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réputée avoir connaissance de l'ordonnance que par cette signification. Si elle ne l'a pas attendue, ou que, la jugeant inutile, elle n'ait pas désigné de lieu pour la recevoir, elle n'est pas pour cela privée de son droit : la loi indique le moment où ce droit est fermé; elle ne dit pas qu'il ne pourra pas être exercé avant la signification; elle pose seulement un terme à son exercice, et le prévenu ne peut se plaindre d'une opposition immédiate, puisqu'elle abrége la durée de l'instruction.

Mais si la partie civile n'a pas formé l'opposition dans les vingtquatre heures, est-elle, à défaut d'élection de domicile, privée du droit de la former ultérieurement? Il est clair que le défaut d'un domicile réel ou élu dans le lieu où siège le tribunal emporte nécessairement l'omission de la notification de l'ordonnance; aussi l'article 68 porte que, « à défaut d'élection de domicile par la partie civile, elle ne pourra opposer le défaut de signification contre les actes qui auraient dû lui être signifiés aux termes de la loi». Mais de ce qu'elle ne peut opposer le défaut de notification, s'ensuit-il qu'elle soit déchue du droit d'opposition? Il faut répondre affirmativement l'élection de domicile a pour effet de ne faire courir le délai qu'à compter de la notification; c'est un bénéfice auquel la partie civile renonce lorsqu'elle ne fait pas cette élection; le délai reprend alors pour point de départ le jour même où l'ordonnance est rendue. Si l'on n'adoptait pas cette solution, il faudrait soutenir que le droit d'opposition de cette partie, qui n'aurait plus de point de départ, n'aurait d'autre terme que la prescription même de l'action, et que la mise en liberté du prévenu ou sa mise en jugement ne serait point un obstacle à l'exercice ultérieur d'un droit qui remettrait tout en question.

La Cour de cassation a consacré cette interprétation des art. 68 et 135 en décidant « que ces articles règlent la condition de la partie civile selon qu'elle a satisfait ou non à ce qu'ils lui prescrivent; en effet, que si elle demeure hors de l'arrondissement communal où se fait l'instruction, la signification qu'elle doit recevoir des actes dont la connaissance l'intéresse reste subordonnée à l'obligation qui lui est imposée d'élire domicile soit dans cet arrondissement, soit au lieu où siége le tribunal saisi de son action, de telle sorte que, faute par elle d'avoir formulé cette élection de domicile, non-seulement ladite partie civile n'a point

droit à cette signification, mais la décision par laquelle la chambre du conseil a statué sur la prévention, conformément aux articles 128, 129, 130 et 131, acquiert de plein droit à son égard, comme envers le ministère public, l'autorité de la chose jugée, s'il n'y est formé opposition dans les vingt-quatre heures à compter du jour où elle a été rendue; mais qu'il en est tout autrement en ce qui concerne la partie civile qui réside ou qui a élu domicile dans ledit arrondissement, puisque, d'après la disposition combinée des articles précités, on est tenu spécialement de lui notifier la décision intervenue sur sa plainte, et que le délai précité, qui lui est accordé pour s'opposer à son exécution, ne peut courir contre elle qu'à compter du jour où cette formalité a été régulièrement remplie

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Mais, à compter de ce jour, le délai doit être rigoureusement renfermé dans les termes de la loi. La chambre d'accusation de la cour de Paris a jugé, en conséquence, « qu'aux termes de l'article 135, la partie civile n'est admise à former opposition à l'ordonnance de non-lieu que dans le délai de vingt-quatre heures, à compter de la signification à elle faite de ladite ordonnance; que la cour ne peut être valablement saisie de la connaissance du fond que par une opposition faite dans le délai fixé; qu'ainsi elle est incompétente pour statuer sur une affaire qui ne lui est déférée qu'après l'expiration dudit délai; que, dans l'espèce, l'ordonnance a été signifiée à la partie civile par exploit du 21 juin; que celle-ci n'a notifié son opposition que le 23 du même mois; que le délai de vingt-quatre heures était alors expiré; que l'opposition est donc tardive ».

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2114. En ce qui concerne le prévenu, nous avons dit déjà, avant la loi du 17 juillet 1856 : « L'ordonnance de la chambre du conseil ne doit point être notifiée au prévenu: aucun article, soit du Code, soit du règlement des frais de justice, n'a autorisé cette notification. Mais il doit lui en être donné communication lorsque l'ordonnance le renvoie devant une autre juridiction. Cette communication rentre dans les termes du deuxième paragraphe de l'article 43 du décret du 18 juin 1811. Comment le prévenu n'aurait-il pas communication de l'ordonnance qui le renvoie

1 Gass. 16 mars 1849 (Bull., no 58).

2 Paris 27 août 1852 (Journ. cr., tom. XXIV,

p. 380).

devant la police correctionnelle, puisque cette ordonnance a pour lui l'effet d'une assignation, puisqu'il ne peut connaitre que par cet acte les termes de la prévention, puisque sa défense n'est pas possible s'il ne les a pas sous les yeux? Et comment, à plus forte raison, n'en aurait-il pas communication si les pièces sont transmises à la chambre d'accusation, puisque aux termes de l'article 217, il a le droit de fournir un mémoire à cette chambre, et que le droit de présenter un mémoire de défense emporte nécessairement celui de connaître l'ordonnance qui établit la prévention? »

La loi du 17 juillet 1856 a sanctionné, au moins en partie, nos observations. L'article 135, modifié par cette loi, après avoir indiqué les cas où le prévenu peut former opposition, ajoute que cette opposition devra être formée dans un délai de vingt-quatre heures qui courra, contre le prévenu non détenu, à compter de la signification qui lui est faite de l'ordonnance au domicile par lui élu au siége du tribunal, et contre le prévenu détenu, à compter de la communication qui lui est faite de l'ordonnance par le greffier. « La signification et la communication prescrites par le paragraphe précédent, dit encore la loi, seront faites dans les vingt-quatre heures de la date de l'ordonnance. » Ainsi, l'ordonnance doit être soit signifiée, soit communiquée au prévenu; el l'omission de cette forme essentielle à sa défense emporterait nullité de la procédure; c'est ce qui a été jugé dans une espèce où l'ordonnance du juge, qui s'était dessaisi, n'avait pas été communiquée aux prévenus détenus. L'arrêt de la Cour de cassation porte que les dispositions ajoutées à l'article 135 donnent aux prévenus le droit de former, dans un délai déterminé, opposition aux ordonnances du juge d'instruction, lorsque le juge a statué, 1o sur une demande de mise en liberté provisoire; 2o sur une question de compétence; que le législateur a en outre ordonné que, dans ces deux cas, les ordonnances du juge seraient communiquées par le greffier aux prévenus détenus et signifiées aux prévenus non détenus; que la communication et la signification ainsi prescrites par l'article 135 ont eu pour but non-seulement de faire courir le délai pendant lequel l'opposition peut être formée, mais encore de donner aux prévenus le moyen d'user utilement de leur droit d'opposition, en portant à leur connaissance l'ordonnance rendue par le juge; que dès

lors la formalité dont s'agit doit être considérée comme substantielle du droit de la défense.» Cet arrêt, toutefois, contient une restriction qui sera peut-être contestée ce n'est que dans les deux cas où il aurait été statué sur une question de liberté provisoire ou sur une question de compétence qu'il y aurait lieu à signification ou à communication. Si la communication n'a pas d'autre but que de mettre le prévenu à même de faire opposition, cette restriction est assurément fondée. Quelle serait l'utilité de cette mesure dans les cas où le droit d'opposition ne lui est pas accordé? A quoi sert de l'avertir et de faire courir un délai? Mais on pourra objecter que la communication a un autre but encore, c'est de faire connaître au prévenu les termes de la prévention, c'est de rendre sa défense possible devant les juges qui doivent le juger, qu'il a évidemment intérêt à la connaître avant de comparaître devant ces juges, puisqu'il doit la discuter et la combattre; qu'il en a le droit, au cas de renvoi devant la chambre d'accusation, puisqu'il peut fournir un mémoire; que d'ailleurs tout renvoi, tout règlement de compétence renferme une question de compétence et peut, lors même qu'aucune contestation ne s'est encore élevée, donner lieu à une réclamation; enfin, que les termes généraux de la loi n'énoncent nullement la restriction formuléc par l'arrêt; que si la loi a limité les cas d'opposition, elle n'a pas limité les cas de signification ou de communication; qu'elle a donc voulu faire de celte mesure une garantie commune de la défense des prévenus.

§ V. Formes de l'opposition.

2115. La loi n'a point réglé les formes de l'opposition. La jurisprudence a décidé que, puisqu'elle constitue un véritable appel, il faut recourir aux formes de l'appel et appliquer la disposition de l'article 203. Il suit de là que l'opposition doit être faite au greffe du tribunal qui a rendu l'ordonnance, et être rédigée et signée dans la forme des déclarations d'appel.

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Ainsi, il a été jugé qu'il ne suffisait pas que le ministère public écrivit son opposition au bas ou sur le verso de l'ordonnance. L'arrêt porte que l'opposition du procureur du roi à une ordonnance de mise en liberté d'un prévenu est une faculté d'appel 1 Cass. 9 févr. 1866 (Bull., no 37).

qui, par son exercice, saisit la chambre des mises en accusation pour faire réformer, s'il y a lieu, cette ordonnance; que ce droit facultatif est conféré au ministère public par l'article 135, sous la condition de l'exercer dans les vingt-quatre heures à compter du jour où cette ordonnance a été rendue; qu'après ce délai l'opposition ne serait plus recevable; qu'il résulte de la combinaison de l'article 135 avec l'article 203, et par parité de raison, que cette opposition doit être formée par une déclaration passée au greffe du tribunal qui a reçu l'ordonnance et reçue par le greffier pour constater qu'elle a été faite dans le délai fixé; que ce mode d'authenticité garantit légalement au prévenu que l'opposition n'a pas été faite hors le délai fatal, et à la vindicte publique, qu'une fois formée, elle produira son effet '. »

L'opposition peut-elle être faite non-seulement dans la forme prévue par l'article 203, mais encore dans celle prévue par l'article 205, c'est-à-dire par exploit signifié au prévenu? La chambre d'accusation de la cour de Grenoble a déclaré : « que l'opposition à une ordonnance de mise en liberté est un véritable acte d'appel, lequel doit avoir lieu, tant de la part du ministère public que de la partie civile, au greffe du tribunal, ou bien par un acte signifié, afin que le prévenu acquitté puisse en avoir connaissance'. » Il nous paraît, en effet, bien que la forme prescrite par l'article 203 soit préférable, que l'opposition faite par voie de notification serait à l'abri de toute critique, puisque l'exploit de l'huissier donne une date certaine à l'opposition, et puisque, les formes de l'appel étant appliquées ici par analogie, il n'y aurait pas de raison pour exclure l'une de ces formes.

L'opposition dans laquelle la date aurait été omise serait nécessairement nulle, puisqu'elle ne contiendrait pas la preuve qu'elle a été formée dans le délai légal. Ce point a été consacré par un arrêt de la chambre d'accusation de la cour de Paris, qui déclare une opposition non recevable, « attendu que, l'opposition dont il s'agit ne portant aucune date, rien n'établit qu'elle n'ait été régulièrement formée dans le délai de rigueur 3. »

Mais l'opposition formée au greffe dans le délai légal serait valable lors même que, au lieu d'être portée sur un registre,

1 Cass. 18 juillet 1833 (S. V. 33, 1, 595. D. 33, 1, 289). 2 Grenoble 20 juin 1826 (S. V. 27, 2, 35. D. 27, 2, 38). 3 Paris 15 mars 1825 (J. P., tom. XIX, p. 302).

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