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parce que la position du prévenu et du ministère public est la même; parce que le prévenu, n'ayant à répondre qu'aux charges d'une procédure orale qui se déroule devant lui et à laquelle il prend part, ne peut se plaindre de ce qu'il n'a pas connu à l'avance des charges qui n'existaient pas encore; mais quand la poursuite est le résultat d'une information écrite, la position du ministère public et du prévenu est-elle la même encore si cette information, que le ministère public peut librement compulser, est fermée aux yeux du prévenu? L'instruction écrite ne doit-elle donc servir que la prévention? N'est-ce pas provoquer la manifestation de la vérité que de mettre le prévenu à même de répondre à tous les indices qu'elle a recueillis? Et le pourra-t-il s'il ne les connaît qu'à l'audience, s'il n'a pu recueillir lui-même les preuves qui détruisent ces indices? Il pourra, il est vrai, demander un délai; mais la célérité qui préside à l'expédition des affaires correctionnelles se conciliera-t-elle avec ce délai? Et ne vaut-il pas mieux en tout cas, dans l'intérêt même de cette célérité, prendre à l'avance une précaution qui peut éviter une prolongation de la procédure?

2095. La chambre du conseil, lorsqu'elle admettait la prévention et que le fait était qualifié crime par la loi, rendait deux ordonnances distinctes : l'ordonnance de mise en prévention qui déclarait que la prévention contre l'inculpé était suffisamment établie, et que le fait qui en était l'objet était passible d'une peine afflictive ou infamante; l'ordonnance de prise de corps, qui ordonnait que le prévenu serait pris au corps et conduit dans une maison de justice. Cette dernière ordonnance, qui pouvait être insérée dans la première ou être rédigée séparément, était une mesure qui, conservée de notre ancien droit, compliquait, peutètre un peu inutilement, les formes de notre procédure préparatoire. Elle avait pour objet, soit en continuant l'effet des mandats d'arrestation jusqu'au jugement, soit en remplaçant ces mandats, s'ils n'ont pas été décernés, de régulariser la détention préalable. Elle a été supprimée par la loi du 17 juillet 1856. (Voy. no 2042.)

L'article 133 porte : « Si le juge d'instruction estime que le fait est de nature à être puni de peines afflictives ou infamantes, et que la prévention contre l'inculpé est suffisamment établie, les pièces de l'instruction, le procès-verbal constatant le corps du

délit et un état des pièces servant à conviction seront transmis sans délai par le procureur impérial au procureur général près la cour impériale, pour être procédé ainsi qu'il sera dit au chapitre des mises en accusation. L'article 134 ajoute : « Dans le cas de l'article 133, le mandat d'arrêt ou de dépôt décerné contre le prévenu conservera sa force exécutoire jusqu'à ce qu'il ait été statué par la cour impériale. »

Le juge d'instruction, dans le cas de l'article 133, ne règle point la compétence et ne saisit point le juge auquel l'affaire devra être renvoyée; il se borne à ordonner que les pièces seront transmises, par l'intermédiaire du procureur général, à la chambre d'accusation; c'est à cette chambre seulement qu'il appartient d'ordonner le renvoi devant la cour d'assises. C'est ainsi qu'il a été jugé, dans un procès de presse alors justiciable du jury, « que la chambre du conseil, ayant trouvé la présomption de culpabilité suffisamment établie, devait, aux termes de l'article 133, ordonner que les pièces seraient transmises au procureur général, et qu'en renvoyant les prévenus directement devant la cour d'assises, elle a violé les règles de sa compétence et commis un excès de pouvoir' » .

CHAPITRE SIXIÈME.

DE L'OPPOSITION AUX ORDONNANCES DU JUGE D'INSTRUCTION.

§ I. De l'opposition aux ordonnances.

2096. La juridiction du juge d'instruction n'est qu'un premier degré. Ses ordonnances sont soumises à un second degré de juridiction.

2097. La chambre d'accusation constitue ce second degré de juridiction.

2098. Ce n'est que devant cette chambre que peut être portée l'opposition à toutes les ordonnances rendues dans le cours d'une instruction, quel que soit leur objet.

§ II. Quelles ordonnances sont susceptibles d'opposition.

2099. Les ordonnances ne sont, dans aucun cas, susceptibles d'un recours en cassation. 2100. Quelles étaient, sous le Code de 1810, les ordonnances qui pouvaient être attaquées devant la chambre d'accusation?

2101. Jurisprudence qui étendait le droit d'opposition à toutes les ordonnances rendues par la chambre du conseil.

2102. Consécration de ce droit d'opposition par la loi du 17 juillet 1856. Motifs et texte du nouvel article 135.

1 Cass. 9 janv. 1835 (Bull., no 12).

§ III. Droit d'opposition.

2103. Droit du ministère public de former opposition à toutes les ordonnances. Droit du procureur général.

2104. Droit de la partie civile. Effets de son opposition sur l'action publique.

2105. Appréciation des effets attachés à cette opposition et de son influence sur l'action publique.

2106. Effets du désistement de la partie civile. Le plaignant ne peut former opposition; il faut qu'il se constitue.

2107. Le prévenu ne peut former opposition que dans les cas prévus par les articles 114 et 539.

2108. Examen des motifs qui ont fait refuser au prévenu le droit d'opposition à toutes les ordonnances.

§ IV. Délai de l'opposition.

2109. Délai de l'opposition en ce qui concerne le ministère public (art. 135). 2110. Le délai cesse-t-il de courir lorsque le lendemain du jour de l'opposition est un jour férié ?

2111. Ce délai court du jour de l'ordonnance tant pour le procureur impérial que pour le procureur général.

2112. Délai en ce qui concerne la partie civile. Signification de l'ordonnance.

2113. Que faut-il décider si la partie civile ne réside pas dans l'arrondissement et si elle a négligé d'y élire domicile?

2114. Le délai court contre le prévenu à compter de la signification ou de la communication qui lui est faite de l'ordonnance. Dans quels cas il y a lieu à cette mesure.

§ V. Formes de l'opposition.

2115. Formes de l'opposition du ministère public.

2116. Formes de l'opposition de la partie civile.

2117. Formes de l'opposition du prévenu.

S VI. Dommages-intérêts contre la partie civile.

2118. Motifs des dommages-intérêts encourus par la partie civile dont l'opposition est rejetée (art. 136).

2119. Quelle est la juridiction compétente pour prononcer ces dommages-intérêts? 2120. L'article 136 s'applique-t-il au cas où l'ordonnance n'avait pas prescrit la mise en liberté ?

2121. Ces dommages-intérêts doivent-ils être prononcés de plein droit ou seulement si l'inculpé le requiert?

2122. L'arrêt qui les prononce n'est susceptible d'aucun recours.

§ I. De l'opposition aux ordonnances.

2096. Le juge d'instruction, comme la chambre du conseil qu'il remplace, n'est qu'un premier degré de juridiction. Ce principe, qui a été la conséquence de la délibération du conseil d'État que nous avons rapportée plus haut, est écrit en termes explicites dans notre Code.

En premier lieu, l'article 133 veut que toutes les ordonnances 1 Voy. suprà n° 2014.

qui déclarent, en matière criminelle, que la prévention est suffisamment établie, soient de plein droit soumises à un second degré de juridiction.

L'article 135 porte, en second lieu, que le procureur impérial pourra former opposition dans tous les cas aux ordonnances du juge d'instruction. La partie civile et le prévenu ont, dans certains cas, le même droit. Or, l'opposition suppose une juridiction supérieure devant laquelle elle est portée.

Enfin, l'article 539, au cas où l'ordonnance aurait admis ou rejeté une exception d'incompétence, établit un recours contre sa décision.

Ainsi, les ordonnances de la chambre du conseil, soit de plein droit, soit par l'effet de l'opposition des parties, sont déférées à l'examen d'une juridiction supérieure.

2097. C'est la chambre d'accusation qui constitue ce second degré de juridiction. Centre de l'instruction des affaires criminelles, toutes les questions qui se rattachent à cette instruction, viennent aboutir à cette juridiction souveraine, pour y recevoir une solution définitive; elle est le juge d'appel de la juridiction du juge d'instruction.

Ce principe est inscrit dans les articles 133, 218, 229, 231 et suivants du Code, et il a été plus explicitement encore formulé dans l'article 135 qui porte : « L'opposition sera portée devant la chambre des mises en accusation de la cour impériale, qui statuera toute affaire cessante. » Mais ce n'est point ici le lieu de l'examiner et d'en déduire les conséquences juridiques. Nous renvoyons cet examen au chapitre 8 de ce livre, relatif à la compétence de la chambre d'accusation.

:

Il est nécessaire cependant de poser dès à présent une distinction ce n'est que lorsque la décision se rapporte à une instruction qu'elle peut être déférée à la chambre d'accusation; car ce ne sont que les actes émanés de la juridiction de premier degré dans l'instruction des affaires criminelles qui trouvent dans la chambre d'accusation une juridiction supérieure. Un tribunal avait, par une délibération prise en chambre du conseil, désigné un juge suppléant pour instruire dans les procès auxquels le juge d'instruction ne pourrait suffire. Sur l'opposition du ministère public, cette décision avait été annulée par la chambre d'ac

cusation; mais, sur le pourvoi du procurenr général, cet arrêt a été cassé : « attendu que les chambres d'accusation sont établies pour juger des affaires dont les pièces leur ont été transmises, en exécution de l'article 133 ou de l'article 135....; qu'elles peuvent aussi, dans toutes les affaires portées devant elles, ordonner d'office des poursuites, se faire apporter les pièces, informer ou faire informer et statuer ainsi qu'il appartient; mais que le chapitre 1, titre 2, livre II du Code, par lequel ces chambres ont été créées, ne leur a pas donné, et qu'elles n'ont pas reçu depuis d'autres attributions; que de là il s'ensuit qu'elles sont sans pouvoir pour connaître des décisions des chambres du conseil, qui, ne faisant autre chose que nommer un de leurs membres pour partager avec le juge d'instruction en titre les fonctions de juge instructeur, sont moins des actes de procédure que des actes d'administration; que, quelque illégale que soit la création par un tribunal de première instance d'un second juge d'instruction dans un arrondissement où le roi n'en a établi qu'un seul, et quoiqu'elle présente une usurpation manifeste de pouvoir, ce n'est pas aux chambres d'accusation qu'il appartient de réformer ou d'annuler l'acte qui la renferme '.

2098. Mais, toutes les fois que le juge d'instruction a rendu une ordonnance dans le cours d'une instruction, quel que soit le vice de son ordonnance, quel que soit son objet, ce n'est ni devant la chambre civile, ni devant la chambre correctionnelle de la cour impériale que l'opposition doit être portée, mais seulement devant la chambre d'accusation. Une chambre du conseil avait, en statuant sur une procédure criminelle, pris des mesures disciplinaires contre un juge de paix et un notaire. La chambre d'accusation, saisie par opposition, se déclara incompétente pour réformer cette disposition. Cet arrèt a été déféré, dans l'intérêt de la loi, à la Cour de cassation. « La question, a dit le procureur général, est de savoir si ce n'est pas à la chambre d'accusation seule qu'il appartient d'annuler l'ordonnance. Or, il est dans l'essence de nos principes que cette chambre avait l'autorité exclusive, et qu'une fois légalement saisie par l'opposition, elle devait prononcer sur toutes les questions qu'elle faisait naître. Dans l'ordre judiciaire, il y a des degrés de juridiction, une 1 Cass. 17 oct. 1823 (J. P., tom. XVIII, p. 170).

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