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sur une opposition de ce genre; qu'elle l'ait rejetée comme n'étant point recevable en la forme; il suffit qu'elle ait statuẻ pour que le droit de la partie civile soit entièrement épuisé et conséquemment éteint 1. »

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2297. Enfin, la même règle doit encore être appliquée au condamné qui a porté plainte en faux témoignage contre les témoins qui ont déposé contre lui, a formé opposition, en qualité de partie civile, contre l'ordonnance de non-lieu de la chambre du conseil et s'est pourvu en cassation contre l'arrêt confirmatif de cette ordonnance. On prêtendait, en faveur de la recevabilité du pourvoi, que cette partie civile se trouvait dans une position particulière; que l'article 445, qui ouvre la voie de la révision si les témoins à charge sont convaincus de faux témoignage, ordonne qu'il sera sursis à l'exécution de l'arrêt de condamnation, s'il est décerné contre ces témoins des mandats d'arrêt; que, dès lors, la poursuite en faux témoignage est, de la part du condamné, un moyen légitime de défense; qu'il ne doit donc rencontrer aucune entrave et que c'est là une exception à la règle qui prohibe le pourvoi d'une partie civile contre un arrêt de nonlieu. Cette théorie, qui pouvait avoir quelque chose de spécieux, a dù nécessairement être rejetée : « Attendu que l'arrêt attaqué déclare qu'il n'y a lieu à suivre sur la plainte en faux témoignage portée par le demandeur contre quatre des témoins à charge entendus contre lui; que le procureur général ne s'est point pourvu contre cet arrêt; qu'il a acquis à son égard l'autorité de la chose jugée; que, dans le silence du ministère public, le recours formé par le demandeur ne serait recevable qu'autant qu'il aurait pour effet de conserver ou de faire revivre l'action publique; qu'il résulte de la combinaison des articles 1, 3 et 135, que les parties plaignantes ou civiles n'exercent point l'action publique...; qu'à la vérité le demandeur se trouve dans une position spéciale; que l'objet de sa plainte en faux témoignage est de s'ouvrir la voie extraordinaire d'une demande en révision contre l'arrêt qui l'a condamné; mais que les règles qui viennent d'être rappelées sont de droit général, qu'elles sont la conséquence d'un principe de droit public d'après lequel l'action pour

1 Cass. 31 janv. 1828 (J. P., tom. XXI, p. 1118); 11 mars 1843 (Bull., no 55); et les arrêts cités no 2285.

la poursuite des crimes et des délits n'appartient qu'aux fonctionnaires que la loi en a chargés; qu'ainsi ces règles ne pourraient être modifiées dans l'espèce actuelle qu'autant que cette modification résulterait de la loi; que l'article 445 n'accorde au condamné aucune action pour la poursuite des témoins qui ont déposé contre lui; que cet article suppose uniquement l'existence d'une poursuite faite par le ministère public et suivie de la mise en accusation ou de l'arrestation des témoins inculpés; que, s'il serait trop rigoureux de conclure de là que la voie de la plainte est dans tous les cas fermée au condamné, qu'il lui est interdit de dénoncer les témoins qui ont déposé à sa charge, il faut du moins reconnaître que les poursuites qu'il exerce contre eux sont soumises aux règles générales qui régissent l'action de tous les plaignants; qu'on ne pourrait s'écarter de ces règles sans aggraver le sort des témoins dénoncés, alors que, plus exposés à la calomnie, la position du condamné leur laisse moins de garanties pour la réparation du préjudice que sa dénonciation leur aura causé 1. "

2298. La partie civile est-elle, en second lieu, recevable à se pourvoir contre les arrêts de la chambre d'accusation qui déclarent, non qu'il n'y a pas lieu à suivre, mais qu'il n'y a pas lieu, quant à présent, de prononcer à raison d'une exception préjudicielle ?

Lorsqu'il s'agit d'une fin de recevoir telle que la chose jugée ou la prescription, il est clair que l'arrêt qui admet en faveur du prévenu cette exception péremptoire produit les mêmes effets que celui qui déclare purement et simplement qu'il n'y a lieu à suivre il importe peu, en ce qui touche la partie civile, que la déclaration de non-lieu soit fondée sur tels ou tels motifs; elle éteint dans tous les cas l'action publique, si le ministère public ne la relève pas. Le pourvoi de cette partie n'est donc pas recevable, quel que soit le motif qui fonde le non-lieu, puisqu'elle ne peut que demander le renvoi de l'accusation publique devant une juridiction répressive, et que cette action, si elle se pourvoit seule, n'existe plus.

Mais la question n'est pas la même lorsque la chambre d'accusation, au lieu de déclarer qu'il n'y a lieu à suivre, s'arrête 1 Cass. 28 mars 1829 (J. P., tom. XXII, p. 858).

seulement devant une question préjudicielle, lorsqu'elle décide, par exemple, ou qu'il y a lieu de surseoir à raison de l'autorisation nécessaire pour la mise en jugement de l'inculpé, ou que l'action n'est pas recevable quant à présent, à raison d'une question d'état qui s'opposerait à la poursuite immédiate d'un faux ou du défaut du commencement de preuve par écrit d'un contrat, quand la poursuite a pour objet un faux serment prêté sur l'existence de ce contrat. Dans ces différentes hypothèses, l'action publique n'est pas éteinte, elle n'est que suspendue ou non recevable quant à présent; car, si l'autorisation est rapportée, la cause disparaît, et si la question d'état est vidée ou le contrat produit, elle reprend légalement son cours. De là il suit que, si le seul obstacle au pourvoi de la partie civile est l'extinction de l'action publique, ce pourvoi, dans cette nouvelle hypothèse, ne devrait plus être écarté, puisque sa demande est entée sur une action qui vit encore, et qu'elle se borne à attaquer la cause qui la suspend.

Mais elle trouve alors un autre obstacle: le pourvoi qu'elle formerait dans ce cas serait un véritable acte de poursuite, un acte d'exercice de l'action publique. Car dénoncer l'arrêt qui sursoit soit parce que l'autorisation n'est pas nécessaire, soit parce que le crime n'est pas lié à la question d'état, soit parce que le commencement de preuve de la convention existe, n'est-ce pas demander que l'action publique soit immédiatement jugée, n'estce pas en réalité l'exercer? Or, la partie civile, qui participe à la mise en mouvement de l'action publique, ne prend part à son exercice que dans les cas où la loi, dans un intérêt général, le lui a expressément permis. Aucun texte ne vient ici à l'appui de son pourvoi; il faut donc décider que, dans ce second cas comme dans le premier, il n'est pas recevable.

2299. La partie civile est-elle, en troisième lieu, recevable à se pourvoir contre les arrêts de compétence? Il faut sur cette troisième proposition répondre affirmativement. Cette solution est l'application, non de l'article 408, qui est muet à cet égard, mais 1° de l'article 529, qui, dans les cas de conflit, autorise le pourvoi de cette partie; 2° de l'article 531, qui l'admet à fournir ses moyens de défense sur le règlement de juges; 3° de l'article 533, qui lui reconnaît le droit d'opposition à l'arrêt du rè

glement; 4o enfin de l'article 539, qui déclare qu'au cas où elle aura excipé de l'incompétence, et que son exception aura été rejetée par la chambre d'accusation, elle peut se pourvoir contre l'arrêt de cette chambre.

Dans une espèce où la partie civile s'était pourvue contre l'arrêt d'une chambre d'accusation qui s'était déclarée incompétente, M. Merlin disait : « Lorsqu'un arrêt de chambre d'accusation déclare ou qu'il n'y a pas lieu à suivre sur la plainte d'une partie civile, ou qu'il n'y a pas lieu à accusation contre le prévenu, elle juge que, dans l'état où se trouve l'instruction, l'action publique ne peut pas être exercée ou poursuivie, elle éteint cette action quant à présent, ou du moins elle la paralyse pour tout le temps qu'il ne surviendra pas de nouvelles charges; et la partie civile n'ayant qualité ni pour exercer, ni pour poursuivre celte action, est évidemment non recevable à se plaindre d'un pareil arrêt. Mais, dans l'espèce, la chambre d'accusation n'a pas jugé que le crime de faux ne doit pas être poursuivi par l'action publique; elle a laissé l'action publique entière à l'égard de ce crime; seulement elle s'est déclarée incompétente pour en prendre connaissance. Or, l'article 529 décide nettement que la partie civile a ni plus ni moins que le ministère public et l'accusé le droit de se pourvoir en règlement de juges. La partie civile a donc qualité pour demander que l'action publique résultant du crime, dont elle poursuit la réparation dans son intérêt privé, soit portée devant tels juges criminels plutôt que devant tels autres juges du même caractère. Elle a donc qualité pour intervenir dans la discussion des questions de compétence auxquelles donne lieu l'action publique qui est dérivée du crime qu'elle a dénoncé à la justice. On ne peut donc assimiler une question de cette nature à celle de savoir à qui de la justice civile ou de la justice criminelle appartient la connaissance des faits dénoncés par la plainte. » Cette doctrine a été pleinement consacrée par la Cour de cassation'.

2300. En matière correctionnelle et de police, le droit de la partie civile trouve pour appui un texte précis. L'article 418 1 Rép., vo Faux, § 1, sect. 2, n. 3.

2 Cass. 25 oct. 1811 (J. P., tom. IX, p. 668); 26 nov. 1812 (J. P., tom. X, p. 834).

porte « Les voies d'annulation exprimées en l'article 408 sont, en matière correctionnelle et de police, respectivement ouvertes à la partie poursuivie pour un délit ou une contravention, au ministère public et à la partie civile. » Ne peut-on pas induire des termes généraux de cet article qu'il s'applique non-seulement aux arrêts et jugements rendus par la juridiction correctionnelle et la juridiction de simple police, mais encore aux arrêts que les chambres d'accusation sont appelées à rendre sur ces matières, soit pour régler la marche de l'instruction, soit pour régler la compétence? Ne peut-on pas en induire également que, si la partie civile a le droit de pourvoi contre les arrêts, elle a, par une conséquence nécessaire, le droit de conserver par son pourvoi l'action publique, puisque, s'il n'avait pas cet effet, il serait inutile?

La Cour de cassation a quelque temps hésité sur cette question. Elle a admis, par un arrêt du 25 octobre 1811', le pourvoi d'une partie civile contre un arrêt d'une chambre d'accusation rendu en matière d'escroquerie; et voici en quels termes M. le président Barris expliquait cette admission: « Cet arrêt n'est point en contradiction avec celui du 17 octobre 1811, qui a déclaré non recevable un semblable pourvoi formé par Ranuz, quoique fondé sur la violation des règles de compétence. Dans cet arrêt la matière appartenait au grand criminel, mais dans celui de la présente note elle n'était que correctionnelle. Dans le correctionnel, l'intérêt civil est l'intérêt principal, celui de la vindicte publique n'est qu'accessoire; la partie civile peut saisir directement, et par simple citation, le tribunal correctionnel; le droit de se pourvoir en cassation lui est accordé d'une manière générale par l'article 413 contre tout jugement ou arrêt en dernier ressort. En employant la voie de la citation qui lui est indiquée par l'article 182, elle aurait suivi plus naturellement peut-être l'ordre hiérarchique des juridictions, celui de l'appel et du pourvoi en cassation; mais il a pu lui être plus utile d'employer la voie de la plainte pour mettre de suite en action le ministère public et se procurer, par son autorité, au moyen de visites domiciliaires et autres actes de sa puissance, des preuves du fait de sa plainte; et cette voie, qui lui est ouverte par la loi, n'a pas

1 Cité suprà, p. 434.

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