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gouvernement de notre pays soit protégé par la loi étrangère. S'il ne l'était pas, on ne s'emparerait pas d'une disposition de la loi étrangère protégeant le gouvernement ou les institutions du pays; cette disposition ne serait pas applicable. Le gouvernement est-il de cet avis?» M. de Parieu, vice-président du conseil d'État, a répondu : « C'est dans ce sens que l'article a été compris; il ne peut pas l'être autrement. Il faut que le fait, pour être poursuivi en France, soit de nature à avoir pu être puni par la juridiction étrangère '.n

2351. Telles sont les exceptions apportées par la loi du 27 juin 1866 à la compétence ratione loci, relativement aux crimes et délits commis en pays étranger. Nous venons de parcourir les conditions que l'action publique doit accomplir ou constater pour profiter du bénéfice de ces exceptions, pour poursuivre en France ces crimes et ces délits. Il reste à indiquer devant quels juges ils seront poursuivis. L'article 6 porte : « La poursuite est intentée à la requête du ministère public du lieu où réside le prévenu ou du lieu où il peut être trouvé. Néanmoins, la Cour de cassation peut, sur la demande du ministère public ou des parties, renvoyer la connaissance de l'affaire devant une cour ou un tribunal plus voisin du lieu du crime ou du dělit. » On lit sur ce point dans le rapport fait au Sénat : « Le lieu où l'inculpé a sa résidence et celui où il est trouvé peuvent être à une telle distance du lieu où le fait a été accompli, que les difficultés et les frais de l'instruction en puissent être singulièrement augmentés. Si, par exemple, l'auteur présumé d'un crime ou d'un délit commis en Belgique avait sa résidence ou était trouvé à Perpignan ou en Algérie', ne serait-il pas bien difficile de déterminer les témoins belges à faire un si long voyage? Pour obvier à cette difficulté le projet propose de donner à la Cour de cassation le droit de renvoyer la connaissance de l'affaire devant une cour ou un tribunal plus voisin du lieu du crime ou du délit. Ce n'est là, à vrai dire, qu'une application nouvelle du principe général posé dans la loi du 27 novembre 1790, reproduit par la Constitution du 3 septembre 1791 (tit. V, ch. 5, art. 19), par celle du 5 fructidor an III, article 254; par celle du 22 frimaire an VIII, article 65; par la loi du 27 ventôse an VIII, article 76, et par les articles 525 à 552 du Code d'instruction criminelle. »

1 Moniteur du 1er juin 1866.

2352. Enfin, la loi, qui ne s'est occupée jusque-là que des crimes et des délits les plus graves, établit avec les pays limitrophes, à charge de réciprocité, le projet d'une convention qui permettrait de saisir sur chaque frontière les délits et contraventions rurales ou fiscales commis sur la frontière opposée. L'article 2 est ainsi conçu: « Tout Français qui s'est rendu coupable de délits et contraventions en matière forestière, rurale, de pèche, de douanes et de contributions indirectes sur le territoire de l'un des États limitrophes, peut être poursuivi et jugé en France, d'après la loi française, si cet État autorise la poursuite de ses régnicoles pour les mêmes faits commis en France. La réciprocité sera légalement constatée par des conventions internationales ou par un décret publié au Bulletin des lois. » On lit dans le rapport: « La commission a pensé qu'il était utile d'arrêter les déprédations et les dommages respectifs qui se commettent respectivement aux frontières. Sans doute ces faits n'ont pas au point de vue moral une gravité pareille à celle des délits ordinaires, mais ils sont dangereux par leur fréquence et par leurs conséquences. Ils entraînent des rivalités, des inquiétudes, des collisions que les gouvernements sages et prudents doivent faire cesser. » Il y aura là, quand les conventions seront intervenues, une compétence extra-territoriale spéciale, soumise à des conditions particulières.

CHAPITRE QUATORZIÈME,

APPLICATION DES PRINCIPES DE LA COMPÉTENCe pour le jugement.

§ I. De la prorogation de juridiction à raison de l'indivisibilité
des procédures.

2353. Les règles de la compétence fléchissent quand la poursuite comprend plusieurs
agents ou quand plusieurs poursuites sont dirigées contre le même agent.
2354. La règle qui veut que tous les complices d'un même délit soient enveloppés dans la
même procédure est une règle de justice. Motifs de l'indivisibilité du jugement.
2355. Application de cette règle dans notre législation.

2356. Elle ne s'applique qu'au cas où tous les prévenus d'un même délit sont à la fais sous la main de la justice.

2357. Le pouvoir de joindre ou de ne pas joindre les procédures est, en général, abandonné à la prudence des juges. Examen de cette jurisprudence.

2358. Cas où plusieurs poursuites sont exercées contre un seul agent: faut-il réunir toutes les procédures? Les délits sont-ils indivisibles?

§ II. De la prorogation de juridiction à raison de la connexité des délits.

2359. Distinction entre l'indivisibilité et la connexité des faits. Définition de la connexité. 2360. Motifs et textes des articles 226 et 227.

2361. Dans quels cas les délits sont réputés connexes. Trois hypothèses: 1° Quand ils ont été commis par plusieurs personnes en même temps;

2362. 2o Quand ils ont été commis par différentes personnes, en différents temps et lieux, mais par suite d'un concert;

2363. 3o Quand les agents ont commis les uns pour se donner les moyens de commettre les autres.

2364. En dehors de ces trois hypothèses, il n'y a pas de connexité strictement égale. 2365. Cependant la disposition de l'article 227 ne doit pas être considérée comme res

trictive.

2366. La règle de la connexité est-elle applicable aux contraventions de police?

2367. Est-elle applicable aux faits disciplinaires?

2368. La connexité a pour résultat la jonction des procédures et la réunion des prévenus, mais cette jonction n'est que facultative.

2369. Néanmoins il y a des cas où la jonction ou la disjonction, demandées par le ministère public ou la défense, peuvent fonder un moyen de nullité.

2370. Mais ce moyen ne peut être proposé pour la première fois en cassation ou même devant la cour d'assises.

,2371. Quelles sont les limites au pouvoir discrétionnaire du juge de prononcer la jonction ou la disjonction pour connexité.

§ III. Du concours des juridictions dans les cas d'indivisibilité
ou de connexité.

2372. Le fait le plus grave attire à lui les faits accessoires. Exception pour le cas où le tribunal compétent ratione loci pour connaître du fait accessoire est le premier saisi, bien qu'il y ait connexité.

2373. Si les délits indivisibles ou connexes ne sont pas justiciables des mêmes tribunaux, quel est le tribunal qui doit être préféré? Cas où les faits sont justiciables des tribunaux ordinaires.

2374. La division est de droit lorsque le lien de l'indivisibilité ou de la connexité n'est pas constaté.

2375. La division est encore de droit lorsque la juridiction compétente pour juger le délit connexe plus grave n'est pas actuellement saisie.

2376. Cette dernière règle est applicable même au cas où le délit connexe imputé à un membre de l'ordre judiciaire doit être porté devant la chambre civile de la cour. 2377. Faut-il l'étendre au cas où le tribunal correctionnel constaterait que parmi les prévenus se trouve un membre de l'ordre judiciaire?

2378. Lorsque parmi les prévenus d'un même délit il se trouve des justiciables d'une juridiction exceptionnelle, la procédure doit être portée devant les juges

ordinaires.

2379. Il en est ainsi lors même que le délit serait un délit purement spécial, et, par exemple, un délit militaire.

2380. Toutefois cette solution ne s'applique qu'au cas où les prévenus sont à la fois poursuivis.

2381. Lorsque, parmi les délits, il en est un justiciable d'un tribunal d'exception, quel est le juge compétent pour les juger?

2382. Les juges d'exception ne peuvent connaître de faits connexes à ceux qui leur sont spécialement déférés.

2383. Le juge ordinaire n'est d'ailleurs compétent pour juger le fait spécial que dans le cas où la connexité exige impérieusement la réunion.

2384. Cas où le délit de désertion est connexe à un délit commun.

§ IV. De l'exception d'incompétence.

2385. Les citoyens ne peuvent être distraits des juges que la loi leur assigne. Ils ont le droit d'exciper de l'incompétence de la juridiction saisie.

2386. Cette exception est d'ordre public et ne peut être couverte par le silence des parties. 2387. Application à l'incompétence ratione materiæ. 2388. Application à l'incompétence ratione persona. 2389. Application à l'incompétence ratione loci.

2390. Le juge doit statuer sur l'exception immédiatement et avant de procéder au fond. 2391. Exception pour le cas où le moyen d'incompétence est indivisible avec le fond. 3392. Il y a lieu de distinguer l'exception d'incompétence des autres exceptions qui tendent à la suspension ou à l'extinction de l'action.

§ V. Compétence des tribunaux criminels pour connaître de l'action civile. 2393. L'attribution de l'action civile aux tribunaux de répression est purement exceptionnelle. Conséquences de cette règle.

2394. Compétence des tribunaux criminels pour connaître de l'action civile accessoirement à l'action publique.

2395. Les tribunaux d'exception ne doivent dans aucun cas connaître de l'action civile que peuvent soulever les faits dont ils sont saisis.

§ I. De la prorogation de juridiction à raison de l'indivisibilité des procédures.

2353. Lorsque nous avons exposé les règles de la compétence pour la poursuite et l'instruction, nous avons déjà vu que ces règles fléchissaient, 1o lorsque des poursuites sont exercées contre plusieurs agents à raison d'un même délit (no 1686); 2° lorsque plusieurs poursuites sont exercées contre le même agent à raison de délits différents (n° 1687). Dans ces deux hypothèses, les diverses procédures, soit parce qu'elles se rattachent à un même fait, soit parce qu'elles concernent un même prévenu, doivent, en général, n'en former qu'une seule, et il en résulte, dans certains cas, pour les tribunaux qui en demeurent saisis, une prorogation de leur juridiction légale. Cette exception s'applique nécessairement au jugement comme à l'instruction elle-même.

2354. La règle qui veut que tous les complices d'un même délit soient enveloppés dans une même procédure et soumis à un même jugement est plus qu'une règle de procédure, c'est une règle de justice. Une action, par cela qu'elle a été commise par plusieurs personnes à la fois, ne se divise pas en autant de par

ties qu'elle a d'auteurs, elle conserve son unité; la part de chacun des adhérents peut être différente, mais le fait auquel ils ont participė ne peut avoir qu'un seul et même caractère. De là la nécessité de réunir tous ces agents dans un même débat; car comment constater avec certitude la nature du délit si tous ses auteurs ne sont pas mis en présence les uns des autres pour en débattre les circonstances? comment constater le degré de la participation de chacun d'eux sans connaître la défense de tous? Le débat commun, c'est la manifestation complète de la vérité, autant du moins qu'il est donné à la justice humaine de la produire; le débat divisé, c'est l'appréciation du fait dans une seule de ses faces, c'est le jugement successif du même fait sous des aspects nécessairement divers. Chaque prévenu, en effet, quelle que soit sa défense dans une prévention, peut être considéré, vis-à-vis de ses coprévenus, soit en leur faveur, soit contre eux, comme un élément de preuve; il apporte dans le débat ses appréciations, ses contradictions, ses réticences; il peut dénier ce que ses complices affirment, il peut déclarer ce qu'ils dénient. Qu'est-ce donc que séparer les coauteurs d'un même fait, sinon diviser les preuves d'un même procès et le juger d'après une instruction incomplète? « Divisez la procédure, instruisez-la en divers tribunaux, isolez les accusés, le débat n'a plus d'intérêt, les incertitudes se multiplient, les lumières s'affaiblissent et la vérité reste obscurcie'. » Et combien cette indivisibilité ne doit-elle pas être considérée comme la loi impérieuse d'une procédure qui, devant les juges du fond, est essentiellement orale, et ne garde, par conséquent, devant le jury comme devant les juges correctionnels de première instance, aucune trace des témoignages, des confrontations et des défenses?

Cette règle, née de la nature même des choses, a été appliquée à toutes les époques de la législation. On la trouve appliquée, à la vérité, aux matières civiles seulement, dans la loi romaine: Nulli prorsùs audientia præbeatur qui causæ continentiam dividet, et ex beneficii prærogativa, id quod in uno eodemque judicio poterat terminari, apud diversos judices voluerit ventilare'. Mais il ne paraît pas qu'en matière criminelle, le privilége pût, plus qu'en matière civile, diviser la procédure. Ayrault pose en

1 Réquisitoire présenté le 19 vend. an V, devant la haute cour nationale. 2 Constantin., 1. 10, Cod., De judiciis.

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