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quand la chambre est déjà composée de cinq membres '; 2° lorsqu'un membre du barreau a été appelé à en faire partie sans qu'il soit formellement constaté qu'il n'a été appelé qu'à raison de l'empêchement des magistrats qui font partie des autres chambres. Nous n'ajouterons rien à nos premières observations à cet égard.

2279. Les moyens de nullité pris de la fausse interprétation de la loi sont relatifs, en général, à la qualification des faits. Nous avons expliqué dans quels cas cette qualification peut donner ouverture à la cassation 3.

Mais, en dehors des cas où elle interprète la loi pénale pour qualifier les faits incriminés, la chambre d'accusation peut être incessamment appelée à faire l'application des lois pour régler les points de procédure qui se présentent à son appréciation. Il est à cet égard de règle générale que toutes les fois que la chambre d'accusation a jugé un point de droit, son arrêt peut être déféré à la Cour de cassation. Il entre, en effet, dans les attributions générales de la Cour de cassation de réformer les arrêts qui renferment une contravention expresse à la loi ‘. Dès que la question jugée par la chambre d'accusation n'est pas une simple appréciation de fait, dès qu'elle consacre une interprétation de la loi, elle appartient à la Cour suprême, à qui l'interprétation souveraine des lois a été déférée. C'est d'après cette règle que l'arrêt du 4 août 1820 a accueilli un pourvoi du ministère public fondé sur la fausse interprétation de l'article 94 du Code d'instruction criminelle. C'est d'après la même règle qu'un arrêt du 26 juin 1846 a admis un pourvoi fondé sur la fausse interprétation de l'article 479, n° 1, du Code pénal, et qu'un autre arrêt du 24 août 1849 a également statué sur un pourvoi fondé sur l'application du principe de la non-rétroactivité des lois".

2280. Les moyens de nullité proposés contre l'arrêt de la chambre d'accusation peuvent être pris, en troisième lieu, de l'admission ou du rejet des exceptions proposées devant cette chambre.

1 et 2 Voy.suprà nos 2124 et suiv.

3 Voy suprà no 2262.

4 L. 20 avril 1810, art. 7.

5 Voy. cet arrêt cité suprà, p. 397.

6 Bull., no 163.

* Bull., no 221.

Ces exceptions peuvent résulter 1° de ce que l'action n'est pas encore ouverte, par exemple, par le défaut de plainte, lorsque le délit ne peut être poursuivi que sur la plainte des parties lésées ; 2o de ce qu'elle est suspendue dans le cas où l'autorisation pour la mise en jugement du prévenu est nécessaire, ou dans le cas où une exception préjudicielle s'oppose à la poursuite; 3° de ce qu'elle est éteinte par la prescription, la chose jugée, l'amnistie.

Les arrêts qui prononcent sur ces exceptions, soit qu'ils les accueillent ou les écartent, peuvent être attaqués par la voie de la cassation. En effet, ces arrêts sont définitifs, sauf le cas où les faits qui auraient servi de base à l'exception se modifieraient ultérieurement. (Voy. no 1021.) Il est donc nécessaire qu'une voie soit ouverte contre eux, et la base de ce recours se trouve dans l'article 408. Telle est l'interprétation que de nombreux arrêts de la Cour de cassation ont consacrée. Nous n'en citerons que quelques-uns.

Une chambre d'accusation avait déclaré un prévenu à l'abri de toute poursuite, à raison d'un arrêt qui constituait en sa faveur l'exception de la chose jugée. Le prévenu soutint que le pourvoi formé par le ministère public contre cet arrêt était non recevable parce qu'aucun article du Code ne l'autorisait; mais la Cour de cassation : « Attendu que le pourvoi du procureur général ne porte pas sur une mise en liberté ordonnée d'après une appréciation plus ou moins exacte des preuves; conséquemment qu'il n'y a pas lieu à l'application des articles 360 et 409, ni d'aucun autre article du Code; qu'il est fondé sur une prétendue violation des règles de compétence établies par la loi, et d'après les articles 407 et 408: rejette la fin de non-recevoir proposée contre le pourvoi'.

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Dans une poursuite pour crime de bigamie, le prévenu avait proposé devant la chambre d'accusation plusieurs exceptions que cette chambre avait écartées. Il ne se pourvut point contre cet arrêt et prétendit relever ses exceptions contre l'arrêt de condamnation. Son pourvoi a été rejeté : « Attendu que les fins de non-recevoir invoquées contre les poursuites dirigées contre lui et qu'il fait résulter soit de l'incompétence des tribunaux français pour juger de la validité de son premier mariage, contracté sous l'empire des lois anglaises, soit de sa qualité d'étranger, qu'il 1 Cass. 12 oct. 1811 (J. P., tom. IX, p. 650).

aurait communiquée à sa seconde épouse par le fait même de la célébration du mariage, que ces fins de non-recevoir ont été présentées par lui à la chambre des mises en accusation qui les a justement écartées; qu'il ne s'est pas pourvu contre l'arrêt qui les rejette; que cet arrêt prononçant sa mise en accusation pour avoir contracté un second mariage avant la dissolution du précédent, il ne reste plus qu'à examiner si ce fait, dont le jury l'a déclaré coupable, est qualifié crime par la loi '. »

Dans une 3 espèce, un prévenu, qui prétendait que l'ordonnance de non-lieu rendue en sa faveur avait acquis l'autorité de la chose jugée, s'était pourvu contre l'arrêt de la chambre d'accusation qui avait écarté sa prétention. Le procureur général soutint que ce pourvoi n'était pas recevable; mais la Cour de cassation rejeta cette fin de non-recevoir : « Attendu que, s'il est de principe que les arrêts des chambres d'accusation portant renvoi devant le tribunal correctionnel ne sauraient être considérés, en tant qu'ils statuent sur le fait de la prévention, comme ayant un caractère définitif et comme liant la juridiction par eux saisie, et si, par suite, ces arrêts, aussi bien que les ordonnances de mise en prévention, ne sont susceptibles d'aucun recours, ce principe ne s'applique point au cas où le renvoi n'est prononcé qu'après l'examen et la décision du point de savoir si l'opposition déclarée par le ministère public ou par la partie civile, en conformité de l'article 135, à une ordonnance de non-lieu, est intervenue dans le délai déterminé, à peine de déchéance par cet article; qu'en ce chef, les arrêts de renvoi à la police correctionnelle, statuant souverainement et d'une manière définitive, ne peuvent être attaqués que par la voie du recours en cassation, seul moyen qui reste au prévenu pour faire admettre en sa faveur l'exception péremptoire, résultant de ce que l'ordonnance de non-lieu aurait acquis l'autorité de la chose jugée. »

Dans une 4 espèce, le ministère public opposait encore au pourvoi, fondé sur l'exception de la chose jugée, sa non-recevabilité, et cette fin de non-recevoir a été de nouveau rejetée : « Attendu qu'il s'agit, dans l'espèce, d'une double question de compétence, à savoir, si l'ordonnance de la chambre du conseil était passée en force de chose jugée et si le fait articulé dans la plainte

1 Cass. 20 nov. 1828 (J. P., tom. XXII, p. 364).

2 Cass. 15 avril 1836 (Bull., no 115).

de la partie civile et dans l'arrêt attaqué constituait un délit ou une contravention; que c'est par la voie du recours en cassation que le prévenu a dû attaquer l'arrêt de la chambre d'accusation, puisque, sans ce recours, l'arrêt attaqué aurait créé une fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée et de l'incompétence contre le moyen tendant à faire prononcer la nullité de l'opposition de la partie civile; que la cour, étant valablement saisie du pourvoi sous ce rapport, l'est nécessairement pour connaître des questions accessoires qui se rattachent au pourvoi' ». Enfin, dans une dernière espèce, la Cour de cassation, en déclarant non recevable le moyen fondé sur la violation de la chose jugée, n'a fondé sa décision que sur le défaut de pourvoi contre l'arrêt de renvoi. L'arrêt de rejet porte en effet : « qu'il résulte, d'une part, de la combinaison des articles 299 et 408 que les vices reprochés à la procédure antérieure à l'arrêt de renvoi sont couverts par le défaut de pourvoi contre ledit arrêt; et de l'autre, que, si les excès de pouvoir, les violations de l'autorité de la chose jugée et l'omission ou la violation des formalités établies à peine de nullité par la loi, contenues dans l'arrêt de renvoi, peuvent être déférés à la censure de la cour, en vertu dudit article 408, aucune disposition de la loi n'a dispensé les prévenus ou les condamnés de l'obligation de faire connaître leur volonté à cet égard par un pourvoi distinct. »

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Il résulte de cette jurisprudence que, toutes les fois que l'arrêt de la chambre d'accusation acquiert sur une exception proposée devant elle l'autorité de la chose jugée, sa décision, par cela même qu'elle revêt un caractère définitif, peut être attaquée par la voie de la cassation. Cette doctrine prend, en général, son point d'appui dans l'article 408, qui, suivant les auteurs, enveloppe dans le cercle de la compétence toutes les questions dont la solution a pour effet soit de saisir, soit de dessaisir les tribunaux des faits qui sont l'objet de la poursuite. Elle trouverait peut-être une base plus solide dans l'article 3 de la loi du 27 novembre 1 décembre 1790, qui dispose que la Cour de cassation « annulera toutes procédures dans lesquelles les formes au

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1 Cass. 17 août 1839 (Bull., no 267).

2 Cass. 3 oct. 1844 (Bull., no 334).

3 Voy. Legraverend, tom. II, p. 435; Bourguignon, tóm. II, p. xп; Tarbé, p. 150; et Mangin, tom. II, p. 173 et 198.

ront été violées et tout jugement qui contiendra une contravention expresse au texte de la loi » . Nous reviendrons tout à l'heure sur ce point.

2281. Un quatrième moyen de nullité attaché à l'arrêt luimême, et pris en dehors des termes de l'article 299, résulte du refus ou de l'omission de statuer sur tous les chefs des réquisitions du ministère public ou des conclusions des parties.

Nous avons déjà établi l'obligation qui pèse sur la chambre d'accusation de statuer sur chacun des chefs de demande dont elle est saisie'. La conséquence nécessaire de cette obligation est la nullité de l'arrêt qui a refusé ou omis de la remplir, puisque ce refus ou cette omission emporte la déchéance de l'action ou la děnégation de l'exception qui est opposée à l'action. La Cour de cassation a consacré cette nullité très-explicitement lorsque l'omission de statuer concerne l'un des chefs de la prévention ou des réquisitions du ministère public'; mais sa jurisprudence a été moins explicite en ce qui concerne les demandes des parties. Nous ne pouvons que nous référer aux observations que nous avons émises sur ce point'.

2282. Enfin les énonciations de l'arrêt peuvent fournir encore plusieurs moyens de nullité, lorsque ces énonciations ne satisfont pas aux prescriptions de la loi, ou lorsqu'elles renferment une violation expresse de ces prescriptions.

Ainsi les arrêts doivent, aux termes de l'article 7 de la loi du 20 avril 1810, être motivés, et nous avons vu précédemment que le défaut de ces motifs entraîne la nullité *.

Ainsi les arrêts doivent, aux termes de l'article 234, contenir, à peine de nullité, la double mention des réquisitions du ministère public et du nom des juges qui les ont rendus '.

Ainsi, l'arrêt qui, au lieu de décerner une ordonnance de prise de corps contre l'accusé, conformément à l'article 232, le renvoie devant la cour d'assises en état de mandat d'amener, commet

1 Voy. suprà no 2207.

2 Voy. suprà no 2208.

3 Voy. suprà nos 2211 et suiv.

4 Voy. suprà nos 2213 et suiv.; et cass. 8 janv. et 1er déc. 1859 (Bull., nos 6 et 262; 29 mars 1860, no 86.

5 Voy. suprà no 2223.

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