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arrêt du 12 février 1846 déclare également : « que la notification à l'accusé de l'arrêt de renvoi et de l'acte d'accusation est un acte substantiel de la procédure; que son omission ou sa nullité entraîne la nullité de tout ce qui a suivi, notamment des débats qui ont eu lieu et de la condamnation qui a suivi ' ». Enfin, un arrêt du 16 mars 1848 ajoute : « que la notification à l'accusé de l'arrêt de renvoi et de l'acte d'accusation a pour objet de faire connaître à l'accusé les faits qui lui sont imputés, de lui fournir ainsi les moyens de préparer sa défense, et constitue ainsi un acte substantiel de la procédure; que son omission où sa nullité entraîne dès lors la nullité de tout ce qui a été fait au préjudice de l'accusé et notamment des débats qui ont eu lieu et de la condamnation qui a suivi. » Cette jurisprudence, ainsi formulée avec autant de précision que de fermeté, ne s'est plus démentie, et toutes les procédures dans lesquelles la notification n'a pas été justifiée ont été annulées.

Ainsi, un arrêt du 29 juillet 1852 prononce la cassation d'une procédure « attendu que la notification de l'acte d'accusation à l'accusé et celle de l'arrêt de renvoi en exécution duquel il a été dressé sont une formalité substantielle à sa défense, puisqu'elles ont pour objet de lui faire connaître exactement les charges de l'accusation; que l'omission de cette formalité doit dès lors entraîner la nullité de la procédure; et que, dans l'espèce, d'après les renseignements fournis à cet égard par le procureur général près la cour d'appel d'Aix, il est constant que l'arrêt de renvoi et l'acte d'accusation n'ont point été signifiés, d'où résulte la violation expresse de l'article 242 3. »

2245. Toutefois il y a lieu de remarquer que l'article 242, en ordonnant que l'arrêt de renvoi et l'acte d'accusation seront signifiés à l'accusé, n'entend évidemment parler que de l'accusé qui est l'objet de l'accusation portée par ces deux actes. Ainsi, il a été reconnu par un arrêt « qu'aucun texte de loi ne prescrit de notifier à un accusé l'arrêt et l'acte d'accusation relatifs à son coaccusé ». Et par un autre arrêt, « qu'aucun article du Code

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1 Cass. 12 févr. 1846 (Bull., no 46).

2 Cass. 16 mars 1848 (Bull., no 69).

3 Cass. 29 juillet 1852 (Bull., no 252); et conf. cass. 10 déc. 1857 (no 392); 17 déc. 1858 (no 309); 13 janv. 1859 (no 17).

Cass. 28 nov. 1844 (Bull., no 382),

n'impose au procureur général l'obligation de notifier à l'accusé qu'une ordonnance de jonction a réuni à une procédure l'arrêt de renvoi et l'acte d'accusation afférent à cette dernière affaire, et que, dans l'absence d'une disposition de cette nature, il y a lieu de s'en tenir à la présomption légale qui répute un accusé en situation de préparer efficacement sa défense, quand le ministère public lui a fait connaître en temps utile l'arrêt de renvoi et l'acte d'accusation qui lui sont applicables, et dans lesquels doit être énoncé en son entier tout ce qui est relevé à sa charge

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2246. La notification se trouvant ainsi prescrite à peine de nullité, les formes qui ont pour objet de prouver qu'elle a été régulièrement accomplie prennent nécessairement une grande importance. Plusieurs difficultés sont nées à ce sujet.

En premier lieu, à quelle époque la signification doit-elle être faite? Il résulte des articles 243, 292 et 293 qu'elle doit précéder le transport de la procédure et des pièces de conviction au greffe de la cour d'assises, la translation de l'accusé dans la maison de justice et son interrogatoire par le président des assises. Elle doit donc suivre immédiatement la signature de l'acte d'accusation. Elle est le premier acte de la procédure postérieure à l'arrêt de renvoi.

Mais, quoique cette date de la signification soit formellement prescrite par la loi, le retard qu'elle peut éprouver n'entraîne aucune nullité si la défense de l'accusé n'en ressent aucun préjudice. La Cour de cassation a jugé dans ce sens : « que, s'il est plus régulier et plus conforme à l'esprit et à la lettre des articles 242, 293 et 296 qu'un accusé ne soit interrogé par le président de la cour d'assises qu'après que l'arrêt et l'acte d'accusation lui ont été signifiés, et qu'il a été légalement instruit du crime ou du délit dont il est prévenu, toutefois aucune disposition législative ne prescrit à peine de nullité que la notification à l'accusé de ces deux actes ait précédé son interrogatoire; que tout ce que la loi exige, c'est que l'accusé jouisse de l'intégralité du délai qui lui est accordé par l'article 296 pour conférer avec son avocat et préparer sa défense; que dès lors il y aurait nullité si, à moins de renonciation expresse de sa part, l'accusé était traduit devant la cour d'assises avant l'expiration du délai de cinq jours francs 1 Cass. 3 déc. 1846 (Bull., no 301).

que lui donne ledit article pour se pourvoir en cassation contre l'arrêt de mise en accusation 1. »>

Ainsi, il importe peu que l'époque de la signification soit avancée ou reculée, pourvu que le délai de cinq jours, que l'article 296 accorde à l'accusé, soit pour délibérer sur le pourvoi qu'il peut former contre l'arrêt de renvoi, soit pour préparer sa défense, ait séparé la notification et l'ouverture des débats, sauf la renonciation que l'accusé, aux termes de l'article 261, peut faire de ce délai. Nous reviendrons ultérieurement sur ces dispositions.

2247. Ce premier point posé, la signification doit comprendre, suivant les termes de l'article 242, l'arrêt de renvoi et l'acte d'accusation. De là il suit: 1° que la signification d'un seul de ces actes équivaudrait à un défaut de signification; 2° que signification partielle de l'un et de l'autre serait également nulle. Ces deux points ont été soulevés par la jurisprudence.

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Il a été décidé d'abord que la signification de l'arrêt de renvoi, isolée et non suivie de celle de l'acte d'accusation, était nulle: « Attendu que si, avant que le demandeur fût sous la main de la justice, l'arrêt de renvoi lui a été régulièrement notifié à son domicile, il ne conste d'aucune des pièces de la procédure que, soit avant, soit depuis son arrestation, l'acte d'accusation lui ait été notifié; en conséquence, que la condamnation prononcée contre lui l'a été par suite d'une violation formelle de l'article 242, et qu'elle doit être annulée. » A plus forte raison, cette décision devrait s'appliquer à la signification isolée de l'acte d'accusation, puisque l'arrêt de renvoi, dont cet acte n'est que l'exécution, est la base unique de l'accusation, et que, d'ailleurs, l'omission de cet arrêt le priverait nécessairement de l'exercice de son droit de recours 3.

2248. La signification partielle de l'un ou de l'autre de ces actes serait également insuffisante. Ce que la loi ordonne, en effet, c'est la signification de l'arrêt de renvoi et de l'acte d'accusation; par conséquent, c'est la signification de ces deux actes en entier, tels qu'ils se comportent, dans toute leur teneur, avec

1 Cass. 2 avril 1846 (Bull., no 85).

2 Cass. 7 janv. 1847 (Bull., no 4); 24 janv. 1856 (no 30). 3 Cass. 19 févr. 1857 (Bull., no 71).

tous leurs détails et tous leurs développements. L'article 242, craignant sans doute de ne s'être pas exprimé assez explicitement dans sa première partie, a pris soin d'ajouter encore qu'il serait laissé copie du tout. La volonté de la loi est donc parfaitement explicite. Admettre d'ailleurs qu'il fût possible de laisser de côté des passages de l'un ou de l'autre de ces actes, sous prétexte qu'ils ne doivent pas intéresser l'accusé, ne serait-ce pas constituer le procureur général appréciateur de la défense de l'accusé? Ne serait-ce pas substituer à la forme de la copie prescrite par la loi celle d'un extrait ou même d'une analyse? Il a été jugé conformément à cette opinion qu'il y a lieu d'annuler la procédure quand la signification ne contient pas copie intégrale des actes: « attendu que la formalité ne peut être considérée comme régulièrement accomplie qu'autant que, conforme à l'acte lui-même, la copie laissée à l'accusé est de nature à le mettre à même de procéder en pleine connaissance à ses moyens de défense; que la copie qui lui a été délivrée ne contient que le préambule et les conclusions de l'acte d'accusation, renvoyant quant aux faits à l'exposé qui se trouve dans l'arrêt de renvoi; qu'une telle signification, incomplète et irrégulière, ne saurait satisfaire au vœu de l'article 241 1. »

La question devient toutefois plus délicate lorsque l'arrêt de renvoi et l'acte d'accusation s'appliquent à plusieurs accusés. Dans une affaire qui comprenait un certain nombre d'accusés et dans laquelle l'acte d'accusation avait une grande étendue, le procureur général avait pris le parti de ne faire signifier à chaque accusé, outre l'arrêt de renvoi, que la première partie de l'acte d'accusation qui exposait les faits généraux, et dans la deuxième partie, qui comprenait les faits particuliers, la portion de cet exposé relative aux faits particuliers personnels à chacun d'eux. Le pourvoi fondé sur cette signification partielle de l'acte d'accusation a été rejeté : « attendu, en fait, que le procès-verbal de la séance de la cour d'assises constate qu'à l'ouverture des débats les demandeurs ont pris des conclusions à l'effet de signaler les omissions que renfermait l'acte d'accusation dont ils avaient reçu copie; qu'ils ont demandé acte de leurs réserves aux fins de se prévaloir de ce moyen de nullité, s'il y avait lieu, dans le cas où un arrêt de condamnation viendrait à les frapper; que ces omis1 Cass. 17 déc. 1858 (Bull., no 309).

sions ne pouvaient donner lieu à la nullité de la procédure qu'autant qu'elles auraient été de nature à préjudicier à la défense de ces accusés; qu'il leur appartenait dès lors d'exciper du préjudice résultant de cette signification incomplète de l'acte d'accusation, et de demander la remise de la cause ou leur renvoi à une autre session, pour qu'on leur signifiât un acte plus régulier et plus complet, sauf à la cour d'assises, en appréciant le mérite de cette demande, à décider s'il y avait ou non inconvénient pour la défense à passer outre aux débats; mais que les accusés, en se bornant à de simples réserves sans conclure au renvoi, ont accepté les débats et reconnu par suite que ces omissions ne nuisaient pas à leurs droits; que, dans cet état des faits, il n'existe aucune violation de l'article 242 et des droits de la défense '. »> Cet arrêt, qu'il faut considérer comme un arrêt d'espèce plutôt que de principe, repose au fond sur une pure appréciation de fait. Lorsque la cour d'assises reconnaît, au moment de l'ouverture des débats, soit par la déclaration de l'accusé, soit par la vérification de la procédure, que l'arrêt de renvoi et l'acte d'accusation n'ont pas été notifiés, elle doit ordonner ou la remise de la cause à une époque plus éloignée de sa session, si la durée de cette session permet de remplir la formalité et de laisser écouler les cinq jours qui doivent la suivre, ou le renvoi de l'affaire à la session suivante pour que, dans l'intervalle, la signification soit faite. Il ne lui appartient pas d'apprécier si l'inaccomplissement de cette formalité a pu nuire à la défense, attendu qu'elle n'est nullement juge des intérêts de cette défense, et que la loi exige impérieusement que la signification soit faite cinq jours au moins avant l'ouverture des débats. Il ne lui appartient pas non plus de procéder, nonobstant cette omission reconnue, à la continuation du débat, puisque ce serait continuer une procédure entachée d'une nullité évidente, et que c'est pour une telle hypothèse que la loi a mis à sa disposition la faculté d'une remise ou d'un renvoi. Or, la cour d'assises doit-elle procéder différemment au cas d'un défaut absolu de notification et au cas d'une notification seulement incomplète et partielle? Nous avons dit tout à l'heure qu'à nos yeux une notification incomplète et partielle équivalait à l'absence même de la notification. A la vérité, dans l'espèce, on soutenait que la notification, quoique 1 Cass. 23 déc. 1852 (Bull., no 413).

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