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porte « La connaissance des faits emportant peine afflictive ou infamante dont seront accusées les personnes mentionnées en l'article 10 (les hauts fonctionnaires) est attribuée à la cour d'assises du lieu où réside la cour impériale. » Donc il a fallu cette attribution spéciale de la loi pour distraire ces faits de la cour d'assises du lieu du crime ou de la résidence de l'accusé, seule compétente, d'après les règles générales de la procédure, pour en connaitre 1.

Cependant il faut ajouter, comme on le faisait tout à l'heure relativement aux tribunaux correctionnels, que, si la chambre d'accusation a été saisie par un renvoi de la Cour de cassation, elle doit nécessairement faire le renvoi, non point à la cour d'assises du lieu du crime, mais à une cour d'assises de son ressort. Ce cas est spécialement prévu par l'article 432, qui porte : « Lorsque le renvoi sera fait à une cour impériale, celle-ci, après avoir réparé l'instruction en ce qui la concerne, désignera, dans son ressort, la cour d'assises par laquelle le procès devra être jugé, » Une chambre d'accusation, nonobstant cette disposition formelle, avait, après un renvoi de la Cour de cassation, désigné la cour d'assises du lieu du crime, située dans un autre ressort. Cette désignation a été annulée, sur un pourvoi formé en vertu de l'article 441, et l'arrêt de cassation porte « qu'il résulte de la combinaison des articles 314, 429, 431 et 432, que la chambre d'accusation, saisie par la Cour de cassation de la connaissance d'une affaire, ne peut renvoyer le jugement de cette affaire à une cour d'assises autre que celles de son ressort >>.

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2177. Une dernière question se présente : comment la chambre d'accusation doit-elle régler la compétence lorsque, après avoir constaté les indices d'un crime ou d'un délit, elle reconnaît que l'instruction a été faite par un juge incompétent?

Nous avons déjà vu, et ce point ne peut donner lieu à aucun doute, que la procédure faite par un juge incompétent est nulle, et qu'aucun de ses actes ne peut survivre à cette nullité. (No 2051.) Ainsi, les saisies qui sont intervenues, les mandats qui ont été décernés tombent aussitôt qu'il est reconnu que l'autorité d'où ils émanent était sans pouvoir pour les ordonner.

1 Conf. Mangin, tom. II, p. 159.

2 Cass. 27 juin 1845 (Bull., no 208).

Mais, après avoir déclaré cette annulation de la procédure, que doit faire la chambre d'accusation? Quelle indication peut-elle faire du juge qu'elle reconnaît compétent?

Si l'incompétence provient de ce que le juge d'instruction qui a procédé à l'information n'était ni celui du lieu du délit ni celui de la résidence ou du lieu de l'arrestation du prévenu, et si le juge compétent se trouve dans le ressort de la cour, elle peut, si elle n'en évoque pas elle-même l'instruction, lui faire le renvoi de l'affaire.

Mais si l'incompétence provient de ce que le prévenu, à raison de sa qualité, est justiciable d'une juridiction exceptionnelle, ou si le juge compétent pour instruire est placé en dehors de son ressort, la chambre d'accusation ne peut faire aucune indication. Elle ne peut, en effet, saisir par son arrêt un juge qui est situé en dehors des limites où s'arrête son autorité ou qui est indépendant de sa juridiction. Saisir un tribunal, c'est faire acte de juridiction; or, comment la cour, qui se déclare elle-même incompétente dans cette hypothèse, pourrait-elle faire cet acte? Renvoyer une affaire à un tribunal, c'est régler la compétence de ce tribunal; or, dès que la chambre d'accusation ne peut faire directement le règlement, comment pourrait-elle y procéder indirectement? Il faut donc décider, comme le propose M. Mangin', que cette chambre doit, dans ce cas, se borner à déclarer son incompétence et à ordonner la mainlevée des saisies et la mise en liberté du prévenu. Il n'appartient qu'au ministère public d'examiner la marche que doit, après cette déclaration d'incompétence, suivre l'action publique.

§ VIII. Attributions de la chambre d'accusation pour statuer sur la liberté provisoire, les saisies et les charges nouvelles.

2178. La chambre d'accusation doit ordonner la mise en liberté des prévenus, 1° lorsqu'elle déclare son incompétence; 2o lorsqu'elle décide qu'il n'y a lieu à suivre ; 3° lorsque, même en renvoyant les prévenus devant leurs juges, elle ne reconnaît aux faits que le caractère d'une contravention ou d'un délit non passible d'emprisonnement.

Lorsqu'elle déclare son incompétence, la conséquence néces1 Tom. II, p. 177.

saire de cette déclaration est, comme on vient de le dire tout à l'heure, la mise en liberté du prévenu; car la chambre d'accusation n'est incompétente que lorsque le juge d'instruction a été sans pouvoir pour instruire, et dès lors les mandats émanés d'un juge incompétent doivent être annulés.

:

Lorsqu'elle déclare qu'il n'y a lieu à suivre, la conséquence nécessaire de cet arrêt est encore la mise en liberté du prévenu. Telle est la prescription de l'article 229, ainsi conçu: « Si la cour n'aperçoit aucune trace d'un délit prévu par la loi, ou si elle ne trouve pas des indices suffisants de culpabilité, elle ordonnera la mise en liberté du prévenu: ce qui sera exécuté sur-le-champ, s'il n'est retenu pour autre cause. Dans le même cas, lorsque la cour statuera sur une opposition à la mise en liberté du prévenu prononcée par les premiers juges, elle confirmera leur ordonnance; ce qui sera exécuté comme il est dit au précédent paragraphe.» La rédaction de cet article donne lieu à deux observations relatives à la mise en liberté la première est que cette mesure, lors même que l'arrêt ne l'aurait pas ordonnée, comme le prescrit l'article, devrait être opérée de plein droit; car l'arrêt de non-lieu détruit la cause légale de la détention. La seconde est que ces mots « ce qui sera exécuté sur-le-champ »> ne doivent être entendus qu'avec une restriction: cette exécution, en effet, quelque impératifs que soient les termes de la loi, est nécessairement suspendue, I° s'il y a pourvoi du ministère public, jusqu'à ce que la Cour de cassation ait statué; 2° lors même qu'il n'y a pas de pourvoi, pendant le délai de trois jours durant lesquels, aux termes de l'article 373, il peut être formé, à moins que le ministère public, renonçant à se pourvoir, n'ait consenti à l'ordonner sur-le-champ. La Cour de cassation a jugé dans ce sens « que la mise en liberté du prévenu, ordonnée par une chambre d'accusation qui a déclaré n'y avoir lieu à suivre contre ce prévenu, n'est susceptible de recevoir son exécution qu'autant que le procureur général ne s'est pas pourvu en cassation contre l'arrêt qui ordonne la mise en liberté du prévenu: que c'est ce qui résulte clairement du rapprochement des articles 229 et 373; qu'en effet ce dernier article porte textuellement que le procureur général pourra, dans le délai de trois jours francs après celui où l'arrêt aura été prononcé, déclarer au greffe qu'il demande la cassation de l'arrêt, et que, pendant ces trois jours, et s'il y a eu

recours en cassation, jusqu'à la réception de l'arrêt de la Cour de cassation, il sera sursis à l'exécution de l'arrêt. » Nous verrons plus loin que le pourvoi de la partie civile n'aurait pas le même effet.

Enfin, lorsque la chambre d'accusation ordonne le renvoi du prévenu devant le tribunal qui doit le juger, il est deux cas où elle doit en même temps ordonner sa mise en liberté. Le premier est celui où elle reconnaît que le fait incriminé comme délit ne constitue qu'une simple contravention; le 2o paragraphe de l'article 230 porte, en effet : « Dans le cas de renvoi à un tribunal de simple police, le prévenu sera mis en liberté. » Le second cas est celui où le délit imputé au prévenu n'est pas passible d'une peine d'emprisonnement. Telle est la disposition de l'article 131, que nous avons déjà examinée, et qui déclare que, « si le délit ne doit pas entraîner la peine de l'emprisonnement, le prévenu sera mis en liberté, à la charge de se représenter à jour fixe devant le tribunal compétent ». A la vérité, cet article, placé dans la section qui règle les attributions de la chambre du conseil, n'a pas été reproduit au chapitre des mises en accusation. Mais, puisque la chambre du conseil est autorisée dans ce cas à prononcer la mise en liberté, la chambre d'accusation doit, à plus forte raison, avoir le même droit, soit parce qu'elle est investie d'une autorité supérieure à la chambre du conseil, soit parce qu'elle fait ce que la chambre du conseil aurait dû faire 3. Il faut ajouter que la détention ayant été déclarée par l'article 131 inutile dans le cas où le délit n'est puni que d'une amende, c'est là une règle générale qui doit être appliquée par toutes les juridictions.

La chambre d'accusation est encore compétente, aux termes de l'article 116 modifié par la loi du 14 juillet 1865, pour statuer sur les demandes en liberté provisoire formées depuis l'ordonnance du juge d'instruction jusqu'à l'arrêt de renvoi. Nous avons examiné précédemment cette compétence (t. IV, no 2001).

2179. La chambre d'accusation, dans les mêmes cas d'incompétence ou d'arrêt de non-lieu, doit également donner mainlevée des saisies et ordonner la restitution des objets et des pièces qui

1 Cass. 22 juillet 1843 (Bull., no 190).

2 Voy. suprà no 2091.

3 Bourguignon, tom. I, p. 505; Mangin, tom. II, p. 149.

ont été mis sous la main de la justice. Cette mesure est la conséquence de son arrêt, car la poursuite étant la seule cause de la saisie, cette saisie doit nécessairement tomber avec elle; et la chambre d'accusation est seule compétente pour prononcer cette restitution. Nous avons cité, en rappelant les attributions de la chambre du conseil, les arrêts qui ont appliqué cette règle commune à ces deux juridictions'.

2180. Lorsque la chambre d'accusation a rendu son arrêt, soit de non-lieu à suivre, soit de renvoi devant une autre juridiction, elle a épuisé sa propre juridiction, elle est dessaisie, elle ne peut plus reprendre, même momentanément, la procédure, soit pour modifier la décision qu'elle a rendue, soit même pour réparer les irrégularités qui s'y sont glissées.

Cette règle, qui est commune à toutes les juridictions, a été particulièrement reconnue en ce qui concerne la chambre d'accusation. La chambre d'accusation de la cour de Paris avait omis, dans un arrêt de renvoi à la cour d'assises, de préciser pour quels faits elle prononçait le renvoi; le procureur général, au lieu de former une demande en nullité fondée sur ce que le renvoi n'était pas prononcé pour un fait qualifié crime par la loi, a demandé à la chambre de rectifier son arrêt, et, sur la déclaration de celle-ci qu'elle était incompétente pour faire cette rectification, il a formé un pourvoi qui a été rejeté : « Attendu que, lorsqu'une chambre des mises en accusation a prononcé le renvoi d'un prévenu devant la cour d'assises, elle a épuisé sa juridiction et se trouve dessaisie par l'arrêt même de renvoi devant une autre juridiction; qu'elle ne saurait plus tard, par un nouvel arrêt, réparer les vices ou omissions qui pourraient se rencontrer dans son premier arrêt; que, dans ces hypothèses, il appartient soit à la cour d'assises saisie par l'arrêt de renvoi émané de la chambre des mises en accusation, soit à la Cour de cassation, selon la nature et le caractère des erreurs, vices ou omissions, de les réparer dans les limites de leur compétence, sur le recours ou les réquisitions du ministère public ou des parties. »

Cette règle admet cependant une exception au cas de survenance de nouvelles charges: la chambre d'accusation, après que 1 Voy. suprà no 2061.

2 Cass. 3 mars 1853 (Bull., no 75).

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