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tandis que celui-ci est seul autorisé à la prescrire. Ce moyen a été rejeté, «< attendu que l'ordonnance du premier président qui a ordonné la réunion des deux chambres, suivant l'invitation que le procureur général lui avait présentée à cet effet, est le résultat du concert de ces deux magistrats, et qu'elle ne présente pas dès lors une violation de l'article 3 du décret du 6 juillet 1810' ». Il est évident que le moyen proposé n'avait aucune valeur; mais est-il exact de dire, comme le fait l'arrêt, que la réunion doit être le résultat du concert des deux magistrats? Si ce concert est nécessaire, ne faudra-t-il pas en induire que le premier président, s'il croit la mesure inutile, peut la refuser? Tel n'est pas le sens de l'article 3 du décret : il ne délégue qu'au procureur général l'estimation de la gravité des circonstances qui rendent la mesure nécessaire; elle est prise sous sa seule responsabilité. On peut remarquer, en effet, que ce magistrat ne procède point par des réquisitions qui pourraient être rejetées. Il fait une invitation à laquelle la cour est tenue d'obtempérer, et quand les chambres sont réunies, elles n'ont point à délibérer sur l'utilité de leur réunion elles entendent le rapport et délibèrent sur la mise en accusation. C'est là une mesure d'administration qu'elles n'ont point à apprécier.

:

C'est par ce motif que les accusés ne peuvent se faire un grief de cette réunion. Dans une poursuite pour délit de presse, le prévenu soutenait, à l'appui de son pourvoi, que le procureur général n'avait pu donner à cette poursuite une apparence de gravité, nécessaire pour convoquer les deux chambres, qu'en liant illégalement, dans son réquisitoire, deux affaires non connexes, mais se prêtant mutuellement une importance qu'isolées elles n'avaient point. Ce moyen a été rejeté, « attendu que le décret du 6 juillet 1810 a autorisé, par son article 3, le procureur général à demander la réunion de la chambre correctionnelle à la chambre d'accusation, quand les affaires portées devant cette dernière lui paraissent de nature à l'exiger; que peu importe que plusieurs affaires soient comprises dans le même réquisitoire à cette fin, lorsque chacune d'elles présente au procureur général un caractère suffisant de gravité; ce qui résulte du réquisitoire présenté dans l'espèce ».

1 Cass. 9 déc. 1847 (S. V. 48, 1, 73).

2 Cass. 4 mars 1831 (J. P., tom. XXIII, p. 1286). .

Les deux chambres réunies doivent-elles former une réunion de dix ou de douze membres? La Cour de cassation avait déclaré, par un premier arrêt : « que chacune des chambres d'accusation et de police correctionnelle ne pouvant, aux termes de l'article 2 du décret du 6 juillet 1810, rendre arrêt qu'au nombre de cinq juges au moins, il en résulte que le nombre de dix juges au moins est nécessaire pour qu'elles puissent rendre arrêt, lorsqu'elles sont réunies en exécution de l'article 3 du même décret. Mais, par un arrêt postérieur, elle a jugé, en se fondant sur l'ordonnance du 24 septembre 1828, « qu'aux termes de l'article 1o de cette ordonnance, qui a dérogé sur ce point à l'article 3 du décret du 6 juillet 1810, les chambres des appels de police correctionnelle doivent être composées de sept juges au moins, y compris le président; que si cette ordonnance, en établissant dans ces termes la composition légale desdites chambres, a voulu, par l'article 5, que l'article 2 du décret qui permettait le jugement des appels de police correctionnelle au nombre de cinq juges continue d'être observé; cette disposition, qui introduit une exception, doit être renfermée dans ses limites; qu'il en est de même de l'ordonnance du 18 janvier 1846, qui, pour un cas particulier seulement, et sans déroger au texte de l'article 1er de l'ordonnance du 24 septembre 1828, considère comme régulière l'assemblée générale des chambres d'une cour dans laquelle figurent cinq juges de la chambre correctionnelle; qu'il suit de là que la composition des chambres dont il s'agit a été légale 2 » . Cette interprétation peut donner lieu à quelques objections. Il en résulte, en premier lieu, la substitution complète de la chambre correctionnelle à la chambre d'accusation, puisque les sept membres de la première de ces chambres forment la majorité dans la réunion. Ainsi, le procureur général, seul appréciateur de l'utilité de cette réunion, peut, toutes les fois qu'il le juge convenable, faire voter la mise en accusation par la chambre des appels correctionnels, il peut substituer d'autres juges aux juges que le roulement a donnés à l'accusé. Est-ce là ce qu'a voulu le décret? Il a voulu, en doublant le nombre des membres de la chambre d'accusation, apporter, dans les circonstances graves, une garantie plus grande à la justice; il n'a pas voulu substituer

1 Cass. 8 oct. 1819 (J. P., tom. XV, p. 535).

2 Cass. 9 déc. 1847, cité suprà, p. 189.

à celle chambre une nouvelle juridiction. En effet, en même temps qu'il autorisait la réunion de la chambre d'accusation et de la chambre des appels correctionnels, il déclarait, par son article 2, que cette dernière chambre rendrait arrêt au nombre de cinq juges. On ne peut donc isoler l'article 3 de l'article 2. L'article 3 appelle la chambre des appels correctionnels, mais il l'appelle telle qu'elle vient d'être constituée par l'article 2, c'està-dire composée de cinq juges. Si l'article 1er de l'ordonnance du 24 septembre 1828 porte que les chambres des appels correctionnels seront composées au moins de sept juges, c'est parce que ces chambres peuvent connaître les causes civiles, tant ordinaires que sommaires. Mais, lorsqu'elles prononcent en matière correctionnelle, elles continuent de n'être composées que de cinq juges, et l'article 5 de l'ordonnance maintient à cet égard l'article 2 du décret; or, est-ce donc la chambre statuant civilement que l'article 2 du même décret a voulu réunir à la chambre d'accusation? N'est-ce pas la chambre statuant sur les appels correctionnels, et, par conséquent, la chambre pouvant statuer au nombre de cinq juges? Il nous parait donc que c'est dans le premier arrêt de la cour qu'il faut chercher la saine interprétation de la loi.

Il reste à faire remarquer sur ce point que le premier président, qui peut, quand il le juge convenable, présider la chambre d'accusation, peut, par une conséquence évidente, présider également les deux chambres réunies 2.

2130. Les membres de la chambre d'accusation sont naturellement atteints par les causes générales d'abstention, de récusation ou d'incompatibilité qui s'étendent à tous les juges (no 1578 et suiv.). Nous ne rappellerions même pas cette règle, qui est essentielle à toutes les juridictions, si son application particulière à cette chambre n'avait donné lieu de fixer deux points un mo

ment contestés.

Le premier est la compétence de la chambre pour connaître des causes de récusation ou d'abstention de ses membres. La Cour de cassation a jugé « que l'article 378 Code de procédure civile, applicable en matière criminelle, correctionnelle et de 1 Décret 6 juillet 1819, art. 7.

2 Cass. 4 mars 1831, cité suprà, p. 189.

police, comme en matière civile, expose les causes de récusation qui peuvent être proposées par les parties contre les juges; mais que ni cet article ni aucun autre ne déterminent les causes pour lesquelles les juges non récusés par les parties peuvent être, sur leur propre demande, autorisés à s'abstenir; qu'il résulte de la disposition de l'article 380 du même Code que l'appréciation de ces causes et leur admission sur leur rejet sont confiés par la loi à la conscience et à la sagesse de la chambre à laquelle appartient le juge qui demande à s'abstenir; que de là il s'ensuit qu'en dispensant deux de leurs membres de connaître de l'affaire du prévenu les chambres d'accusation et de police correctionnelle de la cour royale d'Ajaccio n'ont, en les supposant légalement formées, contrevenu à aucune loi, et n'ont fait qu'user d'un pouvoir discrétionnaire que la loi leur conférait1». Ainsi, une chambre d'accusation a pu, sans violer aucune loi, décider que deux de ses membres qui avaient participé à l'enquête parlementaire ordonnée au sujet des événements du 15 mai 1848 ont pu prendre part à l'instruction suivie de ces faits, puisque cette enquête est absolument distincte de l'information judiciaire qui est la seule base de la décision *.

Le second point est que les membres de la chambre d'accusation ne trouvent dans leurs fonctions aucune cause spéciale d'exclusion. Aucune disposition, par exemple, n'interdit au conseiller instructeur, dans les cas prévus par les articles 228 et 235, de concourir à la mise en accusation; la raison en est « qu'aux termes de l'article 127, le juge d'instruction fait partie de la chambre du conseil et qu'il est tenu de lui rendre compte des affaires dont l'instruction lui est dévolue; que ce compte a pour objet d'éclairer la chambre sur l'état de la procédure et de préparer ses décisions; que les articles 236 et 240 imposent les mêmes obligations et confèrent le même pouvoir au magistrat chargé, dans le cas prévu par l'article 235, de faire les fonctions de conseiller instructeur; qu'il est appelé par la nature de ces fonctions mêmes à participer à toutes les décisions de la chambre des mises en accusation sur les actes de la procédure dont il rend compte 3. »

3

1 Cass. 8 oct. 1819 (J. P., tom. XV, p. 535).

2 Cas. 17 févr. 1849 (S. V. 49, 2, 225).

3 Cass. 8 oct. 1834 (J. cr., t. VI, p. 364); et conf. 21 janv. 1813 (J. P., t. XI, p. 60).

2131. La composition de la chambre d'accusation se complète par la présence du ministère public et l'assistance du greffier. L'article 218 dispose que la chambre doit entendre le rapport du procureur général et statuer sur ses réquisitions. Cette forme est générale, comme l'indiquent les articles 217 et 238, et s'a s'applique à toutes les décisions de la cour, de quelque manière qu'elle soit saisie.

Enfin, il résulte des articles 222 et 224 que le greffier ou l'un de ses commis assermentés fait nécessairement partie de la chambre '.

2132. L'article 2 du décret du 6 juillet 1810 porte : « Nos cours impériales formeront trois chambres, dont une connaîtra des mises en accusation. »

L'article 218 du Code d'instruction criminelle règle le service de cette chambre : « et dispose qu'elle sera tenue de se réunir au moins une fois par semaine et toutes les fois qu'il sera nécessaire. >>

Ainsi, le nombre des affaires peut exiger plusieurs séances dans la même semaine, mais lors même qu'aucune affaire ne serait pendante devant elle, elle n'est pas moins tenue de se réunir au moins une fois par semaine. Cette obligation est la conséquence de la haute surveillance qu'elle exerce sur les procédures criminelles et du droit d'évocation dont elle est investie.

2133. La chambre d'accusation, réunie en chambre du conseil, ne statue que sur l'instruction écrite. Notre Code a maintenu l'article 21 de la loi du 7 pluviôse an IX, qui avait substitué la lecture des pièces devant le jury d'accusation à l'audition de la partie plaignante et des témoins à charge autorisée par l'article 20, titre X, de la loi du 16-29 septembre 1791 et par l'article 254 du Code du 3 brumaire an IV.

L'article 222 du Code d'instruction criminelle porte: « Le greffier donnera aux juges, en présence du procureur général, lecture de toutes les pièces du procès; elles seront ensuite laissées sur le bureau, ainsi que les mémoires que la partie civile et le prévenu auront fournis. » L'article 223 ajoute : « La partie civile, le prévenu, les témoins ne paraîtront point. »>

Ainsi, c'est dans la procédure écrite que la chambre d'accu1 Art. 56 et 57 décr. 6 juillet 1810.

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