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l'exercer contre tous les arrêts qui sont susceptibles d'être attaqués par la voie de cassation; il peut faire valoir contre ces arrêts tous les genres de nullité que la loi permet de leur opposer.

2293. La seule question qui s'élève ici est de savoir si, lorsque le chef-lieu de la cour d'assises n'est pas celui de la cour impériale, le procureur impérial près cette cour d'assises peut, comme le procureur général, se pourvoir contre l'arrêt de la chambre d'accusation. Cette question ne peut concerner que les arrêts de renvoi devant la cour d'assises et l'application des moyens de nullité qui doivent être formulés dans le délai prescrit par l'article 296; car à l'égard de tous les autres arrêts, contre lesquels le recours doit être formé dans les trois jours de leur date, aux termes de l'article 373, le procureur impérial ne peut prétendre à user d'un droit qu'il serait d'ailleurs dans l'impossibilité d'exercer.

La jurisprudence a varié sur ce point. Un arrêt du 10 juillet 1812 décide « que le défaut de pourvoi du procureur général contre l'arrêt de renvoi ne fait pas obstacle au pourvoi du procureur impérial près la cour d'assises, fondé sur ce que le titre de l'accusation n'est pas un fait qualifié crime par la loi '». Un second arrêt du 25 août 1831, confirmant cette première jurisprudence sans énoncer aucun motif, casse, sur le pourvoi du procureur du roi de Versailles, chef-lieu de cour d'assises de la Seine-etOise, un arrêt de la chambre d'accusation de la cour impériale de Paris, portant renvoi d'un accusé devant cette cour d'assises . Mais un troisième arrêt du 25 mai 1832, renversant cette règle, déclare « que les dispositions des articles 296 et 298 ne confèrent qu'à l'accusé et au procureur général le droit d'attaquer par la voie de cassation les arrêts des chambres de mise en accusation; que si, aux termes de l'article 284, le procureur du roi près la cour d'assises remplace auprès de cette cour le procureur général, cette délégation est limitée à la poursuite résultant des arrêts intervenus sur les conclusions de ce magistrat supérieur et des actes d'accusation que la loi le charge de rédiger; qu'une interprétation contraire serait en opposition avec l'ordre hiérarchique des fonctions, le principe d'unité qui a présidé à l'institution du ministère public, et le caractère essentiellement excep1 Journ. du Pal., tom. X, p. 562.

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2 Journ. du Pal., tom. .XXIV, p. 184.

tionnel de la faculté établie par les articles précités; que l'intérêt public ne peut avoir à souffrir de cette limitation de pouvoir, puisqu'en cas d'erreur découverte par le procureur du roi, l'extension donnée par l'article 299 au délai du pourvoi permet à ce magistrat d'en provoquer le redressement'. »

La question n'est pas exempte de difficulté. Il faut écarter, d'abord, l'argument de texte qui fait le premier motif de l'arrêt : l'expression de procureur général qu'emploie l'article 298 n'est pas limitative; car elle est employée dans la plupart des articles de la procédure préliminaire, et cependant il n'est pas douteux que les actes que les articles 261, 305, 306, 307 et 308 chargent le procureur général d'exécuter peuvent l'être par le procureur impérial près la cour d'assises. Et puis l'article 373, qui détermine le droit et les délais du pourvoi contre les arrêts des cours d'assises, dispose, en se servant des mêmes termes que l'art. 298, que le procureur général pourra, dans le même délai, déclarer au greffe qu'il demande la cassation de l'arrêt ». Or le droit du procureur impérial de se pourvoir contre les arrêts des cours d'assises n'a jamais été contesté.

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La difficulté est tout entière dans le deuxième motif de l'arrêt. Ne semble-t-il pas étrange, lorsque la cour d'assises ne siège pas au chef-lieu de la cour impériale, qu'il ne puisse appartenir qu'au procureur général de se pourvoir contre l'arrêt de renvoi? L'accusé, aussitôt que cet arrêt lui a été signifié, est transféré dans la maison de justice établie près la cour d'assises; c'est là qu'il est procédé à son interrogatoire, et c'est à partir de cet interrogatoire que s'ouvre, pour le procureur général comme pour l'accusé, le délai de cinq jours dans lequel l'un et l'autre peuvent se pourvoir. Faut-il admettre que la loi ait voulu faire courir ce délai contre le procureur général qui ne se trouve point au siége de la cour d'assises et qui ne connaît pas même le jour de l'interrogatoire? Ne serait-ce pas annuler son droit de recours quand la cour d'assises est éloignée du lieu de sa résidence? Il résulte de l'article 284 du Code d'instruction criminelle, modifié par l'article 2 de la loi du 25 décembre 1815, que le procureur impérial du lieu où siège la cour d'assises « remplacera près la cour d'assises le procureur général dans les départements autres que celui où siége la cour impériale ». Ne peut-on pas induire 1 Journ. du Pal., tom. XXIV, p. 1098.

de ce texte que le procureur impérial est délégué à l'effet de remplir tous les actes du procureur général qui doivent se formaliser au lieu où siège la cour d'assises? Et de même que ce magistrat est chargé, à la place du procureur général, de faire exécuter toutes les significations antérieures au débat, et de prendre toutes les réquisitions que l'état de la procédure peut exiger, ne peut-il pas le remplacer en formulant, s'il y a lieu, le pourvoi que l'article 299 a ouvert contre l'arrêt de renvoi?

La première réponse à ces objections, qui sont très-spécieuses, est dans le motif de l'arrêt: il est vrai que le procureur impérial est délégué pour remplacer près la cour d'assises le procureur général; mais dans quels actes est-il appelé à le remplacer ? Dans les actes de la poursuite du crime dont la cour d'assises est saisie, dans les actes qui ont pour objet l'exécution de l'arrêt de renvoi, la poursuite de la mise en accusation. Tous les textes dans lesquels la désignation du procureur général enveloppe, en vertu de l'article 284, le procureur impérial, n'ont et ne peuvent avoir trait qu'aux actes de cette poursuite, car c'est là l'objet spécial de la délégation; elle est expressément limitée aux actes de la procédure devant la cour d'assises. Or, faut-il comprendre parmi ces actes le pourvoi contre l'arrêt de renvoi? N'est-ce pas là un acte qui se rattache à une autre procédure, à l'instruction écrite? Et quel est son objet, si ce n'est d'attaquer cette instruction ou l'arrêt qui l'a terminée? Ne serait-il pas même contradictoire que la mission de soutenir une accusation devant la cour d'assises pût conférer le droit d'attaquer l'arrêt qui a formulé cette accusation? Ne serait-ce pas prétendre que celui qui est chargé de l'exécution d'un acte a par cela même le droit d'attaquer cet acte?

Ensuite, à quel titre le procureur impérial pourrait-il se pourvoir contre l'arrêt de la chambre d'accusation? N'est-il pas étranger à cette cour et peut-on admettre que les arrêts d'une cour d'appel puissent être attaqués par un membre d'un tribunal de première instance? N'est-il pas étranger à l'arrêt lui-même, puisqu'il n'était pas partie dans la procédure et que ce n'est pas sur ses conclusions qu'il a été rendu? Ce n'est donc que comme remplaçant le procureur général qu'il pourrait intervenir; et comment concevoir d'ailleurs qu'il puisse remplacer le procureur général quand il s'agit d'attaquer un arrêt rendu sur le rapport et d'après les réquisitions de ce magistrat, quand il s'agit d'atta

quer un arrêt que le procureur général, partie dans l'affaire, n'a pas attaqué? Faut-il donc admettre que la loi ait délégué le procureur impérial pour contrôler les actes du procureur général, pour suppléer à sa négligence et pour le remplacer dans les fonctions qu'il exerce personnellement ou par les substituts de son parquet ?

Et ceci nous conduit à un autre argument: l'ordre hiérarchique des fonctions et l'unité du ministère public permettraient-ils que le procureur impérial pût attaquer un arrêt qui a été rendu conformément aux conclusions du procureur général, et que celui-ci a voulu maintenir? On a dit qu'en matière d'appel le procureur impérial du tribunal supérieur et le procureur général peuvent appeler; mais la loi a voulu précisément attribuer à ces deux magistrats un droit de surveillance sur les jugements du tribunal inférieur; or pourrait-on soutenir qu'un pareil droit pût être conféré au procureur impérial de la cour d'assises sur les arrêts de la cour impériale? Et puis, est-il possible d'assimiler l'appel, qui est un recours commun, à la voie de cassation, qui est un recours extraordinaire? N'est-il pas dans l'esprit de la loi d'étendre les voies et les délais de l'appel, et de restreindre au contraire les pourvois? Enfin, il ne faut pas perdre de vue que le pourvoi prévu par l'article 298 est purement exceptionnel, puisqu'il ne s'ouvre contre l'arrêt de renvoi qu'en dehors d'un premier droit de pourvoi qui a pu déjà s'exercer contre le même arrêt; or, faut-il admettre que ce droit exceptionnel puisse être appliqué par un magistrat qui n'a reçu à cet effet aucune mission expresse de la loi? Faut-il admettre ensuite que le même recours, par cela seul qu'il peut être exercé à deux époques successives, puisse appartenir à deux magistrats différents?

Et, néanmoins, il faut le dire, il reste quelque chose d'insolite dans cette faculté de pourvoi qui ne s'ouvre qu'à distance de celui qui l'exerce et à la suite d'une formalité dont il ne peut connaître la date. On ne comprend pas comment la loi n'a pas pris des précautions pour assurer l'accomplissement d'une voie de recours qui avait à ses yeux quelque importance, puisqu'elle l'établissait. Peut-être faut-il expliquer le droit de pourvoi que l'article 298 confère au procureur général par cela que la loi ne l'a considéré que comme un corollaire du droit de l'accusé : c'est en faveur de ce dernier que l'article 299 a principalement édifié

ce droit exceptionnel, puisqu'il a seul, en général, intérêt à faire tomber l'arrêt qui le renvoie devant la cour d'assises; et ce n'est que pour assurer aux deux parties une même garantie que ce recours a été ensuite étendu au procureur général. De là les précautions incomplètes prises pour sauvegarder le pourvoi de ce. magistrat. Il a paru sans doute suffisant qu'il pût, au cas d'une erreur ou d'une lacune dans les énonciations de l'arrêt, prendre à l'avance les mesures nécessaires pour formuler son pourvoi, et si cette erreur ne se révèle qu'à l'examen que le procureur impérial fait de la procédure, les délais sont tels que ce dernier magistrat peut, avant qu'ils commencent à courir ou pendant leur cours, la signaler à son supérieur, qui doit seul apprécier s'il y a lieu de faire le pourvoi. Il est rare, en effet, qu'un tel pourvoi soit nécessaire, puisque la qualification des faits ne lie pas la cour d'assises; et comme il a pour effet de suspendre la mise en accusation, ce n'est pas trop de toute l'autorité du chef du parquet pour ordonner une telle mesure.

Tels sont les motifs qui nous font penser, conformément au dernier arrêt de la Cour de cassation, que le procureur impérial près la cour d'assises n'est pas recevable à se pourvoir contre l'arrêt de renvoi1.

:

2294. Les prévenus ont les mêmes droits que le procureur général les articles 299, 408 et 413 leur permettent d'invoquer contre les arrêts de la chambre d'accusation les mêmes moyens de nullité. C'est à raison de cette assimilation des deux parties que nous avons combattu la distinction établie par la jurisprudence entre le droit du ministère public et le droit du prévenu relativement aux arrêts de renvoi devant les tribunaux correctionnels et de police. (Voy. no 2291.)

Il faut, toutefois, que l'arrêt porte préjudice au prévenu; car, d'après la règle que nul ne peut se pourvoir contre son propre intérêt, il est évident que, s'il ne peut en résulter aucune lésion, le pourvoi ne serait pas recevable. Ainsi, par exemple, le prévenu ne serait pas admis à se pourvoir contre un arrêt de non-lieu à suivre, quels que fussent les motifs du renvoi.

1 Conf. Mangin, tom. II, p. 218; et contr. Carnot, tom. II, p. 423; Legraverend, tom. II, p. 150; Bourguignon, tom. II, p. 10; Berryat-Saint-Prix, Journ. du Droit crim., tom. XVI, p. 49.

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