Page images
PDF
EPUB

qualifications qu'ils donnent aux faits incriminés; ces qualifications ne lient point les tribunaux correctionnels ou de police, qui peuvent, d'après leur examen, considérer les mêmes faits sous un autre point de vue. Il suit de là que, d'après la règle que nous avons posée, ces arrêts, n'étant point sous ce rapport définitifs, ne pourraient être attaqués par la voie de la cassation. A la vérité, l'article 299 fait une exception relative aux arrêts de renvoi devant la cour d'assises ces arrêts peuvent être attaqués à raison de leurs qualifications, bien qu'elles puissent être modifiées d'après le résultat des débats; mais l'article 299, qui ne s'applique qu'aux arrêts de renvoi à la cour d'assises, peut-il être étendu aux arrêts de renvoi à la police correctionnelle et à la simple police? N'est-ce pas là une exception à la règle générale du recours en cassation, exception motivée sur la gravité de l'accusation, sur l'intérêt qu'a le prévenu en matière criminelle de ne pas comparaître devant le jury, et qui ne peut être appliquée à des cas où la prévention n'a pas les mêmes conséquences? Enfin, les termes de cet article ne sont-ils pas restrictifs? Peut-on les séparer des termes de l'article 296? N'est-il pas évident que la loi n'a eu en vue que l'arrêt de renvoi devant les assises? Une seconde objection, qui fait la base de la note qui vient d'être citée, consiste à considérer comme des arrêts de compétence les arrêts de renvoi devant les tribunaux de police et de police correctionnelle; mais n'est-ce pas confondre les arrêts de compétence et les arrêts de qualification? A ce point de vue, il faudrait soutenir que tous les arrêts des chambres d'accusation sont des arrêts de compètence, car ils indiquent, par le renvoi qu'ils font de l'affaire, la juridiction compétente pour la juger; mais ce serait là une erreur qui est démontrée et par la loi elle-même qui distingue les moyens tirés de la compétence, et par la nature même des choses. Il n'y a d'arrêt de compétence que lorsqu'il y a eu débat sur la compétence, lorsque la question a été agitée entre deux juridictions, lorsque l'arrêt a eu pour objet de la fixer. On ne trouve donc dans la loi aucun texte qui puisse, dans l'hypothèse que nous examinons, servir de base au pourvoi.

On peut opposer toutefois à cette doctrine que si le prévenu a intérêt à ne pas comparaître comme accusé devant la cour d'assises, il a le même intérêt en ce qui concerne la police correctionnelle; que toute prévention, qu'elle soit infamante ou simple

[ocr errors]

ment correctionnelle, laisse toujours au front de celui qui la subit une tache plus ou moins flétrissante, et que le droit de la défense doit lui fournir les moyens de l'éviter. C'est d'après ce motif que nous avons précédemment combattu la jurisprudence qui enlève au prévenu le droit d'opposition contre les ordonnances du juge d'instruction. Mais il y a lieu de distinguer entre la voie de l'opposition et la voie de cassation. L'opposition ou l'appel est une voie commune de recours qui a été établie par la loi contre les jugements des juges de première instance; il est donc permis de trouver étrange que cette voie de recours soit, dans le même cas, reconnue à l'une des parties et déniée à l'autre. Mais la voie de la cassation est une voie extraordinaire de recours qui n'est attribuée aux parties que lorsque tout autre moyen de réforme leur est fermé, et dont la loi a voulu par des précautions multiples circonscrire l'application. Il ne faut donc pas s'étonner si la loi n'a pas assuré ce recours aux arrêts de renvoi devant les juges correctionnels et de police, à raison d'une qualification vicieuse ce vice de l'arrêt ne produit pas un préjudice irréparable; le prévenu peut le signaler aux juges devant lesquels il est renvoyė1.

Ce point a été très-fermement établi par la jurisprudence. Un arrêt décide « qu'aucune disposition du Code n'autorise le recours en cassation contre un arrêt de la chambre des mises en accusation portant renvoi du prévenu devant le tribunal de police correctionnelle; que ce droit n'existe que dans le cas où cet arrêt a statué sur une exception d'incompétence proposée par le prévenu devant la chambre d'accusation, ou lorsque l'arrêt renferme une disposition définitive en dernier ressort, sur laquelle le tribunal devant lequel le prévenu se trouve renvoyé n'aurait pas le droit d'exercer son pouvoir en la modifiant ou la réformant; que, dans l'espèce, l'arrêt de la chambre d'accusation, contre lequel le demandeur s'est pourvu, a statué uniquement sur la prévention du délit prévu par l'article 597 du Code de commerce, objet de l'inculpation dirigée contre le prévenu, et l'a renvoyé devant le tribunal de police correctionnelle pour y être, jugé; qu'aucune exception n'a été proposée par l'inculpé devant la chambre d'accusation contre la compétence de la juridiction correctionnelle soit 1 Voy. en sens contr. Mangin, tom. II, p. 173; Legraverend, tom. II, p. 435; Bourguignon, tom. II, p. 12; Rauter, tom. II, p. 477; Tarbé, p. 150.

à raison du lieu, soit à raison de la matière, soit à raison de la personne; que par conséquent l'arrêt attaqué n'a eu à statuer et n'a statué, en effet, sur aucun moyen d'incompétence; que cet arrêt ne renferme d'ailleurs aucune disposition définitive sur laquelle le tribunal saisi de la connaissance de l'affaire ne puisse statuer dans toute la plénitude des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi; d'où il suit que le pourvoi en cassation formé par le demandeur contre l'arrêt précité ne saurait être reçu '. »

2291. En ce qui concerne le ministère public, la question se présente dans des termes parfaitement identiques, lorsque l'arrêt de renvoi devant le tribunal de police ou le tribunal correctionnel est attaqué parce que le fait serait qualifié crime par la loi. Le pourvoi, dénié au prévenu qui prétend que le fait ne constitue ni délit ni contravention, doit-il être accordé au procureur général qui prétend qu'il constitue, non un délit ou une contravention, mais un crime? La Cour de cassation a décidé ce second point par l'affirmative.

Une chambre d'accusation avait attribué au tribunal correctionnel la connaissance d'un vol commis sur un chemin public, par le motif que ce vol avait été commis par supercherie et non par violence. Le procureur général s'est pourvu contre cet arrêt, qui a été cassé : « Attendu que l'arrêt attaqué constate en fait que les défendeurs sont suffisamment prévenus d'avoir commis sur un chemin public la soustraction frauduleuse d'une somme d'argent au préjudice d'autrui, et que cet arrêt à attribué là connaissance de ce vol à la juridiction correctionnelle, sous prétexte qu'il avait été commis par adresse, supercherie et filouterie; qu'il suffisait que le fait constituât réellement une soustraction frauduleuse pour que la seule circonstance qu'il avait eu lieu sur un chemin public le fit rentrer dans la classe des vols prévus par l'article 383 du Code pénal'. » Dans une autre espèce, une chambre d'accusation, statuant sur l'opposition du ministère public, avait confirmé l'ordonnance de la chambre du conseil portant renvoi d'un prévenu devant le tribunal correctionnel pour complicité de vol simple. Le procureur général s'est pourvu contre cet arrêt, à raison de ce que le fait de vol aurait été qua1 Cass. 14 juin 1851 (Bull., no 223).

2 Cass. 20 mars 1828 (J. P., tom. XXI, p. 1305).

lifié crime; et ce pourvoi a été déclaré recevable en la forme, quoiqu'il ait été rejeté au fond'. Dans une autre espèce, enfin, la chambre d'accusation avait annulé l'ordonnance de la chambre du conseil et renvoyé les prévenus devant le tribunal de police, en qualifiant de bruits et tapages injurieux et nocturnes les cris que la chambre du conseil avait considérés comme ayant un caractère séditieux. Sur le pourvoi du procureur général, qui a été déclaré recevable, cet arrêt a été annulé. Nous pourrions citer d'autres arrêts dans le même sens.

Il serait difficile de trouver à cette jurisprudence une base légale. Si l'arrêt de renvoi devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police ne peut être attaqué pour fausse qualification des faits par le prévenu, comment peut-il l'être par le ministère public? Cet arrêt, que la Cour de cassation rejette avec raison dans le premier cas de la classe des arrêts de compétence, doit-il y rentrer par cela seul que c'est le ministère public qui s'est pourvu? L'application de l'article 408 dépend-elle, non du caractère de l'arrêt, mais de la qualité de la personne qui a interjeté le pourvoi? D'un autre côté, l'article 299, qui a restreint les pourvois pour fausse qualification aux arrêts de renvoi devant la cour d'assises, et que la Cour de cassation a refusé avec raison d'étendre aux autres arrêts de renvoi, lorsque c'est le prévenu qui se pourvoit, ne pourrait, sans une évidente contradiction, servir de fondement au pourvoi du ministère public; car cet article met sur la même ligne les deux pourvois et leur assigne les mêmes droits. Or, si le recours du ministère public ne peut trouver un appui ni dans l'article 299, ni dans l'article 408, quelle en sera la base? On ne peut invoquer ici le principe qui admet le pourvoi toutes les fois que l'arrêt renferme quelque disposition définitive contre laquelle il n'existe aucune voie de réforme : si la qualification est inexacte, elle peut être rectifiée par le tribunal saisi; si le fait, inexactement qualifié délit ou contravention, a les caractères d'un crime, ce tribunal se déclare incompétent, et l'affaire revient, par voie de règlement, devant ses juges légaux. Enfin, la position du ministère public qui prétend que le fait constitue un crime et la position du prévenu qui prétend que le fait ne constitue ni délit ni contravention sont exactement les mêmes :

1 Cass. 23 févr. 1849 (Bull., no 44). 2 Cass. 8 mars. 1851 (Bull., no 94).

l'arrêt, dans l'un et l'autre cas, a le même caractère; dans l'un et l'autre cas, le moyen de cassation est pris de la fausse qualification du fait; enfin, dans l'un et l'autre cas, l'erreur de cette qualification peut être réparée par les juges du fond. Ne semble-t-il pas difficile dès lors de déclarer le pourvoi du ministère public recevable et celui du prévenu non recevable? de considérer l'arrêt là comme un arrêt de compétence, ici comme un arrêt de qualification? de déclarer que l'arrêt de renvoi à la police simple ou correctionnelle fait grief à l'action publique et n'en fait aucun au prévenu? Il est évident que cette jurisprudence, fondée sur un motif d'utilité pratique et non sur un motif de droit, a eu pour but d'éviter une involution de procédure : le pourvoi du procureur général abrége les délais, puisqu'il rend inutiles le renvoi des pièces devant le tribunal saisi, la déclaration d'incompétence de ce tribunal et le règlement de juges qui en serait la conséquence. De là la recevabilité de ce pourvoi, qu'aucun texte n'appuie, mais qui a paru nécessaire à la prompte expédition des affaires. La jurisprudence a créé dans la loi une distinction qui est contraire à ses règles générales, et qu'on chercherait vainement à en déduire comme une conséquence. On ne doit point méconnaître l'utilité du pourvoi; mais peut-être eût-il été plus conforme à l'esprit même de cette loi, qui a voulu, dans ses articles 299 et 408, assurer les mêmes voies de recours au ministère public et au prévenu, de ne pas les séparer ici et de reconnaître à la défense le droit qui est conféré à l'accusation.

§ III. Quelles parties sont recevables à se pourvoir.

2292. Nous avons indiqué les moyens de nullité qui peuvent être invoqués contre les arrêts de la chambre d'accusation et les cas dans lesquels la voie de la cassation est ouverte pour les faire valoir. Il faut examiner maintenant quelles sont les personnes auxquelles le pourvoi est permis.

Ces personnes ne peuvent être que celles qui ont été parties dans la cause le ministère public, l'accusé et la partie civile. Mais les droits dont ces parties sont investies à cet égard ne sont pas les mêmes, et il importe dès lors de les discerner avec

soin.

Aux termes de l'article 296 du Code d'instruction criminelle, la faculté de se pourvoir appartient au procureur général : il peut

« PreviousContinue »