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de la chambre du conseil qui prononce sur les affaires dont il lui rend compte, et de l'article 240 portant: « Seront, au surplus, observées les autres dispositions du présent Code qui ne sont point contraires aux cinq articles précédents; » que ces articles sont ceux qui autorisent les chambres d'accusation à ordonner des poursuites d'office, soit qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas une instruction commencée, et qu'il n'en est aucun qui s'oppose à ce que le magistrat instructeur jouisse du même pouvoir que l'article 127 donne au juge d'instruction et prenne part à l'arrêt que rend la chambre d'accusation sur la procédure qu'il a instruite '.

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La jurisprudence a été plus loin: elle a décidé qu'il est indispensable que le conseiller prenne part à l'arrêt rendu sur la procédure qu'il a instruite. Les arrêts qui ont établi ce point portent : « Que si le procureur général est chargé par l'article 238 de faire son rapport dans les cinq jours de la remise que le juge instructeur lui aura faite des pièces, il en résulte seulement que le juge instructeur ne fait pas le rapport de l'instruction, mais qu'il demeure toujours membre nécessaire de la chambre devant laquelle le rapport est fait par le procureur général, l'article 238 ne dérogeant point en cette partie à l'article 127; que sa présence au rapport et au délibéré qui en est la suite est d'autant plus utile, qu'il connaît parfaitement tous les éléments d'une instruction qui est son ouvrage, et que sa présence procure à la chambre, dans l'intérêt de la justice, de la poursuite et des prévenus, le complément et le contrôle du rapport fait par le procureur général. » De là la conséquence que si, par suite du roulement, le conseiller instructeur ne se trouve plus, au temps du rapport, membre de la chambre d'accusation, il doit y revenir, par induction de l'article 6 du décret du 30 mars 1808, pour connaître de l'affaire qu'il a instruite '.

L'utilité de la présence du conseiller instructeur est, en effet, incontestable. Mais faut-il aller jusqu'à décider, comme l'a fait la Cour de cassation, que son concours est exigé à peine de nullité? On infère cette nullité de l'article 127, qui veut que le juge d'instruction prenne part à la délibération, puisqu'il déclare que la

1 Cass. 2 nov. 1821 (J. P., tom. XVI, p. 926).

2 Cass. 20 févr. 1824 (J. P., tom. XVIII, p. 476); 21 févr. 1824 (J. P., tom. XXVIII, p. 479).

3 Cass. 18 mai 1839 (Bull., n. 161).

chambre du conseil doit être composée de trois juges au moins, y compris le juge d'instruction. Or, l'article 236, en prescrivant de prendre le conseiller instructeur parmi les membres de la chambre d'accusation, a dù vouloir nécessairement lui appliquer la même règle. A la vérité, ce n'est pas ce magistrat qui, comme le juge d'instruction, fait le rapport; mais il est appelé à donner des explications qui en forment le complément et que rien ne pourrait suppléer, puisque le ministère public n'assiste pas à la délibération. Il suit de là que, dans l'esprit de la jurisprudence, le conseiller instructeur, s'il ne fait pas le rapport, l'explique, le développe, le complète, le contrôle même, et fait, par conséquent, en quelque sorte, un second rapport à côté du premier. Ainsi, par la force des choses, la règle du droit commun, que la loi a voulu faire fléchir, se redresse et reprend son empire. Nous ne saurions blâmer ce retour à une règle qui est la plus solide garantie de la vérité de l'instruction, et par conséquent, quoique l'argument de droit sur lequel repose la nullité puisse paraître quelque peu fragile, nous pensons qu'il y a lieu de la maintenir parce qu'elle maintient elle-même les droits de la justice'.

§ IV. Procédure au cas de survenance de nouvelles charges.

2200. Nous avons expliqué quels sont les faits qui constituent des charges nouvelles (voy. no 1022), et quelle est la juridiction compétente pour les constater. (Voy. n° 2082 et 2083.) Il reste à faire connaître les formes de cette constatation.

L'article 248 porte: « En ce cas, l'officier de police judiciaire ou le juge d'instruction adressera sans délai copie des pièces et charges au procureur général, et sur la réquisition du procureur général, le président de la section criminelle indiquera le juge devant lequel il sera, à la poursuite de l'officier du ministère public, procédé à une nouvelle instruction, conformément à ce qui a été prescrit. Pourra toutefois le juge d'instruction décerner, s'il y a lieu, sur les nouvelles charges, et avant leur envoi au procureur général, un mandat de dépôt contre le prévenu qui aurait été déjà mis en liberté d'après les dispositions de l'article 229. "

Il résulte, en premier lieu, de ce texte que si les charges nou1 Voy. contr. Bourguignon, tom. I, P. 512.

velles ont été découvertes par un officier de police judiciaire ou par un juge d'instruction, ce fonctionnaire ne peut procéder à une nouvelle instruction. Il doit transmettre sur-le-champ au procureur général les pièces qui établissent les charges : le juge d'instruction est seulement investi du pouvoir de décerner, s'il y a lieu, un mandat de dépôt contre le prévenu qui aurait été mis en liberté en vertu d'un arrêt de la chambre d'accusation. C'est une mesure conservatrice que le juge d'instruction peut seul appliquer et qu'il ne peut appliquer que dans le cas spécialement prévu par la loi.

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Lorsque les pièces sont parvenues au procureur général, magistrat requiert qu'il soit procédé à une instruction nouvelle, et le président de la chambre d'accusation indique le juge devant lequel il est procédé à cette nouvelle instruction.

Ainsi, la chambre d'accusation procède, au cas de charges nouvelles, comme au cas d'évocation prévu par l'article 235 : un de ses membres est désigné pour remplir, dans cette seconde poursuite, les fonctions de juge d'instruction. La raison en est qu'ayant déjà rendu, dans la même affaire, un arrêt de non-lieu, il ne convient pas qu'une juridiction inférieure soit amenée à prendre une décision qui serait contraire à cet arrêt: la chambre d'accusation peut seule apprécier les faits qui sont de nature à modifier sa première décision; de là la conséquence qu'elle doit diriger elle-même l'instruction qui a pour objet de constater ces faits.

2201. Une différence, toutefois, doit être relevée entre les termes des articles 228, 235 et 250, et les termes de l'article 248.

Dans les hypothèses qui font l'objet des premiers articles, c'est la chambre d'accusation qui ordonne l'information nouvelle et qui désigne le magistrat qui doit remplir les fonctions de juge instructeur. Dans l'hypothèse prévue par l'article 248, le président seul est appelé à désigner le conseiller instructeur : la chambre ne prend aucune décision.

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La raison de cette différence est que, dans ce dernier cas, s'agit encore que d'une mesure provisoire : il n'y a point de décision à prendre, puisque les charges nouvelles ne sont point encore régulièrement recueillies; le ministère public ne demande que la désignation d'un juge pour procéder à leur constatation; or, le

que

président peut faire cette désignation qui n'emporte aucun examen de l'existence et de la nature des charges alléguées. Ce n'est que lorsque cette instruction aura relevé les faits nouveaux que la chambre d'accusation sera appelée à apprécier s'ils ont le caractère de charges nouvelles et s'il y a lieu d'ordonner la reprise des poursuites contre le prévenu. Si cette désignation préalable est inutile, ainsi qu'on l'a vu précédemment (no 2085), lorsque la première procédure a été terminée par une ordonnance de la chambre du conseil non suivie d'opposition, et si, dans ce cas, le ministère public peut directement requérir le juge d'instruction de procéder à la constatation des charges qui lui sont signalées, c'est que ce juge n'est lié par cette ordonnance relativement aux charges existantes à l'époque où elle est intervenue, et qu'au cas de charges nouvelles, il reprend de plein droit sa compétence pour instruire sur les éléments nouveaux qui n'ont pas fait l'objet de la première instruction; mais, lorsque la première procédure a été terminée, non par une ordonnance, mais par un arrêt de la chambre d'accusation, les premiers juges se trouvent dessaisis : aucun juge n'a donc de compétence pour instruire, et de là la nécessité de faire indiquer, par le président de la chambre d'accusation, le magistrat qui doit procéder à cette instruction. Cette doctrine a été consacrée par un arrêt qui porte: « que l'article 248 charge dans ce cas le président de la chambre d'accusation d'indiquer, sur le réquisitoire du procureur général, le juge d'instruction devant lequel il est procédé à une nouvelle instruction; que de cette désignation pure et simple, qui est nécessaire dans cette hypothèse par suite du dessaisissement des premiers juges, il résulte que la nouvelle instruction n'est nullement subordonnée à une appréciation préalable des charges nouvelles par la chambre d'accusation; que cette conséquence reçoit une nouvelle force de ce que la désignation émane du président, et non de la cour elle-même; que cette instruction demeure donc soumise aux mêmes règles que la première, et que, d'ailleurs, toute autorisation préalable de reprendre la poursuite n'aurait aucun objet, puisque les nouvelles charges ne peuvent être constatées que par une instruction, et que cette instruction doit nécessairement précéder l'appréciation même de ces charges '. »

1 Cass. 5 janv. 1854 (Bull., no 2).

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2202. Toutefois, si le président peut seul désigner le juge qui doit procéder à la nouvelle instruction, il est clair que cette désignation peut émaner à plus forte raison de la chambre d'accusation elle-même. Ainsi, il ne peut résulter aucune nullité soit de ce que le président, au lieu de statuer lui-même sur les réquisitions, en a référé à la chambre, soit même de ce que le procureur général, au lieu d'adresser ses réquisitions au président, les a adressées à la chambre d'accusation. C'est ce qui a été décidé par un arrêt qui déclare : « qu'il résulte de la combinaison des articles 246, 247 et 248 que l'instruction sur nouvelles charges doit être dirigée par la chambre d'accusation qui a connu des anciennes charges et les a déclarées insuffisantes ; que le président de la chambre d'accusation, dans le cas où le procureur général lui eût adressé son réquisitoire, aurait eu le droit, d'une part, d'examiner si les charges présentées comme nouvelles avaient le caractère déterminé par la loi, pour autoriser de nouvelles poursuites; de l'autre, d'appeler à cet examen les autres juges de sa section pour délibérer et statuer, conjointement avec lui, sur la demande du procureur général; qu'ainsi le procureur général a pu saisir directement la chambre d'accusation, et que cette chambre, en reconnaissant aux documents produits devant elle le caractère de charges nouvelles, en ordonnant que l'instruction serait reprise contre le prévenu, et en désignant un de ses membres pour procéder à cette instruction, n'a point commis d'excès de pouvoir ni violé les règles de la compétence'. »

Mais, que l'instruction nouvelle soit ordonnée par le président ou par la chambre elle-même, il est dans tous les cas nécessaire que cette procédure précède la mise en accusation que les nouvelles charges peuvent motiver. La loi a voulu que cette instruction fût un élément de la décision de la chambre; c'est par elle que les faits nouveaux sont constatés et mis sous leur véritable jour; c'est par elle que les documents transmis par la police judiciaire sont contrôlés. Quand il s'agit d'ailleurs d'enlever à une décision judiciaire l'autorité qui y était provisoirement attachée, il ne faut pas que la justice procède avec précipitation, et son examen doit porter l'empreinte d'une mûre délibération. Tels sont les motifs qui ont amené la Cour de cassation à prononcer

1 Cass. 18 mai 1839 (Bull., no 161).

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