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contre cet arrêt, en vertu de l'article 408, a été rejeté : « Altendu que, d'après les articles 228 et 235, les chambres d'accusation sont investies d'un pouvoir discrétionnaire pour ordonner les actes d'instruction qu'elles croient utiles pour le jugement qu'elles ont à rendre sur la prévention; que l'exercice de ce droit n'est point restreint par la loi; qu'il est pleinement abandonné à leur conscience; qu'on ne saurait donc faire valoir légitimement contre leurs arrêts l'ouverture de cassation déterminée par l'article 408 et qui porte sur l'omission ou le refus de prononcer sur une demande tendant à user d'une faculté ou d'un droit accordé par la loi'. » Nous ne nous appuyons ici sur cet arrêt qu'en ce qui concerne la définition du pouvoir de la chambre d'accusation; nous reprendrons plus loin sa décision relative à l'application de l'article 408.

Ainsi, une chambre d'accusation peut surseoir à statuer jusqu'à l'interrogatoire de certaines personnes qui lui paraît nécessaire à la manifestation de la vérité, lors même que cet interrogatoire serait subordonné à l'autorisation du conseil d'État; car, si cette autorisation n'est pas accordée, elle pourra toujours statuer sur les charges de la procédure dans l'état où elles se trouvent, c'est ce qui a été reconnu par un arrêt portant « que les cours royales, chambres d'accusation, ont droit de rechercher tous les éléments de preuve des délits et des crimes sur lesquels elles sont appelées à prononcer; et que, si elles croient nécessaire à la manifestation de la vérité d'entendre les personnes qui peuvent avoir pris part auxdits crimes et délits, ou qui peuvent en avoir connaissance, elles peuvent surseoir à prononcer jusqu'à ce que cette audition. ait eu lieu; que l'exercice de ce droit ne saurait être paralysé par la circonstance que l'audition des personnes dont la déclaration paraît utile serait subordonnée à l'autorisation préalable du conseil d'État, puisque, si le refus de cette autorisation a lieu en définitive, la chambre d'accusation restera toujours en droit de statuer ainsi qu'elle avisera sur les charges résultant du procès *. »

Enfin, il importe peu que, dans l'affaire dans laquelle une information est ordonnée, il y ait eu une première information : s'il est vrai que la loi a statué pour le cas d'une première information insuffisante, il faut en induire nécessairement que sa disposition

1 Cass. 13 févr. 1818 (J. P., tom. XIV, p. 2 Cass. 5 mars 1841 (Bull., no 54).

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doit s'appliquer au cas où il n'y aurait eu aucune information. Telle est aussi l'interprétation que la Cour de cassation a consacrée en déclarant « qu'une chambre d'accusation qui a le droit, en vertu de l'article 228, d'ordonner des informations nouvelles, à plus forte raison peut ordonner une information, lorsqu'il n'y en a eu aucune faite en première instance1».

§ III. Attributions quand l'instruction est complète.

2146. Lorsque la chambre d'accusation reconnaît que la procédure est complète, elle doit procéder immédiatement à l'examen des faits et au règlement de la compétence.

Le Code lui a imposé cette célérité dans toutes celles de ses dispositions qui règlent ses fonctions et notamment dans ses articles 217, 219 et 225. La Cour de cassation a déclaré, en conséquence, « qu'il résulte de ces dispositions que, dans toutes les affaires qui lui sont soumises et dont l'instruction est complète, les chambres d'accusation doivent, de suite et immédiatement, statuer sur la prévention et sur le règlement de la compétence; qu'ainsi elles ne peuvent ordonner le sursis du procès sans méconnaître les règles de leur juridiction ' ».

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Peuvent-elles statuer au fond lorsque le procureur général n'a conclu qu'à un supplément d'information? La Cour de cassation, qui avait déjà résolu affirmativement cette question relativement à la chambre du conseil ', a dû la décider dans le même sens à l'égard de la chambre d'accusation. Nous avons précédemment apprécié cette jurisprudence (voy. n° 2059).

2147. La chambre d'accusation, lorsqu'elle commence l'examen de l'instruction, doit, comme la chambre du conseil, vérifier avant tout: 1o si elle est compétente à raison de la matière, à raison de la qualité de la personne, à raison du lieu de la perpétration; 2° si l'action est recevable; 3° si elle est suspendue ou éteinte par quelque exception ou fin de non-recevoir. Nous avons établi la règle de cet examen préliminaire en exposant les attri

1 Cass. 10 sept. 1831, cité suprà, p. 205.
2 Cass. 20 mai 1813 (J. P., tom. II, p. 392).
3 Cass. 25 sept. 1824 (J. P., tom. XVIII, p. 1048).
4 Cass. 11 nov. 1824, cité suprà, p. 208.

butions du juge d'instruction: elle est commune à la chambre d'accusation, et nous devons dès lors nous référer à nos précédentes observations sur ce point. (Voy. no 2053.)

Nous n'insisterons ici que sur quelques difficultés qui touchent plus spécialement à la chambre d'accusation.

2148. En premier lieu, il a été reconnu que cette chambre, lorsqu'elle a été saisie d'une prévention de faux témoignage par le renvoi d'une cour d'assises, qui a prononcé en conséquence l'ajournement à une autre session de l'affaire dont elle était saisie, ne peut surseoir à statuer jusqu'à ce que l'accusation principale ait été vidée : « Attendu que, dans le cas de prévention de faux témoignage prévu par les articles 330 et 331, les cours d'assises pouvant ou procéder de suite au jugement de l'affaire qui se trouve actuellement soumise aux débats ou bien la renvoyer à la prochaine session, il s'ensuit qu'il appartient à ces cours de régler la priorité entre le jugement de l'affaire principale et celui du faux témoignage; que la priorité du jugement de faux témoignage est nécessairement déterminée par le renvoi de l'affaire principale à la prochaine session, puisque le sursis de cette affaire ne pouvait avoir d'autre but que de purger de tout fait mensonger les preuves relatives à l'accusation, ce but ne peut être atteint que par le jugement préalable du faux témoignage..., que, dans l'espèce, à la suite des débats qui ont eu lieu devant la cour d'assises de la Meuse, sur une accusation de meurtre, ladite cour a mis en état d'arrestation plusieurs individus prévenus d'avoir donné un faux témoignage dans les débats, et ordonné le renvoi de l'affaire à la prochaine session, aux termes des articles 330 et 331; qu'en vertu de cet arrêt, la procédure sur le faux témoignage ayant été instruite et portée à la chambre des mises en accusation de la cour de Nancy, cette chambre, au lieu de statuer sur la prévention et de procéder au règlement de la compétence, a ordonné le sursis du procès jusqu'à ce que la cour d'assises eût prononcé sur l'accusation principale de meurtre; que, par cet arrêt de sursis, ladite chambre a contrevenu aux règles de compétence et a porté atteinte à l'autorité dont la loi a investi la cour d'assises. On peut ajouter que l'accusation »

1 Cass, 20 mai 1813 (J. P., tom. XI, p. 392).

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principale de meurtre n'était point une question préjudicielle à la poursuite du faux témoignage, que celle-ci en était indépendante, qu'elle avait ses éléments propres dans l'instruction faite en vertu de l'article 330; que si l'article 361 du Code pénal fait dépendre, dans son 2o §, la mesure de la peine applicable au faux témoin de celle qui a été appliquée à l'accusé contre lequel il a déposé, il ne s'ensuit nullement que la condamnation de l'accusé soit un élément du crime de faux témoignage, qui est réputé consommé au moment où, d'après les débats, la cour d'assises prononce le renvoi à une autre session; qu'il faut inférer de là que, dans cette espèce, il y avait lieu de procéder au règlement de l'instruction et de la compétence, sans attendre le jugement du procès principal.

2149. Il est également hors de doute que la chambre d'accusation ne pourrait surseoir à statuer sur une prévention sous le prétexte que, le prévenu ayant été déjà condamné aux travaux forcés à perpétuité, la nouvelle poursuite, motivée par des faits commis depuis son évasion, ne pourrait exercer aucune influence sur sa situation. Il ne faut pas confondre l'application de la peine et son exécution; un fait ne cesse pas d'être punissable par cela seul qu'au cas de condamnation la peine prononcée se confondra dans son exécution avec une autre peine. L'action n'est pas subordonnée à la condition que la condamnation qu'elle peut entraîner sera distinctement exécutée, (Voy. no 1094.) La Cour de cassation a sanctionné cette doctrine, en déclarant « que, pour tout crime ou délit commis postérieurement (à une première condamnation), il y a lieu nécessairement à poursuites judiciaires, dans l'intérêt de l'accusé, de la vindicte publique et des tiers: de l'accusé, parce que, s'il n'est pas coupable, son innocence doit être reconnue et déclarée, pour qu'il ne soit pas couvert d'unc nouvelle infamie; de la vindicte publique, pour que la peine soit prononcée en cas de pénalité déclarée, dût-elle, dans l'exécution, se confondre avec la première, sauf, en matière de crime, l'ignominie accessoire de l'exposition forcément prononcée en cas de récidive, ainsi qu'il est prescrit par l'article 22 du Code pénal (aujourd'hui abrogé), et le recouvrement des frais avancés par l'État; des tiers, pour qu'il puisse être statue, en matière de vol, sur les restitutions; et dans tous les cas où il y a partie civile,

sur les dommages-intérêts et les condamnations civiles auxquelles le crime donne lieu '. »

Mais la chambre d'accusation serait, au contraire, incompétente pour prononcer sur la question d'identité d'un accusé qui serait présumé avoir été précédemment condamné et s'être soustrait par l'évasion à cette condamnation. En effet, aux termes de l'article 518 du Code d'instruction criminelle, la reconnaissance de l'identité des condamnés évadés et repris est exclusivement attribuée aux juges qui ont prononcé la condamnation, et la loi a soumis cette reconnaissance à des formes particulières. La chambre d'accusation, lorsque cette question s'élève devant elle, doit donc la réserver tout entière à la cour d'assises: elle est complétement incompétente pour y statuer et elle doit même s'abstenir de la préjuger*.

2150. Nous avons vu, en second lieu, dans quels cas le juge d'instruction doit passer outre, nonobstant les questions préjudicielles qui s'élèvent devant lui, dans quels cas il doit s'arrêter aux fins de non-recevoir et les apprécier (n° 2054 et suiv.). Ces règles, qui s'étendent nécessairement à la chambre d'accusation, ont été appliquées à cette juridiction dans quelques espèces qu'il est utile de rappeler ici.

La chambre d'accusation est compétente pour prononcer sur l'exception de chose jugée. En effet, la chose jugée élève contre l'action une fin de non-recevoir insurmontable, puisqu'elle entraine son extinction; il faut donc que, pour régler le cours de cette action, elle examine avant tout si elle subsiste encore, si elle est recevable. Un tribunal correctionnel avait incompétemment renvoyé un prévenu des fins d'une double poursuite pour banqueroute simple et banqueroute frauduleuse. La chambre d'accusation, ultérieurement saisie de ce dernier crime, déclara qu'il y avait chose jugée en faveur de ce prévenu, et le pourvoi formé par le ministère public contre cet arrêt a été rejeté : « Attendu que la plainte présentait cumulativement la prévention de banqueroute simple et celle de banqueroute frauduleuse; que, si la juridiction correctionnelle a statué, par violation de toutes les 1 Cass. 6 sept. 1833 (J. P., tom. XXV, p. 876).

2 Cass. 20 oct. 1826 (J. P., tom. XX, p. 889); 6 sept. 1833 (J. P., tom. XXV, p. 876).

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