Page images
PDF
EPUB

l'annulation d'un arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'Aix « Attendu que si la chambre du conseil du tribunal, ou la chambre d'accusation, après évocation prononcée aux termes de l'article 235, pouvait reprendre plus tard les poursuites sur nouvelles charges, en vertu des articles 246, 247 et 248, le dernier de ces articles voulait qu'en le décidant ainsi l'ordonnance ou l'arrêt ordonnat qu'il fût immédiatement procédé à une instruction nouvelle ; que néanmoins la chambre des mises en accusation de la cour d'Aix a, par un seul et même arrêt, déclaré tout à la fois l'existence des nouvelles charges, l'évocation et la mise en accusation des inculpés; en quoi cet arrêt a violé l'article 248 1. »

Cette instruction faite, la procédure suit son cours en se conformant aux règles communes qui régissent l'instruction criminelle.

§ V. La chambre d'accusation peut statuer par un même arrêt sur les délits connexes.

2203. Ce n'est point ici le lieu d'expliquer le principe de la connexité des délits et l'influence qu'il exerce sur la compétence des tribunaux. Nous développerons cette matière lorsque nous exposerons les règles générales de la compétence. Nous ne faisons qu'indiquer en ce moment l'application que la chambre d'accusation est appelée à lui donner.

L'article 226 est ainsi conçu : « La cour statuera par un seul et même arrêt sur les délits connexes dont les pièces se trouveront en même temps produites devant elle. » Le but de cette disposition a été de réunir dans une même procédure, pour qu'ils soient l'objet d'un même jugement, les différents délits qu'une relation de temps, de lieu ou de pensée enchaîne les uns aux autres, et qui forment en quelque sorte les parties séparées d'une mème action. L'intérêt de la justice exige que, pour être sainement appréciés, ils ne soient pas isolés les uns des autres. La chambre d'accusation doit donc renvoyer devant une même juridiction tous les faits connus dont elle est en même temps saisie; elle doit ordonner cette jonction soit sur la demande que les parties peuvent en faire dans leurs mémoires, soit d'office. C'est une règle de sa procédure; il suffit qu'elle constate l'existence de la 1 Cass. 22 mai 1852 (Bull., no 166).

2 Voy. infra chap. XII de ce livre, et voy. notre tome IV, no 1689,

connexité pour qu'elle soit tenue d'en déduire, comme une conséquence légale, la réunion des affaires.

2204. Néanmoins il ne faut pas perdre de vue que l'article 226 ne lui prescrit de statuer par un même arrêt sur les délits connexes que lorsque les pièces se trouvent en même temps produites devant elle. Elle peut sans doute, lorsqu'il résulte d'une procédure dont elle est saisie qu'un fait connexe à celui qui est l'objet de cette procédure est poursuivi séparément dans son ressort, ordonner l'apport des pièces de cette seconde instruction pour les réunir en une seule. Mais elle ne pourrait surseoir à statuer sur la première par cela seul que la seconde existe par exemple dans un autre ressort, car, dès qu'elle est régulièrement saisie, elle est tenue de prononcer. Tel est le point que la Cour de cassation a reconnu en déclarant « que la cour d'Amiens, chambre des mises en accusation, régulièrement saisie par l'ordonnance de la chambre du conseil, devait statuer sur la prévention, sauf au ministère public et aux prévenus à se pourvoir, ainsi que de droit, en règlement de juges, s'il y avait un délit connexe pendant devant une autre cour; d'où il suit qu'en refusant de prononcer sur la prévention, la cour d'Amiens a méconnu les règles de sa compétence».

2205. Il est bien entendu, d'ailleurs, que la loi, en disposant que la cour statuera par un seul et même arrêt sur les délits communs, a voulu lui attribuer le droit d'apprécier les faits élémentaires des délits connexes aussi bien que les faits élémentaires du crime principal; elle exerce à l'égard des uns et des autres les mêmes attributions et peut, par conséquent, décharger l'inculpé de toute poursuite à l'égard de ces délits, lorsqu'elle ne constate pas contre lui des indices suffisants de culpabilité. Un procureur général s'était pourvu contre un arrêt de chambre d'accusation qui, en prononçant sur une ordonnance de mise en prévention de banqueroute simple et de banqueroute frauduleuse, avait déclaré qu'il n'y avait lieu à suivre tant sur le délit connexe que sur le crime; le pourvoi, fondé sur ce que la chambre d'accusation n'aurait eu de pouvoir en ce qui concerne le délit que pour en ordonner la jonction, a été rejeté, et la Cour

1 Cass. 13 juin 1834 (J. P., tom. XXVI, p. 631).

de cassation a reconnu que cette chambre avait été investie de la même compétence relativement aux deux faits'.

2206. Mais si la chambre d'accusation doit, dans un intérêt de justice, opérer la jonction des procédures instruites à raison des faits connexes, cette règle n'est point absolue; son application, pour ainsi dire, facultative, dépend de l'appréciation que la chambre peut faire des circonstances qui sollicitent ou repoussent cette jonction. Cela résulte de ce que l'article 226, après avoir posé le principe, n'y a point ajouté de sanction. Cela résulte surtout de ce que la réunion des procédures est considérée, non comme un droit de la défense, mais comme un acte d'administration de la justice qui, à ce titre, est abandonné à la souveraine décision des juges du fait. La loi trace la marche générale qu'ils doivent suivre, mais elle n'a pas voulu les y astreindre trop strictement, de peur de créer dans quelques cas des obstacles à son

action".

C'est dans ce sens qu'il a été jugé « que si, d'après l'article 226, les chambres d'accusation doivent statuer par un seul et même arrêt sur tous les délits connexes dont les pièces se trouvent en même temps produites devant elles, quelle que soit d'ailleurs la nature des peines dont ces délits peuvent être susceptibles, néanmoins, cet article n'étant pas prescrit à peine de nullité, son inobservation ne peut être censurée par la Cour de cassation3».

Et la même cour a déclaré, en confirmant ce premier arrêt, « que l'article 226 suppose que l'instruction est terminée sur tous les délits connexes sur lesquels il veut que les chambres d'accusation statuent par un seul et même arrêt; que la connexité des délits est sans doute un motif légitime de la réunion des procédures, mais qu'elle ne doit pas la faire opérer lorsque de cette réunion pourraient résulter des retards qui amèneraient le dépérissement des preuves et nuiraient à l'action de la justice *» . Enfin, cette jurisprudence a été maintenue par un arrêt qui pose en règle générale « que, dans le cas de connexité des délits, il n'est pas prescrit, sous peine de déchéance de l'action publi

1 Cass. 24 juillet 1823, non imprimé.

2 Cass. 19 sept. 1861 (Bull., no 212); 18 avril 1857 (no 160); 27 févr. et 22 juillet 1864 (nos 52 et 192).

3 Cass. 28 déc. 1816 (J. P., tom. XIII, p. 757). 4 Cass. 20 mai 1818 (J. P., tom. XIV, p. 832).

que, d'y statuerpar un seul et même arrêt, lorsque les pièces se trouvent en même temps produites devant la chambre d'accusation d'après l'article 226 1. »

§ VI. Formes des arrêts.

2207. Nous avons exposé dans le chapitre 7 de ce livre les formes de la délibération de la chambre d'accusation (n° 2122), il nous reste à rechercher les formes de ses arrêts.

Ces formes sont de deux sortes : les unes ont pour objet les énonciations qu'ils doivent contenir; les autres, les faits qu'ils doivent constater.

Ils doivent contenir : 1o une décision formelle sur chacun des chefs de demande dont la chambre a été saisie; 2° les motifs de chacune de ces décisions; 3° la spécification et la qualification de chacun des faits incriminés.

L'arrêt doit, en premier lieu, statuer sur chacun des chefs de demande dont la chambre est saisie; il doit statuer par conséquent 1° sur tous les chefs de prévention de l'ordonnance; 2° sur tous les chefs du réquisitoire du procureur général; 3° sur les demandes que les parties ont formées dans leurs mémoires.

Il doit statuer sur tous les chefs de prévention compris dans l'ordonnance ou, en cas d'opposition, sur tous les chefs qui ont fait l'objet de l'opposition. En effet, que la chambre d'accusation soit saisie par la transmission directe des pièces ou par l'opposition, elle a l'obligation de prononcer sur tous les faits qui font l'objet de l'ordonnance ou de l'opposition; elle est saisie de chacun de ces faits; elle doit donc statuer suivant les règles tracées par les articles 229, 230 et 231. Si, après avoir prononcé sur quelques-uns des chefs de la prévention, elle omettait de statuer sur les autres, il en résulterait que la poursuite de ces derniers serait suspendue; or, la chambre d'accusation peut admettre ou rejeter l'action publique; mais elle ne peut la laisser en suspens en s'abstenant de juger.

Ce point, qui n'admet aucun doute, à souvent été reconnu par la jurisprudence. Il suffira de citer deux arrêts, qui se bornent d'ailleurs, pour motiver l'annulation qu'ils proposent, à constater l'omission de statuer de la chambre d'accusation dont la décision 1 Cass. 26 mai 1842 (Bull., no 128).

1

était soumise à leur censure. Le premier déclare « que l'ordonnance de la chambre du conseil avait soumis à la délibération de la chambre d'accusation contre le prévenu, 1o la prévention d'une attaque formelle contre l'autorité constitutionnelle du roi..., et 2o la prévention du délit de port public de signes extérieurs de ralliement non autorisés; que la chambre d'accusation de la cour d'Orléans ne s'est point expliquée sur les deux préventions ainsi déterminées; qu'il y a donc lieu à renvoi pour qu'il y soit prononcé1». Le second arrêt décide également « que, d'après l'ordonnance de prise de corps, le quatrième chef de prévention contenait deux catégories d'actes distinctes : la première, des six actes dans lesquels le prévenu avait inséré après coup la mention exigée par l'article 2 de la loi du 21 juin 1843; la seconde, de six autres actes qu'il s'était également permis d'altérer par des additions faites depuis leur clôture; qu'en rapprochant des termes de l'ordonnance de la chambre du conseil, quant à ce chef, les motifs et le dispositif de l'arrêt attaqué, on doit reconnaître que la cour de Toulouse ne s'est point occupée des actes de la seconde catégorie; qu'il y a donc eu de sa part omission de statuer sur une partie des faits dont elle était saisie par cette ordonnance et par le rapport du procureur général, ce qui emporte l'annulation de son arrêt

9

2208. L'arrêt doit statuer, en second lieu, sur tous les chefs des réquisitions du ministère public. L'article 218 porte, en effet, que la chambre d'accusation doit se réunir pour entendre le rapport du procureur général et statuer sur ses réquisitions; et l'article 408 ajoute qu'il y aura lieu à l'annulation de l'arrêt, lorsqu'il aura été omis ou refusé de prononcer sur une ou plusieurs réquisitions du ministère public. Cette seconde règle a été souvent appliquée.

Un premier arrêt casse un arrêt de la chambre d'accusation de Poitiers « Attendu que, lorsque, devant la chambre des mises en accusation, le ministère public a requis la mise en accusation d'un prévenu, à raison de faits explicitement articulés et qualifiés, l'arrêt qui intervient doit statuer d'une manière formelle sur cette réquisition, et ce à peine de nullité; que, dans l'espèce, le procu1 Cass. 6 janv. 1821 (J. P., tom. XVI, p. 289). 2 Cass. 7 juillet 1848 (Bull., no 195).

ཝཱ

« PreviousContinue »