droit de paix et de guerre ; d'autres opinèrent pour faire de ce droit une prérogative de la couronne.

Quelques-uns exprimèrent le vœu que le pouvoir exécutif et le corps législatif concourussent à l'exercice de ce droit. Mirabeau principalement demandoit le concours du pouvoir exécutif à l'expression de la yolonté générale. Le discours qu'il prononça eut une influence si marquée sur la délibé ration, que nous croyons satisfaire le lecteur en en rapportant tous les traits.

Si je prends la parole sur une matière soumise depuis cinq jours à de longs déTome III,

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bats, c'est seulement pour établir l'état de Ta question, qui, si je ne me trompe, n’a pas été posée telle qu'elle devoit l'être. Un grand péril dans le moment actuel, de grands dangers dans l'avenir, ont dû exciter toute l'attention du patriotisme; mais l'importance de la question a aussi son propre danger. Ces mots de guerre et de paix sonnent fortement à l'oreille, réveillent et trompent l'imagination, excitent les passions les plus impérieuses, la fierté, le cou rage, sé tiennent aux plus grands objets, aux victoires, aux conquêtes, au sort des empires, sur-tout à la liberté, sur-tout à la durée de cette constitution naissante que tous les françois ont juré de maintenir; et lorsqu'une question de droit public se présente dans un si grand appareil, quelle attention ne faut-il pas avoir sur soi-même, pour concilier dans une discussion aussi grave la raison froide, la profonde méditation de l'homme d'état avec l'émotion bien excusable que doivent nous inspirer les craintes qui nous environnent?

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» Faut-il déléguer au roi l'exercice du droit de faire la paix ou la guerre, ou doit-on l'attribuer au corps législatif? C'est ainsi,

Messieurs, c'est avec cette alternative qu'on a jusqu'à présent énoncé la question, et j'avoue que cette manière de la poser la rendroit insoluble pour moi-même. Je ne crois pas que l'on puisse, sans anéantir la constitution, déléguer au roi l'exercice du droit de faire la paix ou la guerre; je ne crois pas non plus que l'on puisse attribuer exclusivement ce droit au corps législatif, sans nous préparer des dangers d'une autre nature et non moins redoutables. Mais sommes-nous forcés de faire un choix exclusif ? ne peut-on pas, pour une des fonctions des gouvernemens qui tient tout-àla-fois de l'action et de la volonté de l'exécution et de la délibération, faire concourir au même but, sans les exclure l'un par l'autre, les deux pouvoirs qui constituent la force nationale, et qui représentent sa sagesse? ne peut-on pas restreindre les droits ou plutôt les abus de l'ancienne royauté sans paraliser la force publique ? ne peut-on pas, d'un autre côté, connoître le you national sur la guerre et sur la paix par l'organe suprême d'une assemblée représentative, sans transporter parmi nous les inconvéniens que nous découvrons dans

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