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jurisprudence; nous n'avons pas voulu aller au delà. Nous avons done proclamé le droit absolu d'opposition de la partie publique; nous avons contenu dans de justes limites celui de la partie civile; nous avons restreint aux deux seuls cas où il soit possible de l'admettre celui des prévenus. » L'article 135 a été en conséquence rectifié dans ce sens; il est ainsi conçu : « Le procureur impérial pourra former opposition dans tous les cas aux ordonnances du juge d'instruction. La partie civile pourra former opposition aux ordonnances rendues dans les cas prévus par les articles 114, 128, 129, 131 et 539 du présent Code, et à toute ordonnance faisant grief à ses intérêts civils. Le prévenu ne pourra former opposition qu'aux ordonnances rendues en vertu de l'article 114 et dans le cas prévu par l'article 539... Dans tous les cas, le droit d'opposition appartiendra au procureur général près la cour impériale. » En matière de liberté provisoire, l'article 119, rectifié par la loi du 14 juillet 1865, accorde le même droit d'opposition au procureur impérial et au procureur général.

§ III. Droit d'opposition.

2103. L'article 135 ouvre en premier lieu la voie de l'opposition au procureur impérial et au procureur général.

La question de savoir si le droit d'opposition, que la loi ne paraissait déléguer qu'au procureur impérial, pouvait être exercé par le procureur général, avait donné lieu à des solutions diverses. Deux arrêts des 13 septembre 1811 et 19 mars 1812' décident qu'une ordonnance contre laquelle le procureur impérial n'a pas formé opposition dans les vingt-quatre heures ne peut être annulée sur la réquisition du procureur général, « attendu que l'article 250, qui charge le procureur général de faire telles réquisitions qu'il estimera convenables, et la cour d'ordonner ce qu'il appartiendra, se réfère à d'autres articles qui précèdent et dont il est le complément; que cet article ordonne, lorsqu'il y a lieu, la poursuite étant entière, l'exécution de l'article 235, ou lorsqu'il y a lieu de statuer sur une opposition formée par la partie publique ou privée, et que c'est ainsi que cet article 250 a été expliqué par l'orateur du gouvernement; que le pouvoir de prononcer l'annulation d'ordonnances ou de jugements contre les1 Journ. du Pal., tom. IX, p. 636; et tom. X, p. 229.

quels les parties ne se sont pas pourvues n'est pas exprimé dans cet article; qu'un tel pouvoir ne se supplée pas ». Cette décision a été modifiée par un arrêt du 14 avril 1814, qui accorde au procureur général le droit de former opposition, pourvu qu'il l'exerce dans le délai de vingt-quatre heures. Cet arrêt porte « que, par l'article 45 de la loi du 20 avril 1810, il a été établi en principe que les procureurs généraux des cours étaient chargés de l'exercice de l'action criminelle dans toute l'étendue de leur ressort; qu'ainsi ce que la loi attribue à leurs substituts, elle l'attribue également aux procureurs généraux; d'où résulte que l'opposition aux ordonnances des chambres du conseil, permise par l'article 135, peut être formée par les procureurs généraux, de même que par les procureurs du roi agissant aussi comme partie publique; mais qu'à l'égard des procureurs généraux comme de leurs substituts, le délai de vingt-quatre heures est commun et de rigueur». Enfin un troisième arrêt, du 6 mars 1818, déclare dans les termes les plus formels que le droit d'opposition n'appartient dans aucun cas au procureur général, « attendu que la juridiction accordée aux chambres du conseil par le Code d'instruction criminelle est une juridiction extraordinaire; que le droit de se pourvoir contre les ordonnances de ces chambres ne doit pas être régi par les règles communes; qu'il doit être restreint dans celles que ce Code a fixées; que, d'après l'article 135, la faculté d'opposition n'est accordée qu'au procureur du roi du tribunal de première instance et à la partie civile * » .

Cette dernière solution est la seule qui fût conforme au texte de la loi. Le droit de former opposition n'était délégué qu'au seul procureur impérial et à la partie civile; l'article 135 n'ajoutait point, comme l'article 202, relatif au droit d'appel des jugements correctionnels, que le ministère public de la juridiction supérieure aurait le même droit. On conçoit cette restriction lorsqu'on réfléchit qu'il s'agit, dans l'espèce de l'article 135, de l'opposition à la mise en liberté des prévenus, et que le législateur voulait que la détermination du ministère public fût tellement prompte, qu'il ne lui a accordé pour la prendre que vingtquatre heures à compter du jour de l'ordonnance. Comment le 1 Journ. du Pal., tom. XII, p. 175. 2 Journ. du Pal., tom. XIV, p. 688.

procureur général pouvait-il, dans un intervalle si court, avoir connaissance de cette ordonnance et l'examiner? Il le pouvait, il est vrai, en ce qui concerne le tribunal du chef-lieu de la cour; mais la loi établit ses règles pour tous les tribunaux et non pas pour quelques-uns seulement. Ne suffit-il pas d'ailleurs à l'action. publique que la mise en liberté des inculpés, ordonnée par la chambre du conseil, puisse être suspendue par le procureur impérial? qu'elle puisse l'être encore par la partie civile, qui peut faire revivre par son opposition les droits éteints de cette action? Lorsqu'il s'agit d'individus contre lesquels aucune prévention n'existe encore et qu'une ordonnance décharge de la poursuite, est-il nécessaire d'attendre les ordres du procureur général pour exécuter l'ordonnance? Lorsqu'il s'agit d'une mise en liberté prononcée par la justice, n'est-ce pas assez que le droit d'opposition soit ouvert aux deux parties qui ont pu le mieux apprécier les faits? Au surplus, le procureur impérial est le substitut du procureur général, et par conséquent ce dernier magistrat peut lui donner à l'avance tous les avis utiles au bien de la justice; il peut, s'il prévoit dans une affaire importante une ordonnance de non-lieu, lui enjoindre d'y faire opposition, et dès lors l'administration judiciaire ne reçoit aucune atteinte. Mais il nous semblerait difficile d'établir, comme l'a fait l'arrêt du 14 avril 1814, que le procureur général, par cela qu'il est investi de l'action publique dans toute l'étendue de son ressort et qu'il est le supérieur hiérarchique du procureur impérial, peut exercer par luimême tous les droits que la loi a directement délégués à celuici. Il peut en ordonner et en surveiller l'exercice, mais il ne peut se substituer personnellement pour l'accomplissement de fonctions qui, bien que remplies sous son autorité, ne sont pas les siennes. Il exerce l'action publique dans toute l'étendue de son ressort, mais il l'exerce suivant les termes et les conditions prescrites par la loi; il l'exerce soit par lui-même, soit par les officiers qui sont placés sous sa surveillance; et les droits dont l'article 45 de la loi du 20 avril 1810 l'a investi ne peuvent avoir pour effet, quelque généraux qu'ils soient, d'effacer les règles de la procédure et de la compétence.

La loi du 17 juillet 1856 a modifié la jurisprudence sur co point. Nous avons rapporté (n° 2032) les motifs qui ont fait étendre au procureur général le droit d'opposition. En présence des

pouvoirs exorbitants que la loi conférait au juge d'instruction, il a paru nécessaire de fortifier et d'étendre la surveillance; et comme elle ne s'exerce que par la voie de l'opposition, on a placé à la fois cette voie de recours dans les mains du procureur impérial et du procureur général.

2104. La partie civile a le droit de former opposition aux ordonnances dans les cas prévus par la loi et à celles qui feraient grief à ses intérêts civils. Elle trouve encore le même droit dans l'article 119 rectifié par la loi du 14 juillet 1865. L'exposé des motifs du Code expliquait cette double attribution. en ces termes : « Le procureur impérial, toujours partie dans ces sortes d'affaires, aura le droit, lorsqu'il ne partagera pas l'opinion même unanime des juges, de s'opposer à l'ordonnance qui mettrait l'inculpé en liberté. Ce droit accordé à la partie publique, on n'a pas dûù le refuser à la partie civile, qui peut aussi former son opposition à ses risques et périls; dans tous les cas d'opposition, les pièces sont encore nécessairement transmises au procureur général, et l'affaire est soumise à une révision.» Aux termes de l'article 135 revisė, la partie civile peut « former opposition aux ordonnances rendues dans les cas prévus par les articles 114, 128, 129, 131 et 539 du Code d'instruction criminelle, et à toute ordonnance faisant grief à ses intérêts civils ».

Quels sont les effets de cette opposition? La loi place le procureur impérial et la partie civile sur la même ligne; il formule le droit de l'un et de l'autre dans les mêmes termes; il faut en conclure que les mêmes effets y sont attachés. Et il y a lieu de remarquer, en effet, que les juges d'instruction et les chambres d'accusation n'ont aucun pouvoir pour prononcer sur l'action civile; l'opposition de la partie civile ne peut donc avoir pour effet de porter cette action devant la chambre d'accusation; elle ne peut avoir qu'un seul objet, c'est le renvoi du prévenu devant le tribunal correctionnel ou la cour d'assises; or, la chambre d'accusation ne peut prononcer ce renvoi qu'en saisissant en même temps cette juridiction de l'action publique. De là il suit que la partie civile qui forme opposition agit à la fois dans l'intérêt de l'action civile et de l'action publique. De là il suit par conséquent que cette opposition conserve l'action publique, et la fait même

revivre quand le procureur impérial a laissé s'écouler le délai de vingt-quatre heures sans former son recours.

Cette interprétation a été consacrée par la Cour de cassation. Elle a déclaré « Que si l'article 1er du Code statue que l'action pour l'application des peines n'appartient qu'aux fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi, ce principe n'est point tellement absolu qu'il n'y ait quelques cas où la poursuite de la partie civile provoque nécessairement l'action du ministère public et se confond avec elle; qu'un de ces cas d'exception résulte des articles 145 et 182, qui autorisent les parties civiles à saisir directement de leurs plaintes les tribunaux de simple police et de police correctionnelle; qu'un autre cas d'exception est encore la conséquence nécessaire de l'article 135, qui confère à la partie civile le droit de former opposition à l'ordonnance d'élargissement; qu'en effet, en combinant cet article 135 avec les articles 217, 229, 230 et 231, on reconnaît que la loi a attaché à l'opposition régulièrement formée par la partie civile les mêmes effets qu'à l'opposition formée par le procureur du roi; que, comme celle-ci, l'opposition de la partie civile maintient les mandats décernés contre l'inculpé et l'oblige à garder prison; qu'elle soumet l'affaire à la révision de la cour royale; qu'elle oblige la chambre d'accusation à examiner les charges, à régler la compétence, à renvoyer l'affaire devant un tribunal de répression; qu'aussi, à la différence des articles 202 et 412, qui limitent les effets des recours exercés par la partie civile à la conservation des intérêts privés, l'article 135 est absolu et n'exprime aucune restriction, et qu'en se reportant aux motifs du livre Ier du Code, exposés par l'orateur du gouvernement, on voit clairement que le droit d'opposition dont parle l'article 135 a été accordé à la partie civile comme une garantie en faveur de la société contre les erreurs des premiers juges et l'impunité des crimes'. »

Cet arrêt, dans lequel le rapporteur, M. Mangin, a fait entrer une proposition trop absolue, donne lieu à quelques observations. Il n'est pas exact de dire que l'action pour l'application des peines n'appartient qu'aux fonctionnaires du ministère public : cette. action appartient, si l'on peut se servir de cette expression, à toutes les personnes qui ont le droit de la mettre en mouvement; elle appartient donc aux parties lésées aussi bien qu'aux officiers 1 Cass. 10 mars 1827 (J. P., tom. XXI, p. 238).

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