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la cour d'assises le défenseur de l'accusé a contesté formellement
l'existence d'un premier mariage; que rien dans l'arrêt attaqué
ne détruit cette allégation, dont il a été donné acte à l'accusé;
qu'il y est même reconnu qu'aucun acte de célébration n'a été
représenté; qu'en renvoyant, en cet état de l'affaire, dévant les
tribunaux civils pour faire juger la question préjudicielle que la
défense de l'accusé faisait naître, la cour d'assises a fait une juste
application des dispositions du Code civil.» Dans une autre
espèce, un individu accusé de faux serment et qui ne s'était point
pourvu contre l'arrêt de renvoi fonda son pourvoi contre l'arrêt
de la cour d'assises qui l'avait condamné sur la violation de l'ar-
ticle 1341 du Code civil, relatif à la preuve des conventions. Le
pourvoi a été rejeté parce que la fin de non-recevoir, n'ayant
point été invoquée devant la cour d'assises, ne pouvait être pour
la première fois élevée devant la Cour de cassation,
et que
leurs, « relativement aux débats qui ont eu lieu devant cette Cour
et à la déclaration du jury qui en a été la suite, il ne peut rester
aucune trace des éléments des preuves d'après lesquelles à pu se
former la conviction du jury*». Ainsi, la Cour de cassation re-
connaissait à l'accusé le droit d'élever devant la cour d'assises
un débat sur les pièces produites pour prouver la faussetê du ser-
ment. Dans une troisième espèce, l'accusé ayant encore laissé
passer le délai du pourvoi sans former de recours contre l'arrêt
de renvoi, la cour d'assises, devant laquelle il avait élevé l'ex-
ception résultant de ce que la question d'état n'était pas jugée,
sursit à statuer, en maintenant toutefois l'ordonnance de prise de
corps. Il s'est pourvu contre cette dernière disposition, et la Cour
de cassation a rejeté le pourvoi en approuvant et le sursis qui
impliquait l'examen de l'exception et le maintien de l'ordonnance
de prise de corps, parce que l'arrêt était passé sous ce rapport
en force de chose jugée. Enfin, dans une quatrième espèce, un
accusé du crime de bigamie s'était pourvu contre l'arrêt de ren-
voi en se fondant sur la nullité du premier mariage, nullité qu'il
n'avait pas fait valoir devant la chambre d'accusation. La Cour de
cassation a rejeté son pourvoi en déclarant que rien ne s'opposait
à ce qu'il se prévalût de cette exception devant la cour d'assises.

1 Cass. 25 juillet 1811 (J. P., tom. IX, pr 492).
2 Cass. 5 sept. 1812 (J. P., tom: X, p. 714).
3 Cass. 22 juin 1820 (J. P., tom. XV, p. 1062).

Cet arrêt porte : « Que, dans l'espèce, la nullité du mariage contracté par le demandeur n'a point été prononcée; qu'aucun renvoi pour faire prononcer préjudiciellement par les juges compétents sur cette nullité n'a été demandé devant la chambre d'accusation; qu'elle a dû statuer dans l'état des faits soumis à son examen; que l'exception de nullité, qui pourra être proposée utilement par le demandeur devant la cour d'assises, ne peut l'être devant la Cour de cassation, qui ne doit statuer que sur l'observation des formes prescrites par les lois et sur la juste application de leurs dispositions'. »>

CHAPITRE TREIZIÈME.

DE LA COMPÉTENCE POUR LE JUGEMENT.

§ I. Juridictions pénales.

2328. L'objet de ce chapitre est d'établir la compétence des juridictions pénales. 2329. A la division des faits en crimes, délits et contraventions correspondent trois juridictions les cours d'assises, les tribunaux correctionnels et les tribunaux de police.

:

2330. Distinction des tribunaux ordinaires et des tribunaux d'exception.

2331. Compétence générale des tribunaux de police.

2332. Compétence générale des tribunaux correctionnels.

2333. Compétence générale des cours d'assises.

2334. La cour d'assises, à raison de sa juridiction générale, demeure compétente pour juger les faits auxquels le débat enlève leur caractère de crime.

2335. Elle demeure compétente lors même qu'il résulte des débats qu'elle n'est pas le juge du lieu ou du domicile.

2336. Elle demeure encore compétente lorsque les débats révèlent que l'accusé est agent du gouvernement ou appartient à l'ordre judiciaire, et que sa mise en jugement n'a point été précédée des formes légales.

2337. Demeure-t-elle compétente si le fait est un délit spécial attribué par la loi à des juges spéciaux; si, par exemple, il est purement militaire?

2338. Examen de la maxime qui accorde à la cour d'assises plénitude de juridiction. Les délits spéciaux en sont exclus.

2339. Limites de la juridiction de la cour d'assises.

§ II. Limites de leur compétence.

2340. Les juges ne peuvent étendre leur juridiction au delà du territoire qui constitue leur

ressort.

2341. Application à la compétence pour le jugement de la règle qui déclare compétents pour l'instruction le juge du lieu, de la résidence et de l'arrestation.

1 Cass. 10 janv. 1826 (J. P., t. XX, p. 54); et conf. anal. cass. 4 sept. 1840 (Bull., no 248).

2342. Les tribunaux de police ne peuvent connaître que des contraventions commises sur leur territoire.

2343 Les tribunaux correctionnels apprécient souverainement les faits constitutifs de leur compétence.

2344. Les cours d'assises ne peuvent être saisies que des faits que chacune est appelée à juger ratione loci.

2345. Exceptions au principe de la compétence ratione loci en ce qui concerne le jugement.

§ III. Exception relative aux crimes et délits commis en pays étranger. 2346. Les crimes et délits commis en pays étranger par des Français peuvent être poursuivis en France. Les étrangers eux-mêmes peuvent y être poursuivis, mais seulement dans les cas prévus par l'article 7.

2347. Compétence des tribunaux français pour juger les crimes commis en pays étranger Examen des nouvelles conditions de cette compétence' établies par la loi du 27 juin 1866.

2348. Compétence des mêmes tribunaux pour juger les délits commis en pays étranger. Examen de cette disposition nouvelle de la loi.

2349. Conditions particulières de cette compétence. Nécessité d'une plainte. Nécessité d'une instruction préalable.

2350. Nécessité de l'identité de la législation française et de la législation du pays où le délit a été commis.

2351. Désignation de la juridiction compétente pour juger ces crimes et ces délits. 2352. Répression des contraventions rurales, forestières et fiscales commises sur les frontières des pays limitrophes, à charge de réciprocité.

§ I. Juridictions pénales.

2328. Nous avons achevé d'exposer les formes du règlement de l'instruction écrite par les chambres du conseil et les chambres d'accusation.

Nous avons amené la procédure jusqu'au moment où l'ordonnance ou l'arrêt l'a renvoyée devant les juges qui doivent statuer sur le fond.

Quels sont ces juges? quelles limites séparent leurs attributions les unes des autres? quelles sont les règles qui régissent leur compétence? Telles sont les questions qui se présentent maintenant à notre examen.

Nous n'avons point encore à pénétrer dans l'organisation des tribunaux, à décrire les formes de leur procédure, en un mot, à rechercher les conditions et les solennités du jugement. Nous y arriverons dans le volume qui suivra celui-ci. Une matière préliminaire nous arrête encore : les juridictions pénales n'ont de pouvoir pour juger que dans le cercle de la compétence qui leur a été fixée par la loi.

De là la nécessité de déterminer la compétence de chacune de

ces juridictions et les règles générales qui s'y appliquent. Ce n'est que lorsque nous connaîtrons leurs pouvoirs et les conditions de leur exercice que nous pourrons suivre utilement l'application qu'elles en feront pour juger les affaires de leur ressort.

Nous avons précédemment établi les règles de la compétence pour la poursuite et l'instruction'. Nous allons essayer de poser maintenant ces règles en ce qui concerne le jugement. Ces deux matières ont beaucoup de points de contact, et nous éviterons de répéter ce qui a déjà été dit. Il sera donc nécessaire de se reporter au chapitre qui vient d'être indiqué.

La compétence, telle que nous la considérons ici, est la mesure de juridiction départie à chaque juge pour la répression des faits punissables. Déterminer cette compétence, c'est donc expliquer sur quels faits, contre quelles personnes, dans quels lieux le juge peut statuer.

Il suit de là, comme on l'a déjà vu, que la compétence doit, en général, être examinée sous trois rapports distincts: relativement à la nature des faits incriminės, ratione materiæ; relativement à la qualité des personnes, ratione persona; et relativement à la situation des lieux, ratione loci.

Nous n'avons point à nous occuper particulièrement de la compétence ratione persona: cette compétence n'est pas une règle, elle n'est qu'une exception aux règles générales de la compétence, puisqu'elle se borne à renvoyer devant les tribunaux qu'elle désigne ou devant les juridictions spéciales qu'elle a instituées les prévenus qui, à raison de leur qualité, sont enlevés aux juges du lieu ou aux juges ordinaires de l'instruction. Nous indiquerons exactement les cas de son application en notant les exceptions que la loi a apportées aux règles communes de la compétence. Ce sont ces règles qui font la matière de ce chapitre.

Nous allons donc examiner la compétence des juridictions pénales sous le double rapport de la matière et du lieu; c'est, en d'autres termes, examiner le cercle de leur compétence et les conditions de son exercice. Nous saisirons cette occasion de revenir sur la matière des crimes commis hors du territoire, que nous avons déjà traitée (no 653 et suiv.), mais que la loi du 17 juin 1866, survenue depuis l'impression de notre deuxième volume, a soumise à des règles nouvelles.

1 Voy. notre tome IV, ch. V. De la compétence pour la poursuite et l'instruction.

2329. La compétence ratione materiæ est celle qui a pour base la nature du fait incriminé. Les actions punissables, qui diffèrent par le degré de leur intensité morale et par le préjudice qu'elles causent, ont été classées par la loi en trois catégories : l'article 1er du Code pénal porte : « L'infraction que les lois punissent de peines de police est une contravention. L'infraction que les lois punissent de peines correctionnelles est un délit. L'infraction que les lois punissent de peines afflictives ou infamantes est un crime.» En établissant cette division, le législateur, ainsi qu'on l'a démontré ailleurs, n'a voulu poser qu'une règle d'ordre, un principe générateur de la compétence.

En effet, à ces trois classes d'infraction correspondent trois juridictions répressives: les tribunaux de police, les tribunaux correctionnels et les cours d'assises. Le Code d'instruction criminelle, en instituant ces juridictions, dont la composition différente présente des garanties plus grandes à mesure que s'élève la gravité des infractions, n'a fait qu'appliquer et suivre la règle tripartite du Code pénal.

Mais il y a lieu de remarquer que la loi n'a pas voulu qu'il suffit de qualifier le fait contravention, délit ou crime, pour que la juridiction fût légalement saisie: ce n'est pas la qualification qui fonde la compétence, c'est la pénalité dont le fait est passible. La loi n'a pas disposé que telle juridiction connaîtrait de tous les faits qualifiés contraventions, telle autre de tous les faits qualifiés délits. Elle a déclaré que la première connaîtrait de toutes contraventions passibles de peines de police, que la seconde connaîtrait de tous les délits passibles de peines correctionnelles. La qualification se fonde sur des éléments qui sont quelquefois flexibles, la pénalité est, au contraire, une base immuable de la compétence, et elle apporte aux empiétements un obstacle, en général, insurmontable.

2330. Nous avons vu, dans le premier livre de cet ouvrage', que les juges se divisaient, dans notre ancien droit, en juges ordinaires et en juges extraordinaires.

Les juges ordinaires étaient ceux qui avaient une juridiction générale en matière criminelle et qui connaissaient dès lors de tous les faits punissables, à l'exception de ceux qu'une loi spé1 Voir notre tome I, no 318.

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