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direction et que, d'ailleurs, elles peuvent évoquer, en vertu de l'article 235, toutes les fois qu'elles le jugent nécessaire '».

2173. Le renvoi devant le tribunal de police, dans les cas où le fait ne présente que le caractère d'une contravention, ne donne lieu à aucune difficulté. L'article 230 porte : « Si la cour estime que le prévenu doit être renvoyé à un tribunal de simple police, elle prononcera le renvoi devant le tribunal compétent. » Il ne suffirait pas de renvoyer devant le tribunal de police; il faut le désigner pour le saisir. Du reste, le tribunal qui doit connaitre de la contravention est le tribunal compétent, d'après la règle posée par l'article 139 du Code: la chambre d'accusation ne pourrait en désigner un autre.

2174. Si la chambre d'accusation estime que le prévenu doit être renvoyé à un tribunal de police correctionnelle, elle prononce le renvoi, aux termes du même article 230, et indique également le tribunal compétent.

Les articles 130 et 230 diffèrent en un point. L'article 130 ne prescrit point, comme le fait l'article 230, la désignation du tribunal devant lequel l'affaire est renvoyée; la raison que nous avons déjà indiquée (n° 2069) est que le juge d'instruction ne peut renvoyer qu'à la chambre correctionnelle du même siége, tandis que la chambre d'accusation doit désigner, parmi les différents tribunaux de son ressort, le tribunal compétent.

Quel est ce tribunal? C'est celui qui, aux termes des articles 23, 63 et 69 du Code, est le tribunal du lieu où le délit a été commis ou du lieu de la résidence du prévenu, car la chambre d'accusation ne fait, dans le règlement auquel elle procède, qu'appliquer les règles de la compétence; elle ne peut les modifier.

Cependant n'y a-t-il pas une exception à cette règle dans le cas où la chambre d'accusation, après avoir réformé l'ordonnance qui avait vu dans le fait incriminé soit un crime, soit une simple contravention, lui reconnaît le caractère d'un délit, et le renvoie devant la police correctionnelle? Peut-elle dans ce cas saisir le tribunal qui vient de rendre l'ordonnance annulée? ne doit-elle pas ordonner le renvoi devant un autre tribunal? Cette question ne manquait pas de gravité, et elle avait donné lieu, avant la loi 1 Cass. 10 avril 1829 (J. P., tom. XXII, p. 912).

du 17 juillet 1856, à d'assez longs débats. On opposait, d'une part, la règle qui veut qu'un tribunal qui a connu d'une affaire ne puisse en être ressaisi après que sa décision a été infirmée par le tribunal supérieur; on répondait, d'un autre côté, que les termes de l'article 230 permettaient à la chambre d'accusation de désigner le tribunal qui, dans l'intérêt de la bonne administration de la justice, devait en connaître '. La loi du 17 juillet 1856 a mis fin à ce débat. L'article 230 a été modifié et se trouve ainsi conçu « Si la cour estime que le prévenu doit être renvoyé à un tribunal de simple police ou à un tribunal de police correctionnelle, elle prononcera le renvoi devant le tribunal compétent. »

:

Le sens de ces dernières expressions a été sainement apprécié et fixé par un arrêt de la Cour de cassation qui déclare « que, si des termes de l'ancien article 230 ainsi conçu : « Si la cour estime que le prévenu doit être renvoyé à un tribunal de simple police ou à un tribunal de police correctionnelle, elle prononcera le renvoi et indiquera le tribunal qui doit en connaître », résultait pour les chambres des mises en accusation le droit de désigner tel tribunal du ressort de la cour impériale qu'elles jugeraient convenable pour connaître de l'affaire, cette disposition a été modifiée par la loi du 17 juillet 1856, qui ne donne plus aux chambres des mises en accusation que le droit de renvoyer l'affaire devant le tribunal compétent; que ces mots tribunal compétent doivent être entendus conformément aux dispositions de l'article 63; qu'en effet, sous l'ancienne législation et alors que les chambres du conseil prononçaient sur la prévention, il était naturel et convenable à la bonne administration de la justice de permettre aux chambres des mises en accusation de renvoyer l'affaire devant un tribunal autre que celui qui l'avait appréciée une première fois, mais que ce motif n'existe plus aujourd'hui, puisque les chambres du conseil ont été supprimées par la loi du 17 juillet 1856, et qu'ainsi le danger de mettre un tribunal tout entier en contradiction avec lui-même n'existe plus; que dès lors il faut revenir à l'exacte observation des règles de compétence tracées par l'article 63 et ne considérer comme compétent que le

1 Cass. 17 déc. 1824 (J. P., tom. XVIII, p. 1236); 24 avril 1828 (XXI, 1400); 24 août 1849 (Bull., no 221); 17 nov. 1852 (no 383); 25 août 1854 (no 268); 4 avril 1856 (no 140). Et conf. Mangin, tom. II, p. 152; M. Nicias Gaillard, Revue de législation, 1837, tom. II, p. 142.

tribunal soit du lieu du délit, soit du lieu de la résidence du prévenu, soit du lieu où le prévenu pourra être trouvé 1. »

2175. Nous avions déjà critiqué la jurisprudence et soutenu à l'avance la disposition consacrée par la loi.

Si, disions-nous, ces arrêts s'étaient bornés à déclarer que la chambre d'accusation avait pu, en se fondant sur la connexité qu'elle constatait entre les différents chefs d'inculpation, renvoyer l'affaire devant l'un des tribunaux saisis, nulle critique ne pourrait s'élever.

Or,

En effet, l'article 540 du Code d'instruction criminelle dispose que, « lorsque deux juges d'instruction ou deux tribunaux de première instance, établis dans le ressort de la même cour impériale, seront saisis de la connaissance du même délit ou de délits connexes, les parties seront réglées de juges par cette cour ». quoique cet article, qui délègue dans un cas spécial le droit de règlement de juges à la chambre d'accusation, n'ait prévu que la seule hypothèse où deux tribunaux sont saisis du même délit ou de délits connexes, on doit en inférer que, lorsque cette chambre se trouve elle-même saisie de plusieurs affaires connexes instruites dans différents tribunaux de son ressort, elle a le droit d'indiquer celui de ces tribunaux qui connaîtra de la prévention à l'exclusion des autres. Ce n'est là que l'application des règles ordinaires de la compétence, et il entre dans les attributions de la chambre d'accusation de faire cette application.

Mais les arrêts ajoutent, dans un motif qui était peut-être inutile pour arriver à leur dispositif, « que l'article 230 doit être entendu en ce sens que la chambre d'accusation, si elle le juge convenable pour la bonne administration de la justice, est autorisée à désigner un tribunal de son ressort autre que celui qui a rendu l'ordonnance annulée». Or, cette proposition, formulée dans des termes aussi absolus, ne nous paraît pas exacte.

Lorsque l'article 230 charge la chambre d'accusation d'indiquer, après avoir admis la prévention, le tribunal qui doit en connaître, il entend le tribunal qui doit en connaître aux termes de la loi, c'est-à-dire le tribunal compétent; il n'autorise nullement la cour à indiquer dans son ressort tel tribunal qu'il lui plaira de choisir. « Lorsque les présomptions paraissent suffi1 Cass. 23 avril 1857 (Bull., no 162).

santes, dit M. Faure dans l'exposé des motifs, la cour renvoie le prévenu pour être jugé, et désigne le tribunal d'après la qualité du délit1. » Ainsi, le règlement de compétence auquel elle procède se borne à l'indication du tribunal qui, d'après la qualification donnée au fait, doit en connaître; elle indique la cour d'assises si ce fait est un crime, le tribunal correctionnel s'il constitue un délit; elle fait plus, il est vrai, elle désigne la cour ou le tribunal devant lesquels elle renvoie; mais cette désignation n'a pour objet que de les saisir, car les règles générales de la compétence l'ont déjà faite à l'avance.

La chambre d'accusation peut-elle, au mépris de ces règles, transporter les affaires d'un tribunal à un autre? Là est toute la question. Les articles 539 et 540 attribuent, à la vérité, à cette chambre le droit de régler de juges dans les hypothèses qu'ils ont prévues; mais il ne s'agit point ici de règlement de juges, car il n'y a point de conflit de juridiction; il ne s'agit même pas de proroger la compétence d'un tribunal, puisque nous ne supposons point que la procédure dont la chambre d'accusation est saisie soit liée à quelque autre par les liens de la connexité ou de l'indivisibilité; il s'agit uniquement de savoir si cette chambre est investie du pouvoir que les articles 427 et 429 ont attribué à la Cour de cassation de renvoyer les affaires dans lesquelles elle a prononcé l'annulation des jugements, devant des juges qui n'étaient pas légalement compétents pour en connaître. Or nous croyons que la loi n'a donné qu'à la seule Cour de cassation, dans l'intérêt de l'administration de la justice, ce droit exceptionnel qui a sa puissance la plus haute dans l'article 542, de baser les renvois qu'elle fait, non plus sur les règles de la compétence, mais sur des considérations d'utilité générale qu'elle apprécie. Seule, cette cour est placée assez loin des faits pour n'apercevoir que les intérêts généraux de la justice et pour ne céder à aucune des considérations locales qu'il est si facile de soulever dans la plupart des affaires pour en dépouiller les juges naturels. Il faudrait, pour que la chambre d'accusation pût revendiquer un tel pouvoir, qu'une disposition formelle l'en eût investie; or cette disposition n'existe pas, car la formule des articles 427 et 429 n'a point été introduite dans l'article 230.

Cependant si la chambre d'accusation avait été saisie, par suite 1 Locré, tom. XXV, p. 566.

d'un renvoi de la Cour de cassation, d'une procédure instruite par un tribunal qui n'appartient point à son ressort, elle ne devrait point renvoyer le prévenu devant le tribunal où l'instruction s'est faite, mais devant un tribunal de son ressort. Telle est la règle posée, dans une espèce identique, par l'article 432. Mais, dans ce cas, cette déviation des règles de la compétence provient de la Cour de cassation, qui a saisi la chambre d'accusation, et non de cette chambre qui ne fait qu'en déduire la conséquence. Elle n'est pas maîtresse de saisir le tribunal compétent ratione loci, puisque ce tribunal est situé en dehors de son ressort.

C'est, en effet, une règle générale que la chambre d'accusation ne peut saisir que les juges de son ressort; elle n'exerce son autorité que dans cette limite, et ce serait l'étendre au delà que de saisir des juges qui sont placés en dehors. Cette règle, qui s'appuie sur les textes des articles 431 et 432, a été consacrée par deux arrêts de la Cour de cassation, qui déclarent « que, dans le cas de renvoi fait par la Cour de cassation à une autre cour impériale, celle-ci ne peut point renvoyer l'affaire devant les juges établis dans le ressort de la cour impériale dont l'arrêt a été annulé, mais qu'elle doit faire le renvoi devant les juges de son propre ressort' ».

2176. Enfin, si le fait est qualifié crime par la loi et que la cour trouve des charges suffisantes pour motiver la mise en accusation, elle ordonne, aux termes de l'article 231, le renvoi du prévenu aux assises.

La loi n'a pas dit devant quelle cour d'assises le renvoi doit être ordonné. Il ne faut pas conclure de là que le prévenu puisse être arbitrairement renvoyé devant telle ou telle cour d'assises du ressort. Il faut entendre l'article 231 comme l'article 230: la chambre d'accusation ne peut qu'indiquer la cour d'assises compétente ratione loci, celle du département où l'instruction a été faite; elle trace à la procédure sa marche; elle ne peut modifier les règles d'après lesquelles les juridictions sont saisies. Cette solution, qui n'est que l'application des pouvoirs restreints que nous avons reconnus à la chambre d'accusation, se trouve ici implicitement confirmée par l'article 18 de la loi du 20 avril 1810, qui

1 Cass. 28 nov. 1811 (J. P., tom. IX, p. 738); 13 sept. 1816 (J. P., tom. XIII, p. 636).

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