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un excès de pouvoir qui justifie le pourvoi. Ce dernier point a été consacré par un arrêt qui est ainsi conçu: « Relativement à la disposition portant renvoi du prévenu en état de mandat d'amener — attendu que cette disposition n'est que le mode d'exécution de l'arrêt de renvoi, et que le demandeur soutenant que ce mode d'exécution contient une violation des règles de la compétence et un excès de pouvoir, son pourvoi est recevable, aux termes des articles 408 et 416; et attendu que d'après les articles 91, 130 et 239, le mandat d'amener ne peut être décerné que par le magistrat chargé de l'instruction; que le prévenu d'un délit correctionnel qui peut entraîner la peine d'emprisonnement doit rester en liberté, s'il n'est pas en état d'arrestation, et que l'obligation de se représenter ne peut être imposée qu'à celui qui a été mis en liberté sous caution; que, dans l'espèce, il n'avait été décerné dans le cours de l'instruction aucun mandat d'amener, ni de dépôt, ni d'arrêt contre le prévenu; d'où il suit qu'en ordonnant son renvoi en état de mandat d'amener, l'arrêt attaqué a violé les règles de la compétence et commis un excès de pouvoir 1. »

§ II. Contre quels arrêts le pourvoi peut être forme.

2283. Nous venons d'énumérer les moyens de nullité qui peuvent être proposés contre les arrêts de la chambre d'accusation. Il faut examiner maintenant dans quels cas ces moyens peuvent être employés par les parties, ou, en d'autres termes, s'ils peuvent être indistinctement opposés à tous les arrêts.

La chambre d'accusation statue tantôt comme chambre des mises en accusation, tantôt comme chambre supérieure des mises en prévention; elle rend des arrêts préparatoires et des arrêts définitifs, des arrêts de non-lieu et des arrêts de renvoi, elle saisit, par ses arrêts de renvoi, tantôt la cour d'assises, tantôt le tribunal correctionnel, tantôt le tribunal de police. Il faut entrer dans chacune de ces hypothèses pour rechercher s'il y a lieu ou non d'ouvrir le pourvoi.

2284. Il faut distinguer en premier lieu les arrêts qui s'appliquent à des faits qualifiés crimes par la loi, et ceux qui s'appliquent à des faits qualifiés délits ou contraventions; car les Cass. 18 févr. 1831 (J. P., tom. XXIII, p. 1222).

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mêmes moyens de nullité ne s'appliquent pas dans tous les cas aux uns et aux autres. Nous nous occuperons d'abord des premiers.

Toutefois une première règle qui s'applique à tous les arrêts, quelle que soit la matière dans laquelle ils interviennent, est que, aux termes de l'article 416, le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d'instruction n'est ouvert, sauf le cas d'incompétence, qu'après l'arrêt définitif. Il suit de là que tous les arrêts qui ne font qu'ordonner un apport de pièces ou un supplément d'instruction ne sont pas susceptibles d'un pourvoi distinct; mais cet article ne s'applique pas aux arrêts interlocutoires qui peuvent causer un grief au fond. Ainsi, une chambre d'accusation, saisie par le rapport du procureur général, avant l'expiration du délai prescrit par l'article 217, avait déclaré n'y avoir lieu d'entendre ledit rapport quant à présent, et avait renvoyé la continuation de la séance à un autre jour. Le procureur général s'est pourvu, et la Cour de cassation a déclaré ce pourvoi recevable « Attendu que cet arrêt est plus qu'un arrêt préparatoire, qu'un arrêt d'instruction; qu'il statue définitivement et sur un point important 1».

La voie de la cassation n'est donc ouverte que contre les arrêts qui ont un caractère définitif, en ce sens qu'ils terminent l'instruction dont la chambre d'accusation est saisie, ou qu'ils statuent définitivement sur la question qui a été portée devant elle; mais à tous les arrêts définitifs de la chambre d'accusation ne sont pas attachés les mêmes effets; et c'est à raison de ces effets différents que nous déterminerons plus loin qu'ils sont ou ne sont pas susceptibles de recours.

2285. Tous les arrêts, d'abord, quels que soient leurs effets, peuvent être attaqués, à raison de la violation des formes qui sont essentielles à leur existence. Ainsi, s'ils n'ont pas été rendus par le nombre de juges prescrit par la loi ou ne contiennent pas la mention du nom de ces juges, s'ils n'ont pas été précédés de l'audition du ministère public ou ne constatent pas ses réquisitions, s'ils n'énoncent ni les motifs de la décision, ni le nom et la désignation personnelle de l'accusé, ni les faits incriminés, il est évident qu'ils peuvent être l'objet d'un recours; car ce sont là les termes qui constituent l'arrêt et lui donnent l'existence.

1 Cass. 13 mars 1841 (Bull., no 64).

Mais, en dehors de ces nullités de forme, il faut examiner, pour s'assurer si le recours est ouvert ou ne l'est pas, quel est le caractère de l'autorité attachée aux dispositions attaquées.

Si les arrêts de la chambre d'accusation, soit qu'ils renvoient l'accusé devant la cour d'assises, soit qu'ils déclarent n'y avoir lieu à suivre, se fondent uniquement sur l'appréciation des faits et des charges constatés par l'instruction; cette appréciation, qui peut d'ailleurs être détruite par les charges ultérieures, ne peut fonder aucune nullité.

Si les arrêts ne sont pas exclusivement fondés sur la constatation ou sur l'appréciation des faits, il y a lieu de distinguer s'ils peuvent ou ne peuvent pas acquérir, relativement aux points qu'ils décident, l'autorité de la chose jugée.

En thèse générale, les arrêts qui sont susceptibles d'acquérir l'autorité de la chose jugée peuvent seuls être attaqués par voie de la cassation. En effet, c'est parce qu'il n'existe plus aucun moyen légal de reprendre les points qu'ils ont résolus, c'est parce que les questions qu'ils décident sont définitivement décidées que le recours est ouvert; car il en résulte, soit pour l'accusation, soit pour la défense, un droit acquis ou un grief irréparable. Que si, au contraire, les déclarations de ces arrêts sont provisoires ou purement indicatives, si elles ne lient pas les juges de renvoi et que ces juges aient le pouvoir d'apprécier de nouveau les faits qui ont déjà été appréciés et d'asseoir sur ces faits une décision différente, il n'y a point de droit définitivement acquis, point de grief qui ne puisse être réparé. Or la loi, qui a considéré le pourvoi en cassation comme un recours extraordinaire et ne l'a point soumis aux mêmes règles que l'appel, tend sans cesse à le restreindre et ne l'ouvre, par conséquent, que dans les cas où l'intervention de la Cour de cassation est indispensable pour assurer les droits des parties, ou maintenir la saine application de ses textes. Tel est le véritable sens des articles 408, 413 et 416.

C'est d'après cette interprétation qu'il faut décider que tous les arrêts qui prononcent sur des exceptions ou des fins de non-recevoir peuvent être l'objet d'un pourvoi. Car nous verrons plus loin que, sauf quelques restrictions qui résultent de la qualification ultérieure des faits, quand cette qualification est l'un des éléments de l'exception, la décision de la chambre d'accusation, si elle n'est pas attaquée, devient, dans la procédure, un point ac

quis l'exception admise ou rejetée ne peut plus être ni débattue ni proposée devant les juges du fond; s'il en résulte un grief, il n'existe aucun moyen de le redresser.

C'est par le même motif qu'il faut décider encore que les arrêts qui ont omis ou refusé de statuer sur un des chefs des réquisitions ou des conclusions peuvent également être attaqués. Car, s'il n'a pas été prononcé sur l'un des chefs de la prévention, l'action publique peut être, quant à ce chef, frappée de déchéance, et s'il n'a pas été statué sur l'un des moyens formellement proposés par la défense, ce moyen pourrait être considéré comme définitivement écarté.

C'est par le même motif qu'il faut décider enfin que le pourvoi est admissible: 1° contre les arrêts qui feraient une fausse application des règles de la procédure, car cette application peut avoir pour effet de suspendre ou d'annuler l'action publique ou les droits du prévenu '; 2° contre les arrêts rendus en matière de liberté provisoire, car ils statuent définitivement sur le maintien ou le refus de cette liberté 2.

Mais à ce principe la loi a fait une double exception : la première est relative aux arrêts de compétence. Ces arrêts ne sont que purement indicatifs : ils désignent la juridiction devant laquelle ils renvoient l'affaire ; ils ne lient pas cette juridiction, qui peut, si elle reconnaît son incompétence, se dessaisir. Et, néanmoins, ils peuvent, quoique leur décision n'ait point force de chose jugée, aux termes des articles 408 et 416, être attaqués par la voie de la cassation. La raison de cette exception, qui sera justifiée plus loin, est qu'un intérêt public s'attache à l'ordre des juridictions, et qu'il importe qu'un accusé ne puisse être traduit devant un juge qui n'a pas de pouvoirs pour le juger.

La deuxième exception est relative à la qualification des faits. Les arrêts qui prononcent sur cette qualification n'ont pas l'autorité de la chose jugée et les juges du renvoi peuvent, d'après le résultat des débats, modifier sur ce point les déclarations de la chambre d'accusation '; mais l'intérêt de l'action publique et l'intérêt de la défense exigent qu'en matière criminelle le ministère public et l'accusé puissent attaquer une qualification qui

3

1 Cass. 5 mars 1841 (Bull., no 54).
2 Cass. 26 mai 1838 (Bull., no 143).
3 Voy. infrà no 2314.

entraînerait une accusation erronée: il importe à l'action pnblique d'avoir une base légale et de saisir, avec leur caractère propre, tous les faits que la loi lui permet d'incriminer. I importe à l'accusé de pouvoir se défendre non-seulement contre l'accusation, mais contre le titre même d'accusé.

2286. Les arrêts de la chambre d'accusation, qui ont pour objet des faits qualifiés délits ou contraventions, peuvent également être attaqués par voie de cassation.

Pour déterminer avec plus de précision dans quels cas le pourvoi est recevable contre ces arrêts, il faut distinguer deux hypothèses :

Ou la chambre d'accusation, statuant comme juge d'appel, prononce sur une opposition formée contre l'ordonnance du juge d'instruction,

Ou, saisie, soit en vertu de l'article 135, soit en vertu des articles 133 et 235, elle déclare qu'il n'y a lieu à suivre sur des faits auxquels elle ne reconnaît que le caractère d'un délit ou d'une contravention, ou renvoie la prévention relative à ces faits devant le tribunal correctionnel ou devant le tribunal de police.

Les arrêts qui interviennent dans ces deux hypothèses ne sont susceptibles de pourvoi que dans des cas qu'il importe de définir

avec soin.

Il est évident, d'abord, qu'ils peuvent tous être attaqués : 1° pour cause d'incompétence, puisque l'article 413 porte que « les voies d'annulation exprimées en l'article 408 sont, en matière correctionnelle et de police, respectivement ouvertes à la partie poursuivie pour un délit ou une contravention; au ministère public et à la partie civile, s'il y en a une, contre tous arrêts ou jugements en dernier ressort; » 2° pour violation des formes essentielles à l'existence de l'arrêt et notamment des formes prescrites par l'article 234 du Code d'instruction criminelle, et par l'article 7 de la loi du 20 avril 1810.

2287. Cela posé, quels sont les autres cas où le pourvoi est admis?

Lorsque l'arrêt est intervenu sur opposition, il faut distinguer si l'opposition est déclarée mal fondée ou si elle est admise.

Si l'opposition formée par le ministère public ou par la partie civile est déclarée mal fondée, ou si la chambre d'accusation,

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