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reur général près la cour de Poitiers, par son réquisitoire inséré dans l'arrêt attaqué, a requis que les prévenus fussent mis en accusation, à raison de plusieurs faits spécifiés au réquisitoire, et notamment comme ayant fait partie d'une association de malfaiteurs organisée contre les personnes et les propriétés, et comme chargés d'y faire un service quelconque, et encore comme ayant, avec connaissance, aidé et assisté les auteurs de ladite association dans les faits qui ont facilité leur crime ou dans ceux qui l'ont consommé; que l'arrêt rendu par suite de ce réquisitoire, en renvoyant les prévenus devant la cour d'assises, à raison des faits qui y sont articulés, omet complétement de prononcer sur l'imputation d'avoir fait partie d'une association de malfaiteurs contre les personnes ou les propriétés, ou bien d'avoir assisté sciemment ladite association; que cet arrêt n'a pas statué implicitement sur lesdits faits, en s'expliquant sur l'imputation d'avoir fait partie de bandes séditieuses organisées contre le gouvernement, puisque, d'une part, le réquisitoire articulait formellement l'une et l'autre de ces imputations, et que, d'autre part, le fait d'association de malfaiteurs contre les personnes et les propriétés ne rentre pas nécessairement dans les faits de bandes séditieuses dirigées dans le but de renverser le gouvernement. ' »

Un autre arrêt prononce une annulation semblable: «Attendu que les cours et tribunaux doivent, à peine de nullité, statuer sur toutes les réquisitions du ministère public, lorsqu'elles tendent à user d'un droit accordé par la loi; que Pimard, par l'ordonnance de la chambre du conseil, était prévenu de tentative du crime prévu par l'article 437 du Code pénal; que le procureur général, en faisant le rapport du procès à la chambre d'accusation, a formellement requis l'annulation de cette ordonnance et la mise en accusation de Pimard, non-seulement pour la tentative ci-dessus spécifiée, mais encore pour tentative d'assassinat; que la chambre d'accusation s'est contentée d'ordonner la mise en accusation de Pimard à raison de la tentative de destruction dont il avait été déclaré suffisamment prévenu par la chambre du conseil et de confirmer l'ordonnance de prise de corps décernée contre lui, sans s'expliquer en aucune manière sur les réquisitions du procureur général, en tant qu'elles portaient sur la ten1 Cass. 30 mai 1833 (J. P., tom. XXV, p. 518); et conf. cass. 2 août 1821 (J. P., tom. XVI, p. 822).

tative d'assassinat; qu'en rejetant ainsi formâ negandi ces rẻquisitions, elle ne peut être considérée comme ayant satisfait à l'obligation d'y statuer; qu'elle a donc formellement contrevenu aux dispositions de l'article 408'. »

2209. La chambre d'accusation doit statuer non-seulement sur tous les chefs de prévention relevés par le réquisitoire, mais encore sur les différents caractères que ce réquisitoire attribue à chacun d'eux. Un arrêt de la chambre d'accusation de la cour de Paris a été annulé, « attendu que la chambre des mises en accusation doit statuer, par des décisions motivées, sur tous les chefs du réquisitoire déposé devant elle par le procureur général, et qu'elle ne peut les rejeter sans s'expliquer sur les faits qui y sont exposés et sur les différents caractères de criminalité que le réquisitoire leur attribue; que le procureur général près la cour de Paris avait, dans le réquisitoire par lui déposé sur le bureau de la chambre des mises en accusation, articulé des faits qui n'avaient point été soumis à la chambre du conseil, et pris des conclusions formelles tendant à faire qualifier, à raison de ces circonstances, les vols imputés au prévenu autrement qu'ils n'avaient été qualifiés par ladite chambre du conseil et à faire renvoyer le prévenu devant la cour d'assises, sur la prévention, non de soustraction frauduleuse par un homme de services à gages, crime prévu par l'article 386 du Code pénal, mais de détournement par un agent ou préposé du gouvernement de titres qui lui auraient été remis ou communiqués à raison de ses fonctions, crime prévu par l'article 173; que cependant la chambre des mises en accusation s'est bornée à maintenir l'ordonnance de la chambre du conseil, sans appuyer sur aucun motif le rejet des réquisitions du ministère public et sans s'expliquer soit sur des faits particuliers qui servaient de base à ces réquisitions, soit sur la qualification que le ministère public en faisait résulter; en quoi l'arrêt a formellement violé les articles 218 et 408 du Code d'instruction criminelle. » Dans une espèce analogue, un arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'Aix a également été annulé « Attendu qu'il résulte de la combinaison des articles

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1 Cass. 7 sept. 1843 (Bull., no 234).

2 Cass. 18 avril 1850 (Bull., no 128); et conf. cass. 14 mai 1812 (J. P., tom. X, p. 399); 5 juin 1812 (J. P., tom. X, p. 344).

218, 221, 224, 229, 408 et 413 que les chambres d'accusation sont tenues de statuer par des dispositions formelles et motivées non-seulement sur tous les chefs de prévention spécifiés dans les ordonnances des chambres du conseil, mais encore sur les réquisitions expresses du procureur général tendant à faire modifier ou rectifier la qualification donnée aux faits par les premiers juges; d'où il suit que l'inobservation de cette règle fondamentale et substantielle de l'instruction criminelle doit entraîner l'annulation des arrêts qui en sont entachés '. »

2210. La chambre d'accusation doit également statuer sur les chefs du réquisitoire qui ont pour objet de demander soit un supplément d'information, soit un apport des pièces. En prenant ces réquisitions, le ministère public ne fait qu'user d'une faculté qui lui est accordée par la loi; la chambre d'accusation, qui peut les rejeter, est donc tenue de prononcer.

Cependant il peut arriver que les différents chefs des réquisitions se confondent les uns avec les autres, de sorte qu'en prononçant sur l'un il devienne inutile de prononcer sur l'autre. Il est clair que, dans ce cas, la chambre d'accusation, après avoir fait droit aux conclusions en quelque sorte principales, n'est pas astreinte de s'arrêter aux conclusions subsidiaires. S'il est indispensable qu'elle examine l'affaire sous toutes ses faces et réponde à toutes les réquisitions qui tendent à la revêtir de tous ses caractères légaux, il est inutile qu'elle prononce sur des points que sa décision rend superflus et fait disparaître de la cause. C'est ainsi qu'il a été reconnu qu'une chambre d'accusation avait pu s'abstenir de statuer sur le chef des réquisitions tendant à donner aux faits le caractère de la banqueroute simple lorsqu'elle avait déjà reconnu aux mêmes faits le caractère de la banqueroute fraudulease: «Attendu que, dans l'espèce, les faits constitutifs du délit de banqueroute simple faisant l'objet des réquisitions du procureur général, devant la chambre des mises en accusation, se confondaient et s'identifiaient en quelque sorte avec les faits de banqueroute frauduleuse qui ont servi de base à l'arrêt de mise en accusation; qu'en effet ledit arrêt, confirmant l'ordonnance de prise de corps, était fondé sur ce que le failli avait soustrait ses livres et détourné une partie de son actif; et les réquisitions du 1 Cass, 8 mars 1851 (Bull., no 94).

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ministère public relatives au délit de banqueroute simple reposaient sur ce que le failli n'avait pas tenu de livres ni fait exactement inventaire; c'était par conséquent sous un double point de vue l'absence ou la soustraction des livres qui formaient l'élément soit de l'accusation de banqueroute frauduleuse, si cette soustraction était le résultat de la fraude, soit de la mise en prévention de banqueroute simple, si l'absence de livres et le défaut d'inventaire n'étaient que l'effet de la négligence du failli; que, dans cet état des faits, il appartenait à la chambre d'accusation d'apprécier si l'absence des livres du failli était le résultat d'une soustraction ayant pour but de cacher le détournement d'une partie de l'actif ou simplement l'effet d'une négligence dans la tenue des écritures; que la chambre d'accusation ayant reconnu et déclaré en fait qu'il existait charges suffisantes contre le prévenu, commerçant failli, d'avoir soustrait ses livres et détourné une partie de son actif, faits constitutifs du crime de banqueroute frauduleuse prévu par les articles 591 du Code commercial et 402 du Code pénal, ne se trouvaient plus dans l'obligation d'apprécier sous le point de vue de la prévention de banqueroute simple l'absence des livres et inventaires du failli, puisqu'elle avait déjà considéré ces faits comme étant le résultat d'un détournement de la part du failli, et formant un des éléments de l'accusation du crime de banqueroute frauduleuse portée contre lui; que, par conséquent, en ne faisant point droit sur ce chef aux conclusions d'ailleurs subsidiaires du procureur général, l'arrêt attaqué n'a violė aucune loi'. "

2211. Enfin, la chambre d'accusation est tenue de statuer sur les conclusions que le prévenu ou la partie civile lui soumettent dans leurs mémoires. L'article 217, en effet, déclare que « la partie civile et le prévenu pourront fournir les mémoires qu'ils estiment convenables ». Or, quel est l'objet de ces mémoires, si ce n'est de proposer les moyens de fait et de droit qui sont susceptibles d'appuyer ou de combattre la poursuite? Quelle serait leur utilité pour les parties s'ils n'étaient pas la voie légale par laquelle elles peuvent faire valoir toutes leurs exceptions? Toutes leurs exceptions, toutes leurs demandes ne sont donc que l'exer1 Cass. 23 janv. 1845 (Bull., no 24).

cice d'un droit qui leur est accordé par la loi, et ce droit doit trouver sa sanction dans l'article 408. Ainsi, l'inculpé peut soutenir dans son mémoire que l'action publique est prescrite ou suspendue par une question préjudicielle, que la juridiction saisie est incompétente, que le délit est effacé par un fait justificatif; il est évident qu'en présentant chacun de ces moyens, il ne fait qu'user d'une faculté légale; il y a donc obligation de la part du juge de statuer sur chacun d'eux, de déclarer s'il est ou non fondé, de l'accueillir ou de le rejeter '.

La jurisprudence a confirmé cette doctrine. Un accusé alléguait, à l'appui de son pourvoi, que la chambre d'accusation avait omis de statuer sur un chef de ses conclusions relatif à une inscription de faux qu'il se proposait de formaliser. Ce pourvoi a été rejeté, mais par le motif suivant : « qu'à la vérité, le demandeur objecte qu'il avait déclaré formellement, qu'au cas de dénégation du fait par lui allégué, il se pourvoirait, même par la voie de l'inscription de faux, contre le procès-verbal, et qu'il tire un moyen de cassation de ce que l'arrêt attaqué est muet sur ce chef de ses conclusions; mais que la déclaration dont il s'agit ne constituerait qu'un projet ou une sorte de menace qui, n'étant suivi ni d'une déclaration d'inscription de faux, ni du dépôt au greffe des moyens de faux, n'a pas dû arrêter la chambre d'accusation et n'a exigé aucune explication, aucune décision sur un point qui ne présentait qu'une simple réserve . » Donc, si la déclaration du demandeur eût présenté autre chose qu'un projet ou une menace, il y aurait eu nécessité de la part de la chambre d'accusation d'y statuer; donc cette chambre est tenue de répondre à tous les chefs des conclusions prises dans le mémoire.

2212. Cette règle paraît néanmoins admettre une exception dans la jurisprudence. On lit dans un arrêt : « que le Code d'instruction criminelle n'accorde à l'accusé et à la partie civile devant les chambres d'accusation que le droit de produire des mémoires; mais que, d'après les articles 228 et 235, ces chambres sont investies d'un pouvoir discrétionnaire pour ordonner les actes d'instruction qu'elles croient utiles pour le jugement qu'elles ont à rendre sur la prévention; que l'exercice de ce droit n'est point 1 Conf. Mangin, n. 84.

2 Cass. 6 mars 1841 (Bull., no 56).

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