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règles de sa compétence, sur la prévention de banqueroute frauduleuse, qui ne pouvait jamais entrer dans les attributions de cette juridiction, cet arrêt, n'ayant point été attaqué par le ministère public, n'en a pas moins acquis l'autorité de la chose jugée sur cette prévention de banqueroute frauduleuse comme sur celle de banqueroute simple, et qu'en faisant résulter de cet arrêt une fin de non-recevoir contre la poursuite du ministère public sur la prévention de banqueroute frauduleuse, la chambre d'accusation n'a violé aucune loi'. » Dans une autre espèce, il avait été déclaré par une chambre d'accusation qu'il n'y avait pas lieu à suivre, par le motif que le prévenu, poursuivi correctionnellement, avait été condamné en première instance à une peine correctionnelle, et que, le jugement étant déjà exécuté quand le ministère public avait interjeté appel, à raison du caractère criminel du fait, il y avait chose jugée en faveur du prévenu. Cet arrêt a été cassé « Attendu que, quand il serait vrai, ce qui n'est pas, que l'appel devant le tribunal de Charleville fût non recevable, le jugement qui a reçu cet appel ne pouvait être attaqué que par la voie du recours en cassation; que l'examen et la réformation de ce jugement étaient hors des attributions de la chambre d'accusation: que cependant, si cette cour n'a pas statué sur ledit jugement par le dispositif de son arrêt, elle l'a implicitement annulé, puisque le renvoi hors d'accusation prononcé en faveur de Berthe n'est pas fondé sur la non-existence du crime, ou sur le défaut d'indices suffisants de culpabilité, mais uniquement sur l'exécution du jugement de condamnation du tribunal de Vouziers et le prétendu défaut de pouvoir du tribunal de Charleville pour recevoir l'appel d'un jugement que l'on supposait passé en force de chose jugée; mais que la chambre d'accusation n'a pu, sans excéder les bornes de sa compétence, juger des questions que le tribunal de Charleville avait seul le droit d'examiner et de résoudre; qu'elle n'a pu, sans usurpation manifeste de pouvoir, réformer ou annuler, même d'une manière indirecte, un jugement qui, rendu sur l'appel, conséquemment en dernier ressort, ne pouvait être légalement attaqué que devant la Cour de cassation *. "

1 Cass. 12 oct. 1811 (J. P., tom. IX, p. 650). 2 Cass. 17 juin 1819 (J. P., tom. XV, p. 333).

2151. La chambre d'accusation est, par le même motif, compétente pour apprécier l'état de démence d'un prévenu. La Cour de cassation a rejeté en conséquence le pourvoi formé contre un arrêt de la chambre d'accusation de la cour de Riom: « Attendu que l'arrêt attaqué, qui a prononcé la mise en accusation de Monnier et a ordonné son renvoi devant la cour d'assises, est motivé sur ce que, « s'il y a lieu de présumer, d'après les interrogatoires subis par Monnier et le rapport des médecins experts commis par la justice, que son état mental a subi une certaine altération, il n'en résulte pas suffisamment que cette altération de son intelligence soit telle qu'elle le paralyse dans ses moyens de défense; que dès lors c'est le cas de prononcer dès à présent le renvoi de Monnier devant la cour d'assises; que ces motifs constituent une appréciation de fait sur l'état mental du prévenu; que cette appréciation, faite d'après les interrogatoires, les procès-verbaux, les rapports des médecins experts commis par la justice et les autres éléments de l'instruction, est du domaine exclusif et souverain des juges du fait; qu'il n'entre pas dans les attributions légales de la Cour de cassation de les reviser et de les contredire; que l'arrêt attaqué a jugé que, s'il y a lieu de présumer que l'état mental du prévenu a subi une certaine altération, il n'en résulte pas suffisamment que cette altération soit telle qu'elle le paralyse dans ses moyens de défense, qu'il ressort de cette déclaration que le prévenu a été capable d'user de la faculté de produire devant la chambre d'accusation des mémoires pour sa défense; qu'il n'y a donc pas eu violation de l'article 217, ni violation du droit de la défense ».

2152. Enfin, la chambre d'accusation est compétente pour prononcer sur toutes les exceptions qui ont pour objet d'ôter au fait son caractère de crime ou de délit. Un prévenu de bigamie oppose devant la chambre d'accusation le défaut de consentement de ses père et mère à son premier mariage et le jugement du tribunal civil qui en a prononcé la nullité. La chambre d'accusation rejette cette exception par le motif que, d'après les principes de l'ancienne jurisprudence, la nullité invoquée était purement relative aux père et mère, et que ceux du prévenu y avaient implicitement renoncé en laissant périmer le jugement par défaut 1 Cass. 13 oct. 1853 (Bull., no 508).

qui était réputé non avenu, puisqu'il n'avait pas été exécuté dans les six mois de sa date. En conséquence, la mise en accusation fut prononcée. Le pourvoi a été rejeté, « attendu que les nullités alléguées par le réclamant contre son premier mariage devant la chambre d'accusation n'étaient point absolues; qu'elles étaient purement relatives aux droits de ses père et mère pour réclamer l'annulation de ce premier mariage; et que, dès lors, la cour de Bordeaux, en déclarant expressément que le demandeur en cassation était non recevable à faire valoir ces nullités pour repousser l'accusation de bigamic, n'a violé aucune loi '.

"

2153. Quels sont, quant à la compétence de la chambre d'accusation, les effets de la transmission de la procédure prescrite par l'article 133? Cette compétence s'arrête-t-elle aux faits passibles d'une peine afflictive ou infamante sur lesquels le juge d'instruction a statué? ou doit-elle s'étendre soit aux faits compris dans la poursuite et sur lesquels le juge a omis de prononcer, soit aux délits connexes, au sujet desquels il n'y a pas eu d'opposition? Cette question, qui trace le cercle dans lequel la chambre d'accusation, lorsqu'elle est saisie par une simple transmission de pièces, doit se mouvoir, n'est pas dénuée de quelque importance.

Une ordonnance de la chambre du conseil, saisie d'une poursuite dirigée contre un instituteur pour attentats commis sur de jeunes enfants âgés les uns de plus, les autres de moins de onze ans, avait déclaré qu'il n'y avait lieu à suivre à raison de ces faits qu'elle a qualifiés crimes, en les faisant rentrer dans les termes de l'article 332 du Code pénal. Les pièces de la procédure ayant été transmises au procureur général en vertu de l'article 133, ce magistrat a pris des conclusions pour demander que le prévenu fût renvoyé non-seulement à raison du crime prévu par l'article 332, mais encore à raison du délit prévu par l'article 334. Mais la chambre d'accusation, « considérant qu'aux termes de l'article 334 Code penal, le fait relevé par le ministère public devant la cour ne constituerait qu'un simple délit; que l'ordonnance n'a pas statué sur ce fait; qu'aucune opposition n'a été formée à ladite ordonnance, et qu'ainsi la cour n'est pas régu

1 Cass. 17 déc. 1812 (J. P., tom. X, p. 896).

qu'il n'y a lieu de statuer sur ce chef

lièrement saisie; dit

des conclusions

1

Cet arrêt, strictement renfermé dans ses termes et mis en regard des conclusions du ministère public, peut se soutenir. La chambre d'accusation n'est saisie de plein droit, par la transmission des pièces de la procédure, que des préventions relatives aux faits qualifiés crimes par la loi. Elle n'est saisie que par l'opposition des parties des préventions relatives aux faits simplement qualifiés délits. La transmission n'avait donc eu, dans l'espèce, d'autre effet que de saisir la chambre d'accusation de la prévention relative au crime. Il ne paraît pas possible de prétendre que la transmission des pièces opérée pour saisir la chambre du crime doit avoir l'effet d'une opposition en ce qui concerne le délit l'opposition a ses formes spéciales et rigoureuses, et l'effet de la transmission prévue par l'article 133 est restreint aux faits passibles de peines afflictives et infamantes. Mais cette décision cesserait d'être fondée s'il avait été établi ou qu'il y avait connexité entre le délit et le crime, ou que l'instruction avait à la fois porté sur ces deux faits. Dans ces deux hypothèses, le droit de la chambre d'accusation n'aurait pu être contesté.

:

La chambre d'accusation a le droit de saisir tous les faits connexes au fait principal qui a été l'objet de la transmission. La loi a voulu, en effet, aux termes de l'article 226, que tous les délits connexes soient autant que possible compris dans une seule procédure, et elle a chargé la chambre d'accusation de les réunir, quand elle le peut, dans un même arrêt. La Cour de cassation a jugé, en conséquence, « que la loi donne expressément aux chambres d'accusation le droit de compléter les procédures qui leur sont renvoyées par les chambres du conseil, et par conséquent le droit de comprendre dans une accusation les faits complémentaires ou connexes qui peuvent être le résultat de leurs recherches ». La même règle a été appliquée dans une autre espèce dans laquelle l'ordonnance de la chambre du conseil, après avoir mis en prévention un individu pour crime de banqueroute frauduleuse, avait constaté l'existence de trois faits d'escroquerie et avait ordonné qu'au cas d'acquittement sur le crime il serait jugé correctionnellement sur les délits. La chambre d'ac1 Paris 5 juin 1849, ch. d'acc. (S. V. 49, 2, 416). 2 Cass. 12 déc. 1834 (J. P., tom. XXVI, p. 1126).

cusation, saisie en vertu de l'article 133, ne statua que sur le fait de banqueroute frauduleuse. Renvoyé, après acquittement, devant la juridiction correctionnelle, le prévenu prétendit qu'il y avait chose jugée sur tous les chefs en sa faveur, parce que l'ordonnance de la chambre du conseil, n'ayant pas été soumise à la révision de la chambre d'accusation, n'avait pu conserver aucune autorité sur les chefs que celle-ci n'avait pas adoptés. Ce système ayant été adopté par le tribunal d'appel de Quimper, le jugement de ce tribunal a été cassé : « Attendu que la chambre des mises en accusation de la cour de Rennes n'a été saisie et n'a eu dès lors à connaître que du premier chef de l'ordonnance; que l'arrêt qui a renvoyé le prévenu devant la cour d'assises sur ce chef a donc laissé subsister cette ordonnance, quant aux délits qui s'y trouvaient spécifiés, puisqu'il ne pouvait l'annuler qu'à l'égard du crime, aucune connexité n'existant entre eux et celui-ci '. »

2154. Le droit de la chambre d'accusation s'étend plus loin elle peut saisir tous les faits sur lesquels a porté l'instruction, lors même que le juge d'instruction n'aurait pas statué à cet égard. Juge d'appel du juge d'instruction, elle peut, en examinant son ordonnance, réformer l'appréciation qu'il a faite de l'instruction et suppléer aux omissions qu'elle y trouve. Ce point a été reconnu très-explicitement par deux arrêts. La Cour de cassation a annulé par le premier un arrêt de la cour de Toulouse qui, après avoir mis en accusation le nommé Mazel pour crime de banqueroute frauduleuse, s'était borné à réserver au ministère public son action à raison d'un délit non connexe, au lieu de prononcer son renvoi en police correctionnelle. Les motifs de cette annulation sont que l'arrêt attaqué, sans s'expliquer sur la suffisance ou l'insuffisance des charges résultant de l'instruction relativement à ce délit, a refusé de faire droit sur ce chef des conclusions du ministère public, par le motif que le délit dont il s'agit n'était pas connexe au crime pour lequel Mazel était mis en accusation;... qu'en jugeant ainsi, cet arrêt a méconnu les règles de compétence établies par les articles 130, 229, 230 et 231 du Code d'instruction criminelle; qu'en effet,

1 Cass. 12 juillet 1839 (Bull., no 226).

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